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Interview avec Martin Poulibé, acteur (Cameroun)
"Quand on ne sait pourquoi on fait quelque chose on le fait mal...."
critique
rédigé par Sitou Ayité
publié le 22/05/2011
Sitou Ayité
Sitou Ayité
Martin Poulibé
Martin Poulibé
Claire Denis
Claire Denis
Claire Denis
Claire Denis

La 14ième édition du festival Ecrans Noirs qui s'est déroulée du 29 mai au 5 Juin 2010 à Yaoundé sous le thème "cinéma et littérature" a vu au cours de sa cérémonie officielle de clôture, la projection du film White Material de Claire Denis. Au cours de la cérémonie, nous avons rencontré Martin Poulibé, comédien et auteur de bandes dessinées qui incarne le rôle du chef des ouvriers dans le film. L'homme est d'une simplicité déconcertante et d'un humour né probablement de sa seconde passion pour le 9ième art. Il accepte bien volontiers une interview en tant que comédien de cinéma.

Qui est Martin Poulibé ?

Martin Poulibé, c'est un Camerounais de 1m80, 80kg, diplômé en histoire et archéologie à l'université de Yaoundé qui a participé à des fouilles dans le grand nord du Cameroun dans l'équipe du professeur Nicolas David de Calgary University. C'est un comédien, c'est un auteur de bande dessinée dont une est vendue par Amazon.com.uk. C'est enfin un directeur commercial chez un concessionnaire qui représente les Chevrolet, Daewoo et Ssangyong… ouf ! J'en ai fini.

Comment en êtes vous arrivé au cinéma ?

Je suis devenu acteur par hasard ou plutôt je dirais que c'est le cinéma qui m'a choisi. Une équipe de production était venue tourner un film dans ma société en mai 2000 : je leur avais obtenu les autorisations nécessaires et ils ont insisté pour me donner un rôle que j'avais dans un premier temps refusé. J'ai fini par accepter et me voilà aujourd'hui embarqué sur le bateau du cinéma.

On vous connaît beaucoup ici au Cameroun en tant qu'acteur...

Je suis assez connu dans la sous région comme acteur de cinéma compte tenu du fait que j'ai incarné des personnages dans environ 85 productions regroupant des téléfilms, des publicités et autres. Certains films ont connu beaucoup de succès et partant de là, ont marqué l'imagerie populaire. Je cite à ce titre Big heart (ou "Gros cœur") qui m'a attiré beaucoup de préjudices. Ce téléfilm diffusé, sur la chaîne camerounaise Canal 2 International, a mis en scène deux acteurs principaux et un serpent boa. J'incarnais un personnage monstrueux, propriétaire d'un serpent boa qui lui offrait des jeunes filles innocentes en sacrifice. Le rôle était tellement bien joué qu'il est passé pour vérité dans l'imagerie. À la sortie du film, beaucoup de personnes changeaient de route quand ils me croisaient et bon nombre de collègues acteurs ont cru que j'étais un charmeur de serpents. Ce sont ces genres de rôle bien rendu qui ont fait ma notoriété. Par conséquence, quand des producteurs et réalisateurs étrangers viennent en Afrique centrale, ils me contactent, soit à travers des amis, soit à travers un mail.

Comment avez-vous obtenu votre rôle dans White Material ?

J'ai participé au casting de Claire Denis. Elle a eu une conversation avec moi et ça lui a suffi pour se faire une idée. J'étais pressenti pour le rôle de Chérif puis de Maurice mais j'ai finalement obtenu celui que j'ai incarné dans le film : celui du chef des ouvriers. J'étais parti pour deux semaines de tournage, mais j'ai fait finalement quatre mois. J'ai eu l'insigne honneur de proposer, sur la demande de la réalisatrice, quelques mises en scène qu'elle a acceptées, ce qui a prolongé mon séjour. Claire a apprécié, j'imagine, mon esprit de créativité. Cela m'a énormément fait plaisir et dans ce film, je me suis vraiment amusé.

Vivez-vous de votre métier d'acteur ?

Oui j'en vis puisque je roule carrosse (rires) ! Pour être sérieux, on ne peut pas vivre de cet art en Afrique ou en d'autres termes on ne peut pas y être un professionnel. La raison essentielle est dans la fréquence des propositions de tournage de film. On travaille très peu et c'est mal payé.

Qu'est ce que vous n'aimez pas dans ce métier ?

Ce métier est truffé d'aventuriers qui le dévalorisent et le rendent difficile.

Les acteurs africains se plaignent souvent de leurs conditions. Quelles sont selon vous les causes de cette situation ?

Je l'ai dit tantôt : c'est la présence des personnes qui n'ont rien à faire dans ce métier. Il faut aussi noter que faire un film en Afrique relève d'un miracle. Vous avez tout le monde contre vous et vous vous retrouvez parfois en train de faire de la "sorcellerie" et si vous n'êtes pas fait pour cela, je vous laisse imaginer ce qui adviendra de votre pauvre tête.

L'histoire de film reflète-t-elle une réalité de votre pays ?

Tout à fait. Cette histoire pourrait être la mienne ou celle de n'importe qui d'entre nous en Afrique noire. Pour quelqu'un qui sait ce qu'est une guerre civile, je pense que l'histoire reflète malheureusement la réalité dans nos pays où beaucoup prennent les armes pour vouloir changer un système que monopoliseraient d'autres.

Un message pour les jeunes qui veulent emboîter votre pas ?

Un message pour quels jeunes ? La jeunesse pour moi, ce n'est pas une époque mais un état d'esprit. Si vous parlez de jeunesse, en termes d'âges alors je dirai à cette jeunesse d'être avant tout honnête, sincère, modeste et travailleuse. Je recommanderai surtout à ces jeunes de savoir pourquoi ils deviennent acteurs ; parce que quand on ne sait pourquoi on fait quelque chose, on le fait mal.

Propos recueillis par
Sitou Ayité

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