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Hommage à Sotigui à Wemtenga : Du côté du spectateur !
critique
rédigé par Saïdou Alceny Barry
publié le 03/04/2011
Alcény S. BARRY
Alcény S. BARRY
Sotigui Kouyaté, acteur
Sotigui Kouyaté, acteur
Mahamat-Saleh HAROUN, réalisateur tchadien © Belinda van de Graaf, Cannes 2010
Mahamat-Saleh HAROUN, réalisateur tchadien © Belinda van de Graaf, Cannes 2010
Sotigui Kouyaté (Bamako, 1936 - 2010, Paris)
Sotigui Kouyaté (Bamako, 1936 - 2010, Paris)
Meiway, chanteur ivoirien, acteur dans Docteur Folie
Meiway, chanteur ivoirien, acteur dans Docteur Folie
FESPACO 2011
FESPACO 2011

Dans le cadre de l'hommage au comédien Burkinabé Sotigui Kouyaté, le documentaire de Mahamat-Saleh Haroun "Sotigui Kouyaté, un griot moderne" était à l'affiche dans la petite salle de cinéma de Wemtenga, un quartier populaire de Ouagadougou. Malheureusement, le public habituel n'était pas au rendez-vous. Au regard de la thématique de ce 22ème FESPACO "Cinéma et marchés" et du succès croissant du film documentaire au niveau des réalisateurs africains, il est intéressant, à partir de ce cas-ci, de voir la réception du film documentaire africain par ceux qui devraient être les principaux destinataires : les couches populaires.

Il faut noter que la salle de ciné de Wemtenga, dans le difficile environnement où les salles ferment les unes après les autres, a réussi à fidéliser un public majoritairement constitué de travailleurs du secteur informel. Et cela grâce à une programmation qui satisfait le goût de ce public : une fiction africaine, un polar hollywoodien ou une comédie musicale de Bollywood à l'affiche pendant deux semaines ou un mois !


Le documentaire de Mahamat-Saleh Haroun n'a pas séduit le public de cette salle populaire pour plusieurs raisons.
D'abord, un malentendu a joué contre le film d'Haroun Mahamat. Les spectateurs habituels de cette salle s'attendaient à voir à l'affiche "Docteur Folie", avec la vedette de la musique ivoirienne Meiway, un film à petit budget qui utilise les ingrédients dont sont friands ce public populaire : cascades, armes à feu, comédie et un casting qui utilise la notoriété des acteurs Beaucoup de spectateurs déçus ont boycotté le film du réalisateur tchadien.

Par ailleurs, le genre documentaire ne bénéficie pas d'une représentation avantageuse chez la plupart de ces cinéphiles qui le trouvent bavard et sans actions d'éclat ! Pour beaucoup d'entre eux, ce genre appartient uniquement à la télévision !

Ensuite, l'absence d'une affiche a été défavorable à "Sotigui Kouyaté, un griot moderne". A entendre les quolibets de la ribambelle de gamins devant le papier kraft sur lequel était écrit au marqueur le titre du film, on comprend le soupçon qu'ils portent sur la qualité d'un film sans affiche. En fait, pour ce public et ces gamins qui ne lisent pas la presse culturelle et dont une grande partie n'est pas alphabétisée, l'affiche est importante car elle recèle une mine de renseignements sur le film. En effet, devant une affiche, ils procèdent à une lecture sémiologique des images, relèvent des indices qui leur permettent de se fabriquer un horizon d'attente par rapport à un film.

Enfin, même si ce public-là aime le cinéma, il trouve le prix du ticket prohibitif. Aussi développe-t-il des stratégies pour ne pas être floué par un film. C'est pourquoi, la première d'un film dans cette salle n'est pas très courue. On reste circonspect. Des éclaireurs suivent le film et de leur avis découlera l'affluence ou la désertion des spectateurs lors des séances suivantes.

Le public populaire n'est pourtant pas insensible au contenu du film. En effet, les rares spectateurs qui sont restés ont ri bruyamment lors de certaines séquences et ont même entonné en choeur "Mariam Touré", le tube de Sotigui qui clôt le film !
Preuve que ce public ne mégote pas sa participation et son implication dans un film.

On dit qu'une hirondelle ne fait pas le printemps. Tout autant le cas de la réception d'un seul film ne permet pas d'esquisser le portrait sociologique du spectateur africain. Mais il montre que le cinéaste africain devra dorénavant inscrire le spectateur lambda dans son énonciation pour espérer conquérir le public et le marché de l'intérieur. Le défi du réalisateur africain sera d'être un artiste qui crée de belles oeuvres doublé d'un commercial qui tient compte des attentes du public. La gageure est de ne pas perdre son âme dans ce grand écart.

BARRY Alcény Saïdou
Burkina Faso

Paru le Lundi 28 février 2011, Bulletin Africiné n°12 - Ouagadougou (Burkina Faso), FESPACO 2011 - n°1, p. 2.

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