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Bon séjour, de Maria Silva Bazzoli & Christian Lelong
Visages de Femmes
critique
rédigé par Samir Ardjoum
publié le 26/04/2011
Samir Ardjoum
Samir Ardjoum
Bon séjour
Bon séjour
Maria Silvia Bazzoli
Maria Silvia Bazzoli
Christian Lelong
Christian Lelong
Bon séjour
Bon séjour

Parfois la vie n'agrée que par la sauce. Et lorsque l'accompagnement est épicé, alors rien n'arrête le courroux de Dame Nature. Décision illogique mais ô combien réelle.

Chacune des femmes offrant la tristesse de leurs rides dans Bon séjour subissent quotidiennement cet affront et sont finalement recluses dans un véritable cul-de-sac. Quelle solution adopter pour contrecarrer cette pauvreté sociale ? Comment filmer ces monceaux d'agressions conséquentes sans caresser le pathos ambiant ? Et quelle serait la ligne conductrice pour accompagner les mots et gestes de ces femmes ?
Interrogations pertinentes qui se multiplient dans ce remarquable
documentaire où chaque instant dramaturgique est maîtrisé de bout en bout.

Très vite, on effectue un parallèle voire une comparaison. D'emblée on pense à ce documentaire de Nassim Amaouche, Quelques miettes pour les oiseaux, qui traitait plus ou moins du même sujet.
Les prostituées de ce relais localisé à la frontière irakienne s'exprimaient sans retenue et filmées par une caméra agile et discrète d'Amaouche. Bon séjour reprend ce canevas mais insiste sur une belle étude du temps qui s'écoule ou s'efface. On suit les pérégrinations d'anciennes et d'actuelles prostituées, les caisses de leurs témoignages résonnant dans la salle de cinéma et leurs propensions à lutter fleurissent dans le cadre des deux cinéastes.
Beaucoup de liberté, mais de nombreuses remontrances contre le fléau absolu, l'homme.

Au début, il y avait un autre film : Amour, Sexe et mobylette. Plus léger, moins frontal mais qui relatait les faits de ce cabaret/restaurant nommé Bon séjour.
Puis un jour, Mariam apparu. Très vite, les deux auteurs comprirent qu'un film pouvait se faire, sorte d'extraction de la face cachée de l'iceberg. Bon séjour était né.

Traité comme un morceau de jazz et avec une lenteur salvatrice, le temps dans Bon séjour sonne tel le va-et-vient de la boite à musique.
On aurait pu craindre le pire dès la première séquence où la figure de Mariam, mitraillée par un montage nerveux se livrait entièrement face caméra, et en clamant qu'elle refusait la lâcheté.
Ambiance film noir, verbe hésitant, sueur qui perle sur son front et attaque frontale.
On aurait pu craindre le pire, on a eu finalement tort. Surgissent alors trois histoires, trois belles façons de convoquer l'ambiance amère des regrets. A visages découverts, ces femmes racontent leurs mésaventures, les périodes où elles furent de longilignes esclaves sexuelles et surtout le dégoût qu'elles éprouvent pour les hommes. "Ne prends pas ton cas pour une généralité" sonne le fameux adage, malheureusement il est évident que l'existence d'un énorme microcosme laisserait à penser que les blessures ne seront jamais cicatrisées.

Filmées à l'épaule, ces "Gervaise" africaines, anoblies par la caméra des réalisateurs, refusent la piété et veulent qu'on les traite avec dignité. En cela, le film penche pour un travail autour de la durée, créant une certaine respiration entre les séquences. Le cloisonnement est finalement écarté pour mieux cerner la solitude de ces coureuses de fond.
Finalement, Bazzoli et Lelong ont su capter avec beaucoup d'élégance ces magnifiques odes à la liberté tout en refusant de flirter avec le bras long du maniérisme. Chapeau bas !

Samir Ardjoum
Algérie

Version de l'article paru sur papier le Jeudi 03 mars 2011, Bulletin Africiné n°15 - Ouagadougou (Burkina Faso), FESPACO 2011 - n°4, pp. 1 & 6.
Ce bulletin est publié par la Fédération Africaine de la Critique
Cinématographique (FACC) avec cette année le soutien du FESPACO, du ministère français des Affaires étrangères et d'Africalia.
Il est rédigé par des membres de la FACC présents au Fespaco 2011, venant de 9 pays d'Afrique

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