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Keïta, l'héritage du griot, de Dani Kouyaté
L'héritage en question
critique
rédigé par Salomon Omaande
publié le 29/06/2011

Keïta, l'héritage du griot du Burkinabé, Dani Kouyaté nous plonge dans la civilisation mandingue en Afrique de l'Ouest.

C'est un film d'une centaine de minutes, réalisé par le Burkinabé Dani Kouyaté, le fils du grand réalisateur, Sotigui Kouyaté, lequel joue le rôle principal, et qui vous laisse cent ans à votre place, longtemps après qu'il soit achevé, à vous triturer l'esprit.
C'est que Keïta, l'héritage du griot est une interrogation, profonde et douloureuse du sens métaphysique de l'existence de chacun d'entre nous.

" - Comment vous vous appelez ?
- Drissa, Drissa Fofana.
- Savez-vous ce que cela signifie ?"

Le maître d'école, qui enseigne le calcul à ses élèves, n'en sait rien. Djéliba Kouyaté, le griot, connaît l'histoire de tout le monde, et est venu enseigner au tout jeune Mabo Keïta, que "son ancêtre était un roi, pas un gorille". Le conflit est mis en place.

L'intrigue prend appui sur l'épopée du roi Mandingue, Soundiata Keïta, mais n'en tire que le fil nécessaire pour dérouter, désosser, désorienter le discours établi dans la plupart des sociétés africaines : que le savoir utile est celui enseigné à l'école occidentale. Mabo doit présenter un examen. Sa mère pense que l'enseignement du griot vient le perturber, et le maître est obligé de le renvoyer de l'école parce qu'il est devenu à son tour un griot qui rassemble et perd ses camarades. Ce qui est sûr, lui n'écoutera plus que le langage de la tourterelle, parce qu'il y a été initié.

Par le moyen des retours sur la légende de Soundiata keïta, le narrateur nous fait vivre comment la connaissance de l'origine et de la signification de son nom, est une clé fondamentale pour la réalisation de son dessein originel. Le reste chacun en sait quelque chose : Soundiata était fait pour régner, mais il est né gravement infirme. Il lui faudra croire aux prédictions des ancêtres pour triompher de ce déterminisme originel.
Il y a dans ce film quelque chose qu'on ne voit pas si souvent : que la laideron Sogolon, donne naissance à un presque reptilien, qui va finir par régner, est un chemin qui n'est pas très emprunté par les films où le beau, le fascinant, le mépris de la nature laide, constitue le culte. Or le faible, l'écrasé, le laideron doit s'appuyer sur son héritage, lequel lui permet de conquérir sa place par une initiation à son histoire, au pourquoi de son être au monde.
Le beau par contre est à voir ici à travers la prise en charge du récit où un glissement subtil de focalisations déroule l'histoire tour à tour ou en alterné par le regard de Djéliba, le griot, ou celui de Mabo, le tout jeune, de sorte à se laisser entraîner comme une barque dans un tranquille courant. Il y a pour finir, une vraie cohérence dans la manière de mettre en situation des mondes différents se chevauchant, avec la palette d'expressions des acteurs, du narrateur, des couleurs, de la nature, et d'un certain piquant humoristique.

Salomon OMAANDE

article paru dans la revue Mosaïques (Yaoundé), - ÉDITION SPÉCIALE Nº 002 du 21 Juin 2011, page 5.
Dans le cadre de l'atelier de formation à la critique animé par Jean-Marie Mollo Olinga (FACC) et Klaus Elder (FIPRESCI). Organisation : les associations Arterial Network et la Cameroon Art Critics (CAMAC), en collaboration avec le Goethe Institut Kamerun.

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