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KONGO. 500 ans de colonisation, 50 ans d'indépendance (1510-2010)
"L'indépendance" - toujours cha cha ?
critique
rédigé par Simon Mbaki Mazakala
publié le 04/08/2011
Simon Mbaki Mazakala
Simon Mbaki Mazakala

La République Démocratique du Congo (RDC) est indépendante depuis le 30 Juin 1960. A l'occasion des 50 ans de sa souveraineté nationale, un groupe de réalisateurs belges a réuni des images d'archives des temps anciens et nouveaux pour situer cet état sur le plan historique autour des trois étapes de son existence.
D'où la série de trois documentaires, sous le titre "KONGO" de Eklektik Productions, projetés au Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa et l'Institut Français - la Halle de la Gombé les 27, 28 et 29 juin 2011 ainsi que le 6 juillet 2011. Cela en présence des réalisateurs concernés ; projection suivie des débats de clarification et de contradiction par le public et les historiens congolais NDAYWELL et UTSHUDI.
Avec l'esprit de dérision que possèdent les Belges, la maison WALKING THE DOG a inséré des dessins animés pour donner de la voix et des visages aux personnalités politiques, religieuses et autres afin d'exprimer leur opinion.


Épisode 1 : La course effrénée. (1510-1908)

Ce film est réalisé par Samuel TILMAN. Il montre l'étape de conquête des terres congolaises par la pénétration aux profondeurs du territoire par les colonisateurs pour anéantir les civilisations trouvées sur place. Les royaumes KONGO, TSHOKWE, LUBA, KUBA,LUNDA etc… ont subi la loi du plus fort et ont été dépiécés.
C'est surtout l'époque des grandes manœuvres du roi Léopold II. Celui-ci profite du travail d'approche du journaliste Henri Morton STANLEY pour faire main basse sur un vaste territoire dépassant de 80 fois son royaume la Belgique.
Ce film montre aussi la détermination d'un souverain capable de pouvoir déjouer les susceptibilités des grandes puissances, la Grande Bretagne et la France, pour occuper et exploiter une "terra incognita".
L'occupation se fait grâce à l'administration, la Force publique et l'église catholique. L'exploitation est effectuée par les sociétés à charte : l'union minière du Katanga (cuivre, cobalt), la forminière (diamant), les plantations Lever (hévéa), les huileries de palme, etc…
Malheureusement pour le roi, ses succès économiques et financiers sont tirés du sang. Ayant vaincu l'esclavage de la part des arabisés, ayant dominé les peuples assujettis et voulant accumuler des richesses dans son domaine, il ne supporte pas de contestations à sa discipline. Il laisse carte blanche aux entreprises multinationales de briser les paresseux et les contestataires. Par le travail forcé, les atrocités sont commises. Les mains sont coupées. Les enlèvements sont opérés.
Jusqu'à ce que le journaliste Edmund Dene MOREL dévoile le pot aux roses. Ainsi donc, le Roi est contraint de céder sa propriété de l'État Indépendant du CONGO (EIC) au gouvernement belge qui institue la colonie belge.


Épisode 2 : Les grandes illusions (1908-1960).

Dans ce film, le réalisateur Daniel CATTIER relate cette époque de la colonisation par le gouvernement belge. Celui-ci soumet le Congo-belge à l'instauration d'un ordre nouveau de domination. On maintient l'effort du travail par l'administration, l'église et les sociétés en ajoutant le paternalisme : une dose de soins de santé, d'éducation scolaire, de promotion sociale avec le titre d'évolué et de récompense avec de matabiches (bakchichs).

Il nous faut souligner ici que le réalisateur Daniel CATTIER est un descendant d'un actionnaire de l'Union minière. Son regard est tourné vers l'émergence d'une élite souvent soumise par l'oppression. La chicotte est même de mise, sinon l'emprisonnement ou l'empoisonnement. Paul Panda FARNANA, Simon KIMBANGU, Joseph KASA-VUBU, Patrice Émery LUMUMBA… subissent cette répression. Ces personnalités seront présentes dans le film, par les photos ou archives filmées et des dessins d'animation les représentant.

Farnana a été tiré de sa "tanière" par un Blanc qui rentrait en Belgique, en l'emmenant et en le faisant étudier. Ingénieur agronome, rentré au Congo-belge, il est en désaccord avec les Belges. Il va disparaître totalement, même dans les archives.
Simon KIMBANGU a eu le malheur de prophétiser qu'il y aura un temps où "les Noirs seront les Blancs et les Blancs seront les Noirs". Le distingué Père Van de WING ne parviendra pas à élucider cette interpellation, car les Blancs étaient du côté où il faisait bon vivre, alors que les Noirs devaient suer sang et eau pour tirer leur épingle du jeu.
Cette adversité est restée constante malgré les bouleversements provoqués par la participation des Congolais aux guerres 14-18 et 40-45, aux changements dans les colonies de l'Afrique anglaise et française ainsi qu'aux révolutions cubaine, algérienne…
Il n'y a pas eu d'avancées dans la préparation d'une élite consciente. Le choc frontal va avoir lieu en janvier 1959 au cours des pillages qui consomment la séparation nette entre la Belgique et le Congo.
Par là, "la précipitation inconsidérée" et "les atermoiements funestes" font place à la table ronde politique mettant les congolais en front commun pour exiger l'autonomie qui conduira à l'indépendance avec KASA-VUBU comme Président de la République et LUMUMBA en qualité de Premier Ministre, mais encore et toujours JANSSENS comme général de la Force Publique.




Épisode 3 : Le géant inachevé (1960-2010).

Deux réalisateurs se sont occupés de cette partie qui met en exergue les joies et les peines de "l'indépendance cha cha", cette chanson de Joseph KABASELE et l'orchestre African-Jazz vantait le libre exercice de souveraineté obtenue par les anciens colonisés dans la cohésion de tous les peuples.
Isabelle CHRISTIAENS et Jean-François BASTIN ont relaté le déroulement des évènements politiques et sociaux dès le 30 juin 1960 jusqu'à la prise de pouvoir de Joseph KABILA Kabange en 2001.
La particularité de ce film réside dans le choix de LUMUMBA comme commentateur en dessin animé qui analyse les situations vécues au pays en pleine possession de sa souveraineté nationale.
Les images d'archives montrent bien la cérémonie de passation de pouvoir entre le Roi BAUDOIN Ier et le Président KASA-VUBU ainsi que le discours "incendiaire" du Premier Ministre. La suite des évènements à savoir les émeutes de l'armée, la sécession du Katanga et du Kasaï ainsi que les péripéties de la descente aux enfers du jeune état sont très bien agencés.
Bien que mort par la trahison de ses acolytes, le fantôme de LUMUMBA hante les sphères du pouvoir. Il s'intéresse à tous les rebondissements et les machinations occasionnés par les multinationales et les politiciens de tout bord.
Il s'apitoie sur le sort de son pays pris en tenaille par MOBUTU qui instaure une dictature pour se hisser à la hauteur du Roi des belges et des grands de ce monde.
Il n'est pas d'accord avec Laurent Désiré KABILA "lumumbiste" qui s'est allié avec des forces étrangères pour la direction du Congo. Quand il est assassiné, c'est son fils qui prend le pouvoir sans "expérience" et avec une habitude de "quelqu'un d'énigmatique".
Le LUMUMBA en dessin animé se dit aussi consterné du manque de considération à son endroit car il a donné son corps au pays mais il est sans sépulture.


Conclusion

Les réalisateurs des trois films de 52 minutes chacun ont affirmé lors des débats que ces documentaires sont basés sur les archives dont le travail de numérisation en Belgique est chose faite. Ils ont aussi voulu contribuer à la lecture de l'histoire de la RDC à travers sa mémoire liée à la Belgique.
Je me rappelle que cet exercice a été aussi tenté en 1985 pour les 25 ans d'indépendance de la RDC ex Zaïre avec la série de documentaires dont le titre central était "Bula Matari"
Décidément, les Belges qui ne cessent d'affirmer dans un programme deTV5, "Tout ça ne nous rendra pas le CONGO", sont très attentifs à ce qui se passe dans leur ancienne colonie sans pour autant se départir des illusions entretenues envers les Congolais qui le leur rendent bien d'ailleurs.

Et si, par l'intercession de ce film, LUMUMBA, là où il est, continuait vraiment à porter des jugements sur la RDC et ses rapports avec la Belgique, il se dirait sûrement : quel gâchis ? Le front commun réussi par les Congolais lors de la table ronde politique et tant souligné par la chanson "indépendance cha cha" a été battu en brèche par la réalité de l'exercice du pouvoir. Car certains dirigeants sont guidés par la soif du pouvoir personnel. Ces Noirs sont devenus plus blancs que neige.

Mbaki Mazakala
Kinshasa, ce 13 juillet 2011.

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