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CHAMP CONTRE CHAMP : Klaus Eder
"Le cinéma est une affaire d'amour"
critique
rédigé par Alain Roland Biozy
publié le 30/06/2011
Ecrans Noirs 2011
Ecrans Noirs 2011
Klaus Eder, Secrétaire Général de la FIPRESCI
Klaus Eder, Secrétaire Général de la FIPRESCI

Le secrétaire de la Fédération internationale de la presse cinématographique (FIPRESCI) donne les clés pour une bonne
critique de cinéma et parle de son séjour au Cameroun.

Pour le grand public, comment vous présenter ?

J'ai travaillé toute ma vie comme critique du cinéma en Allemagne. Probablement toute ma carrière professionnelle au sud de l'Allemagne, c'est-à-dire à Munich. Et quand j'avais commencé à écrire sur le cinéma, il n'y avait pas la possibilité d'étudier cette spécialité dans les universités.
Alors, j'ai fait les études de littérature allemande. Mais ça, je l'ai oublié très vite, parce que le cinéma m'a donné un autre univers. J'ai fait mes premières expériences dans le cinéma dans une période très intéressante et où il y avait la nouvelle vague française qui était venue en Allemagne. Un peu plus tard, c'était le nouveau jeune cinéma allemand. (…)

J'allais aux festivals pour voir les films en compétition ; mais aussi j'aimais particulièrement les rétrospectives, parce qu'en ce temps là, il n'y avait pas encore les vidéos et DVD. Plus tard, j'ai commencé à programmer un festival à Munich, pendant 25 ans. (…) Je l'ai quitté il y a deux ans.
J'ai alors commencé à m'occuper de la FIPRESCI : c'est une fédération de la critique internationale du cinéma où on a plusieurs activités. Et l'une des raisons pour lesquelles je suis venu ici est que l'Afrique est absente de ces activités. Alors, j'espère que nous pouvons commencer une collaboration avec les confrères et les amis ici en Afrique.

Quand on parle de la critique cinématographique, il s'agit de quoi exactement ?

C'est un peu difficile de l'expliquer en dehors de l'Europe, parce que je crois que la notion de la critique en général est apparue dans les journaux en Europe, dans les pages culturelles où on a commencé il y a des siècles, à écrire sur le théâtre, sur l'opéra, et bien sûr sur la musique. Plus tard, on a ajouté la critique du cinéma, près de 20 ans après les premiers films. C'était un long processus.
Et maintenant du point de vue populaire, la critique donne le conseil au public de voir ou pas un film qui sort le vendredi ou le jeudi dans les salles. Mais je crois qu'il y a une grande différence entre un spectateur et un critique du cinéma. Parce que le critique connaît toute l'histoire du cinéma, idéalement. Ce n'est pas possible de connaître tout, mais quand même les oeuvres les plus importantes dans l'histoire du cinéma. Alors, on a cette espèce de matériau pour apprécier un film.
A cette connaissance du cinéma, s'ajoute la connaissance des autres sciences comme la psychologie, la sociologie. Un bon critique aime le cinéma. Moi je préfère toujours lire et écrire la critique positive, enthousiaste sur le film et pas le critique qui condamne un film à mort. Pour moi, ce n'est pas la critique idéale. Je crois qu'il est nécessaire de tomber amoureux d'un film. Le cinéma c'est comme une femme : on voit un film et on tombe amoureux. Et on écrit sur cet amour. C'est une affaire d'amour. Bon ! Ce n'est pas possible dans la vie quotidienne d'avoir toujours le sentiment d'amour pour un
film, mais quand même il est nécessaire qu'un film me touche. Alors je crois que l'argument de la critique ce n'est pas objectif, "c'est un beau film parce que la caméra est bonne, les acteurs sont bons "
Non ! Parce que le critique peut dire : "le film m'a touché." Alors, un bon critique c'est celui qui permet au film de le toucher.

Vous êtes secrétaire Général de la FIPRESCI, au fait qu'est-ce c'est ?

C'est la Fédération internationale de la presse cinématographique, fondée en Europe, où elle est maintenant présente un peu partout, dans les Amériques (Etats- Unis, Canada, Amérique latine), en Asie, dans le monde arabe, et malheureusement pas encore ici en Afrique, sauf quelques membres individuels. Une des activités est d'établir les jurys dans les grands festivals. Les jurys de la critique du cinéma attribuent un prix de la critique pour les films en compétition, ou bien sûr dans une section parallèle.

Comment expliquer que la FIPRESCI ne soit pas véritablement installée en Afrique ?

Eh bien, parce que c'est l'Afrique. Toute l'organisation est un peu difficile. Et, j'ai trouvé la même situation en Amérique latine et j'y suis allé souvent avec le résultat que finalement, il y a eu des associations en Argentine, au Brésil, et j'ai commencé maintenant trop tard, à venir ici. Mon but est de retourner avec des associations de la critique dans les pays, au moins ici en Afrique centrale.

Avec votre regard de critique cinématographique et de SG de la FIPRESCI, que pensez-vous que les Africains puissent faire pour apporter une plus-value à leur cinéma ?

Premièrement, il faut faire plus de films. Parce que si on a un film par an ici au Cameroun, tout le monde l'attend, il y a beaucoup d'attente sur ce film et c'est très difficile pour un film de satisfaire ces espoirs. Il est facile de décevoir les gens. Certes, pour moi qui vit à Munich, je suis loin, je suis un critique, c'est facile à dire, mais quand même, je crois que les clés pour le cinéma africain plus actif, plus présent, c'est qu'il y ait beaucoup de films.
Deuxièmement, je ne sais pas si je suis correct, mais je crois qu'en Europe il y a des préjudices contre le cinéma du monde arabe et africain. Il y avait beaucoup des préjudices contre le cinéma asiatique et après ça, il y eu le grand cinéma coréen, chinois, japonais. Alors, on a oublié les préjudices. Mais ces préjudices existent toujours en ce qui concerne l'Afrique et le monde arabe. Maintenant, après toute cette révolution dans le monde arabe ça va s'améliorer. Mais pour l'Afrique, c'est difficile.

Quelles sont les raisons de ces préjudices ? Et pourquoi ce serait si difficile pour les Africains ?

Il y a deux raisons. La première est totalement pratique, où est-ce que je peuxvoir les films africains ? Si je parle du cinéma hongrois, je vais à Budapest et là il y a un petit festival où je peux voir tous les films produits dans une année. Où est-ce que je peux voir les films du monde arabe ?
Alors, je crois que les festivals aiment beaucoup aller aux Etats-Unis, au Mexique, mais ils ne viennent pas ici. Je parle de Berlin, de cannes, etc. Deuxièmement, je crois que il est très difficile de voir un film parfait dans la même compétition que un film pas tellement parfait : un film hollywoodien et un film africain. C'est très difficile pour un film africain d'être dans une telle compétition.
Comme critique du cinéma, je crois qu'il ne faut pas surapprécier les faiblesses du cinéma africain. Il faut rencontrer le cinéma africain avec un certain intérêt. Je suis ouvert pour voir des films où je sais peut-être vraiment qu'ils ne sont pas parfaits, du point de vue de la caméra, du son, des acteurs, mais quand même il est nécessaire de développer une certaine patience. Combien de grands festivals arrogants européens ont cette patience ?

Quel est votre sentiment au sortir de l'atelier sur la critique que vous venez d'animer avec vos confrères camerounais ?

J'espère que la coopération avec la jeune critique camerounaise va continuer. On a fait une discussion à un niveau très agréable. Et si je pouvais aider dans quelques points je serai très content.
J'espère vraiment qu'on peut continuer à rencontrer les confrères et créer d'autres ateliers pas nécessairement ici, mais dans la région. Je crois que c'était un début avec une continuation à souhaiter.

Entretien avec Alain BIOZY et Salomon OMAANDE

article paru dans la revue Mosaïques (Yaoundé), - ÉDITION SPÉCIALE Nº 002 du 21 Juin 2011, page 5.
Dans le cadre de l'atelier de formation à la critique animé par Jean-Marie Mollo Olinga (FACC) et Klaus Elder (FIPRESCI). Organisation : les associations Arterial Network et la Cameroon Art Critics (CAMAC), en collaboration avec le Goethe Institut Kamerun.

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