Décor bucolique. Une ravissante dame, la posture bien droite devant une table dressée avec amour. Deux verres de vin, une bouteille de grande marque, le couvert est finement choisi. Un dispositif qui laisse à penser qu' elle célèbre une retrouvaille, un anniversaire ou une étape dans sa vie de couple comme le laisse entrevoir le titre du film Noces de coton et que le spectateur ne tardera pas à voir le bien
heureux qui lui fait face.
D'une voix tendre, nostalgique ; le discours prend les contours d'un règlement de compte, d'une déclaration d'amour, de cri de détresse devant la solitude. Elle parle entre larme et sourire ponctués de reniflements. Le spectateur s'impatiente de découvrir le visage du mari. Il attendra le temps du film. Pour consoler sa frustration, le réalisateur lui fait entrevoir le coin d'une chaise vide.
L'espace de jeu dans Noces de coton se dessine sur le visage de Toni Bath Atangana, l'unique personnage du film dont l'expressivité tourne le dos à la performance, au one woman show pour se situer dans la vérité du jeu. Il y a une subtilité dans la mise en scène qui prend le spectateur pour le défunt mari.
L'homme muet, c'est lui, condamné au silence, confiné dans l'impossible à répondre aux sollicitations de cette femme. Il ne peut franchir l'écran et prendre dans ses bras cette femme à qui la vie n'a pas laissé le temps de savourer pleinement les délices de la vie de couple. Voici donc le spectateur dans la position d'écoute comme le mari outre-tombe. Le réalisateur itou, puisqu'il est dans l'incapacité de voler au secours de cette femme, de lui glisser ces quelques mots : Pense plus à la vie qu'à la mort au nom des jumeaux.
La parole devient aussi personnage qui entraine le spectateur dans l'univers intérieur de cette épouse éplorée. Elle devient musique à la place de la musique. Elle monte en puissance jusqu'à devenir coup de feu. Par les interstices du film se glisse l'amour fusion, l'amour égoïste qui ne laisse plus de place aux autres. Les noces de coton ne sont pas des noces douillettes mais fatales.
Baba Diop
Article paru le Mercredi 02 mars 2011, en version papier : Bulletin Africiné n°14 - Ouagadougou (Burkina Faso), FESPACO 2011 - n°3, p. 3.
avec le soutien du FESPACO, d'Africalia (Belgique), du Ministère des Affaires étrangères (France), d'Africultures (France).