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Éditorial. La Critique est Résistance
Bulletin Africiné n°14
critique
rédigé par
publié le 20/04/2011

Pas de critique sans cinéma. Mais poser la question de la critique revient à s'interroger sur le cinéma lui-même. Or, dans le contexte africain, l'exercice devient un parcours du combattant. Face au cancer qui ronge les circuits de la distribution et de l'exploitation en Afrique, les festivals ou les lieux alternatifs de projection (ciné club, ciné ambulant etc) sont les derniers lieux où une activité critique reste possible. Cela limite dans le temps et l'espace l'accompagnement des films. Et cela ne conditionne-t-il pas le critique en le plaçant dans des dispositions mentales et psychologiques particulières ?

Certes, la position médiatique est confortable, l'ego est renforcé par le sentiment de faire partie d'un cercle d'élus malgré un permanent combat pour la survie. Mais le critique est de plus en plus isolé, son accès aux médias de plus en plus limité, son aura auprès des réalisateurs ternie.

Les critiques de cinéma sont devenus une race à part, piliers de festivals mais déconnectés du public et de la profession qui en reconnaissent de moins en moins l'utilité.
Deux raisons à cela.

D'une part, on remplace la critique par la promotion. Rares sont les médias qui laissent encore se développer l'esprit critique : on voudrait faire du critique un vendeur !

D'autre part, entre réalisateurs et critiques, le torchon a toujours brûlé. Un film demande tant d'énergie que son créateur devient électrique face aux réactions.

Et pourtant ! C'est depuis que la critique existe, c'est-à-dire depuis les années 20, que le cinéma objet de foire a été considéré comme un art. La critique permet à un film de s'inscrire dans le temps, d'appartenir à une histoire, d'être mis en relation avec les autres oeuvres. C'est la critique qui dégage des tendances et les écoles, insiste sur les pertinences, sort de l'oubli les marginalisés.

Certes, la critique reste un acte personnel, pour ne pas dire intime. Il en a toujours été ainsi. Ce qui a changé, c'est la question du partage dans le débat public. A l'heure de Facebook et de wikipédia, le débat devient horizontal, la connaissance celle de tous. On n'écoute plus le critique "passeur de culture". Sans doute a-t-on raison car le critique n'est pas un spécialiste qui détiendrait savoir et vérité. Mais comment élever le débat ? Sortir des lieux communs ? Insérer la culture qui est à la fois connaissance et regard aiguisé ?

Des formes nouvelles de partage et de communication sont à trouver, qui ouvrent le débat à tous mais en sauvegardant la culture. C'est l'enjeu actuel pour que la critique reste un acte de résistance.
Faut-il subir le poids de la nostalgie d'un temps hélas révolu et se laisser ronger par le regret ou succomber dans l'autre extrême ; ce qui signifierait fondre dans le marais de cette littérature officielle de propagande et/ou celle de la promotion mercantile qui ne laisse presque plus de place à un écrit respectueux des oeuvres et des auteurs ? En se posant la question de cette manière, ne ramène-t-on pas nécessairement l'acte critique à une forme de résistance ?

La Rédaction

paru le Mercredi 02 mars 2011, Bulletin Africiné n°14 - Ouagadougou (Burkina Faso), FESPACO 2011 - n°3, p. 1.
avec le soutien d'Africalia (Belgique), du Ministère des Affaires étrangères (France) et d'Africultures (France).

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