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Essai d'une typologie du cinéma tunisien
critique
rédigé par Mahmoud Jemni
publié le 05/08/2011
Mahmoud Jemni
Mahmoud Jemni
1er film tunisien
1er film tunisien

Faire la typologie d'un cinéma n'ayant à son actif que cent longs métrages est une aventure périlleuse. Nombreuses sont les appréhensions qui s'érigent sous formes de questions à égrener. N'en citant que quelques unes. Je me demanderai : s'agit-il des images fictionnelles tunisiennes d'avant ou d'après l'indépendance ? Quel mode d'analyse faut-t-il adopter ? Faut-il opter pour la chronologie aux dépens de la classification par thèmes? Ou choisir les deux modes afin d'amoindrir les embûches et fournir au lecteur, non tunisien, le plus d'informations susceptibles de l'aider à mieux se représenter, l'évolution et l'état de notre cinéma ?
D'emblée, je ne parlerai que des films, courts ou longs, tournés après 1956, année de l'indépendance du pays. Tous les spécialistes du cinéma tunisien retiennent quatre grandes périodes. Je les relaterai dans une optique purement chronologique tout en espérant évoquer par la suite les grands thèmes qui caractérisent notre cinéma.

Quelques informations

Le cinéma tunisien est peu foisonnant mais présent dans les rencontres internationales telles Berlin, Venise et Cannes. Il a été, trois fois, retenu à la compétition officielle de Cannes. La première sélection remonte à l'année 1970 avec "Une si simple Histoire" de Abdellatif Ben Ammar, soit quatre ans après le premier long métrage de la Tunisie indépendante: "L'Aube" de Omar Khelifi (1966).
Notre cinéma se caractérise aussi par l'exiguïté de son marché et la disparition du complexe cinématographique de Gammarth créé en 1967. Les laboratoires de Gammarth ont longtemps permis à la Tunisie de posséder une infrastructure technique et industrielle assurant la confection des films en noir et blanc.Hormis, l'Égypte la Tunisie était l'unique pays africain à avoir de tels moyens de production cinématographique.
Dix ans auparavant (1957), le jeune État tunisien avait créé la SATPEC (Société Anonyme de Production et d'Expansion Cinématique), lui confiant la tâche de veiller à la prospérité du secteur cinématographique. De nos jours, la SATPEC et son patrimoine ont totalement disparu. En 1956, année de l'indépendance il y avait 150 salles de cinéma répandus sur tout le territoire. Actuellement on ne comptait que 16 salles pour dix millions d'habitants.

La cinéphilie qui était la fierté du peuple tunisien est des nos jours dans un état moribond. Bien avant l'indépendance, la fédération Tunisienne des Ciné-clubs a vu le jour en 1950. Elle fut la première fédération africaine et arabe. Les ciné-clubs connurent un âge d'or jusqu'à la première moitié des années quatre vingt. Les adhérents, intelligentsia, élèves et étudiants, se comptaient par milliers. Les clubs ont été implantés dans les quatre coins du pays. Sa cadette, la fédération des Cinéastes Amateurs (1962) a amplement contribué à la consolidation d'une culture cinématographique déjà répandue. Les deux associations entretenaient de fortes relations de coopération et de complémentarité. Cette impulsion cinéphilique a été freinée par le régime en place. Il craignait une prise de conscience mettant en danger les jours de son système politique. Pourtant, les gouvernements successifs représentant l'unique parti de Bourguiba, ont pris différentes mesures pour jeter les bases d'un secteur cinématographique national.

La première période: 1956-1970

Les dix premières années furent marquées par des documentaires relatant les événements de la jeune Tunisie. Ce sont des films de commande et de propagande. Ils sont connus sous l'appellation des "Actualités tunisiennes".
La SATPEC, supervisait la fabrication de ces documents. Les développements et les travaux de post-production se faisaient à l'étranger, en France, le plus souvent. Dès 1967, année de la création du complexe de cinéma de Gammarth, la fabrication des films est désormais possible dans le pays. Deux fictions tunisiennes ont été tournées par deux étrangers. Le premier en 1957, s'intitule "Chaînes d'or" avec pour la première fois devant la caméra, une native de Tunis : Claudia Cardinale. Son réalisateur est une des figures du cinéma militant français : René Vautier.
Jean-Michaud-Mailland réalise "H'mida", un long métrage sur la fin du colonialisme.

D'autres films, des documentaires, essentiellement ont été tournés par des jeunes diplômés de cinéma, sortant de l'IDHEC, dans leur majorité. On en cite quelques noms qui ont marqué par la suite le secteur : Ahmed Harzallah, Hatem Ben Miled, Hassen Daldoul… Des jeunes amateurs, regroupés dès 1962 sous l'égide de la Fédération tunisienne des Cinéastes Amateurs (FTCA), créent en 1964 le Festival International du film Amateur de Kélibia (FIFAK). Les films des amateurs montrés dans ce festival "ont pu tant bien que mal échapper au piège mortel de l'autarcie et de l'enfermement, témoigner des profondes mutations sociales et politiques d'un pays et être le creuset d'expressions et de sensibilités tunisiennes", écrivait Hédi Khléli, critique tunisien. L'audace de ces cinéastes non professionnels expliquerait-il en partie le fait que le premier long métrage "L'AUBE" a été tourné en 1966 par un cinéaste autodidacte, membre de la FTCA : Omar Khelifi ?
Ce premier long métrage de la Tunisie, applaudi par quelques uns, dénigré par d'autres appartenant essentiellement à la corporation, tel Hassen Daldoul qui trouve que "L'aube" reste un très mauvais film qu'il faut mettre à sa juste place. Il n'est qu'un évènement secondaire" (1).

L'année 1966 demeure une année phare dans les annales du cinéma tunisien, suite à trois évènements. Le premier incombe à l'audace de cette équipe composée exclusivement de Tunisiens qui ont donné à la nation sa première fiction. Le second fut la création des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC). Le dernier évènement est la naissance du cinéma tunisien de la femme. Avec son documentaire "Chéchia", Sofie Ferchiou, anthropologue de formation, ouvre la marche aux réalisatrices tunisiennes. Actuellement, ces dernières constituent, à peu près, le quart de la corporation.
En cinq ans (1966/1970), neuf longs métrages ont été réalisés par sept réalisateurs. Deux sont issus des cinéastes amateurs : Omar Khlifi et Ahmed Khechine. Ce dernier est l'auteur de "Sous la pluie de l'automne" (1969). Les autres sont tous des diplômés des écoles européennes de cinéma. Hamouda Ben Hlima a donné, en 1968, à la Tunisie une merveille : "Khlifa le Teigneux". Cinéphiles, critiques et gens du métier sont unanimes sur l'importance de ce film. Pour Nouri Bouzid cet opus "porte la Tunisie, le patrimoine tunisien, la personnalité tunisienne, la sincérité, l'émotion en somme, tout ce qu'il y a dans nos films des années quatre vingt" (2).

Cette décennie s'achève par la participation à la sélection officielle du festival de Cannes 1970. "Une si simple histoire" d'Abdellatif Ben Ammar, diplômé de l'IDHEC, présente la Tunisie à cette rencontre internationale.


La deuxième période. 1971 - 1980

Le nombre de longs métrages produits en cette période s'élève à dix-sept films. Le nombre des films produits a, presque, doublé. Un vrai bond par rapport aux années précédentes.
L'intrusion de certains réalisateurs de télévision dans le secteur cinématographique est l'un des faits saillants de cette période. Ali Mansour, Mohamed Ali Okbi ont respectivement réalisé la même année (1978) "Un ballon de rêve" et "Deux Larrons en folie". Quant à leur collègue, Abderrazag Hammami, il a enrichi la liste des films tunisiens par "Omi Traki" en 1973 et "Mon village" en 1979.

D'autres faits remarquables méritent d'être soulignés :

a) Le recours à l'adaptation de romans littéraires. Brahim Babai adapte en 1971 "Et demain" du roman "Ma part d'horizon" de Abdelkader Ben Cheik.

b) L'exaltation de la lutte héroïque à laquelle le peuple prend part et c'est Abdellatif Ben Ammar qui exprime ce regard dans son deuxième long métrage "Sejnane", 1973.

c) Omar Khelifi - qui a dominé la production cinématographique durant la première période avec des films louant la lutte nationale - réalise en 1972 "Hurlements". Ce film témoigne de l'émergence de l'individu femme. Il ouvre ainsi la voix, à un cinéma tunisien féministe et féminin.

e) La réalisatrice Selma Baccar, en 1976, tourne un docu-fiction "Fatma75". Elle nous plonge dans l'histoire ancienne pour faire revivre les femmes célèbres de l'histoire tunisienne.

f) L'évocation de nouveaux thèmes, tels l'immigration avec "Les Ambassadeurs" de Nacer Ktari (1975), Tanit d'or JCC ou les ravages de tourisme avec "Soleil des Hyènes" en 1976, premier long métrage de Ridha El Behi. Lui aussi est issu des cinéastes amateurs. Cette fiction a été tournée au Maroc à cause de la censure. "Aziza" de Abdelatif ben Ammar (1980) critique la dépendance de la Tunisie vis-à-vis de l'étranger.

g) la réalisation collective des films est désormais une tradition du collectif "Nouveau théâtre de Tunis". Les cinq membres de ce groupe ont mis en bobine "La Noce" adaptation d'une pièce éponyme (1978).


La période 1981-1990

Vingt trois films voient le jour lors de cette décennie. La production devient quasi régulière avec deux longs métrages par an. Abdellatif Bouassida, Taib Louhichi, Mahmoud ben Mahmoud, Néjia Ben Mabrouk, Lotfi Essid, Nacer Khémir, Nouri Bouzid, Mohamed Dammak, Fitouri Belhiba et Ali Laabidi tournent, chacun, son premier long métrage. Le résultats sont mitigés. "Traversées" (1982) de Mohamed Ben Mahmoud, "La Trace" (1982-1986) de la réalisatrice Néjia Ben Mabrouk, "Le Collier Perdu de la colombe" (1988) de Neceur Khémir ont été hautement considérés par les cinéphiles tunisiens. Mais le film qui a donné une grande impulsion au cinéma tunisien reste sans contestation le premier long métrage de Nouri Bouzid : "L'Homme de Cendres" en 1986. Il a permis aux spectateurs tunisiens de renouer avec le cinéma national. Avec la sortie de ce film, le cinéma tunisien va connaître jusqu'en 1996, ce que l'on a appelé, à juste titre, des années fastes.

"Halfaouine (L'enfant des terrasses)" (1990) de Férid Boughédir a drainé plus de 600. 000 spectateurs. Effet considérable, compte tenu de l'exiguïté du marché national. Cet enthousiasme ne doit jamais cacher l'échec de certaines œuvres. "Le défi" de Omar Khelifi (1985) n'a pas connu la réception escomptée pour son thème récurrent : la lutte pour la libération et l'exaltation d'un seul leader. "Barg Ellil" de Ali Labidi (1990) a connu un cuisant échecs pour ses multiples faiblesses. "Cœur nomade" (1990) de Fitouri Belhiba, malgré son audace et l'originalité de son message, n'a pas trouvé de distributeur.


La période 1991 jusqu'au nos jours.

La moitié des longs métrages ont été réalisés durant ces seize années. "Les silences du Palais" demeure, incontestablement, le meilleur film de cette période. Sorti en 1994, il a été réalisé par une monteuse de carrière : Moufida Tatli. Ce film obtient lors de sa sortie deux prix : la Caméra d'or à Cannes et le Tanit d'or aux Journées Cinématographiques de Carthage. Autobiographique, Moufida Tlatli révèle, dans son premier long métrage, la force révolutionnaire inhérente à la mentalité des femmes tunisiennes.
Les années fastes de notre cinéma inaugurées, comme nous l'avons écrit en 1986 par le premier long métrage de Nouri Bouzid connurent leur fin avec "Essaida" première oeuvre de Mohamed Zran. Ce film a connu un formidable succès auprès du public. Il est l'un des rares films tunisiens qui ait rompu avec les espaces traditionnels de la médina. Son réalisme social poignant, son exploration des tréfonds de la marginalité expliquaient sa bonne réception.

Cependant deux autres films ont été également positivement reçus. Il s'agit de "Soltane El Médina" premier long métrage de Moncef Douib (1992). Ce dernier confirme le talent qu'il a démontré dans ses courts métrages tels "Hammam Dhab" et "Hadhra". Le réalisateur filme la lutte pour le pouvoir entre des membres d'une communauté dans la Médina de Tunis. Le second film est "Poussières de diamant" co-réalisé par Mahmoud ben Mahmoud auteur de "Traversées" et celui de "La Noce", Fadhil Jaibi.

Tous les films sortis depuis 1977 n'ont pas retrouvé le même accueil, y compris ceux de certains réalisateurs confirmés comme Nouri Bouzid et Abellatif Ben Ammar. Ce dernier, revient en 2002 avec "Le chant de la Noria" après une absence de 23 ans. Il n'a drainé que 10.000 spectateurs. "Poupées d'argile " de Nouri Bouzid, sorti lui aussi, en 2002 réalise un score similaire.
La récession est alarmante. Pire, certains films n'ont pas trouvé de distributeur. Citons "La boite magique", quatrième long métrage de Ridha El Behi ou "No man's love" de Nidhal Chatta. D'autres, malgré leurs qualités esthétiques, l'originalité de leur écriture et l'audace de leur sujet n'ont pas tenu plus d'une semaine à l'affichage. "Khorma" (2004) de Jallal Essadi en est le meilleur exemple.

Malgré cet essoufflement, il y a de l'espoir émanant soit de quelques réalisateurs de la jeune géneration représentée par la plus jeune réalisatrice Raja Amari auteure de "Satin rouge" 2002, ou de Mohamed Zran avec son film "Le Prince" (2004). Les entrées de ce film ont frôlé les cent milles spectateurs. "Making off", sixième long métrage de Nouri Bouzid sorti en début 2007, semble recréer le phénomène déclenché par "L'homme de Cendres" en 1986. Un bon augure.

Le cinéma tunisien présente aussi un lot de films documentaires que l'on peut compter par centaines. Comme tout autre cinéma, il a débuté avec des films retraçant le réel et il continue à l'être. Toute la fierté de notre cinéma de cette période incombe aux films documentaires produits soit par des réalisateurs de fiction ou par des documentaristes. L'ensemble de ces films de réel n'a rien à voir avec ceux de commande. Les réalisteurs qui ont fait des documentaires sont nombreux. Parmi les pionniers on peut citer Hmida Ben Ammar et Abdelhafid Bouassida. Leur benjamin, Hichem Ben Ammar a fait du cinéma documentaire un sacerdoce.

La catégorisation retenue

Après cet exposé descriptif, l'heure est à la catégorisation. Nous avons jugé utile de proposer les catégories suivantes. Les exemples proposés sont à titre indicatif.

a) Films relatant la lutte pour la libération :

Nous retenons pour nôtre étude deux films à savoir Les Fellagas" et "Sejnane". Le premier a été réalisé en 1969 par Omar Khlifi. Une histoire d'amour sous-tend cette fiction. Mosbah voit sa cousine bien aimée épousée, contre son gré par un supplétif des armées d'occupation coloniale. Mosbah rejoint les "Fellagas" et s'entraîne à oublier sa rancœur dans la lutte. Ses exploits ne tardent pas à faire de lui un héros légendaire. Il ne dépose les armes qu'après la signature du traité de l'indépendance en 1956.
Dans "Sejnane" de Abdellatif Ben Ammar (1973), l'action se passe en 1952. Kamel est interne au collège SADIKI. Il se pose des questions sur la situation politique de la Tunisie. Kamel rejette de plus en plus l'ordre établi au point de se solidariser avec des mineurs en grève.

b) Films à dominante sociale

"Sous la pluie d'automne" (1969) de Ahmed Khéchine est inspiré d'évènements réels. Une famille pauvre délaissée par le père est ivrogne. L'aîné est chômeur et veut immigrer. Sa sœur aînée, qui travaille dans une usine tombe amoureuse d'un jeune mécanicien sans scrupule. Il la séduit et l'abandonne. Elle est alors chassée de la maison par son frère sous la pluie battante. La mère symbole de la famille traditionnelle, dernier refuge, couvre de ses bras ses enfants qui n'ont pas trouvé d'issue.
Le deuxième drame social est raconté en 1996 par Mohamed Zran dans "Essaida". Un célèbre artiste peintre prépare une exposition. Il rencontre Nidhal, un adolescent qui mendie pour subvenir aux besoins de sa famille. Il le suit jusqu'à Essaida, quartier populaire de la capitale oû réside le jeune garçon.

c) Le cinéma populiste

La comédie sociale, l'humour, la dérision et la satire font partie du cinéma tunisien. Comme à l'accoutumée, nous avons retenu deux films. Il s'agit des "Zazous de la vague". (1992) de Mohamed Ali El Okbi. C'est l'histoire de deux employés dans la pâtisserie de l'Italienne Madame Rita. Ces deux garçons n'ont de soucis que de draguer des nanas et faire des escapades avec deux filles charmantes mais maladroites.

Quant à "La Télé arrive", une comédie de Moncef Dhouib (2006), le film nous conte un village tranquille dans le sud tunisien. Cette communauté vit au rythme des fêtes nationales pendant lesquelles on propose systématiquement les mêmes programmes. Un coup de téléphone de la capitale annonce la visite prochaine d'une équipe de télévision allemande.
Le comité culturel décide de donner une image positive de son village et se livre à une véritable mise en scène qui travestit la réalité.

d) Le cinéma de la femme.

Nous retiendrons deux films qui représentent ce courant. "La Trace" de Nejia Ben Mabrouk (1982-1986) et "Satin rouge" (2002) de la plus jeune réalisatrice tunisienne : Raja Amari.
Dans "La trace", Sabra, fille du sud tunisien, née d'un père mineur et d'une mère illettrée, veut monter vers la capitale pour poursuivre ses études. Elle prend le risque de dépasser l'âge des privations et des interdits.
Quant à "Satin rouge", il nous fait vivre avec Lilia qui parait pour tous une femme rangée et une mère ordinaire. Elle élève seule sa fille depuis la mort de son mari. Par un concours de circonstances, Lilia se rend un soir dans un cabaret. Un monde nouveau s'ouvre à elle. Elle ne peut s'empêcher d'y retourner. Elle se retrouve au fil des nuits danseuse de cabaret. Elle va basculer de l'exemplaire mère de famille qu'elle n'est pas tout à fait à la femme de la nuit qu'elle n'est pas encore vraiment.



e) Le cinéma du destin individuel.

Certaines productions tunisiennes valorisent l'individu, qu'il soit banni de l'EDEN ou blessé depuis sa prime enfance par un autre qui exerce sur lui une autorité. Ce type de films nous a montrés des individus humiliés qui se sont exprimés soit à travers la révolte et la vengeance ou par le biais d'un silence exprimant une colère intériorisée.Les deux films choisis pour représenter cette catégorie sont "Khalifa le teigneux" de Hamouda Ben Halima (1969) et "L'homme de cendres" de Nouri Bouzid (1986).
Le premier film est l'histoire d'un gosse des rues de Tunis d'avant guerre. Cet orphelin de naissance est devenu garçon de courses. Les maris le laissent pénétrer chez eux. Pour eux un teigneux n'est pas vraiment un homme. Il est devenu un commissionnaire, un confident et un complice. Un jour les maris barricadent leurs portes. Inquiet, Khalifa va demander la clef du mystère à un magicien marocain. Dans "L'homme de cendres", Hechmi, jeune sculpteur sur bois va entrer dans l'âge adulte par la voie traditionnelle : le mariage. Les préparatifs vont bon train. Un incident plonge Hechmi dans le passé et révèle des moments tragiques : lui et son ami Farfat ont été l'objet d'un viol à l'âge de dix ans. Ce drame le pousse à quitter sa famille à la veille de ses noces.



f) le cinéma intellectuel

Ce type de films tunisiens est représenté par "Moktar" de Sadok BenAicha (1968) et "La Noce" du collectif Nouveau théâtre (1978).
Moktar, un jeune lycéen, rend visite à son professeur de philosophie à qui il présente le manuscrit de son premier roman qui parle des problèmes de la jeunesse tunisienne d'après la décolonisation. Édité par l'Union des Femmes de la Tunisie, ce roman connaît un grand succès. La carrière de Moktar est à son apogée : On se propose de tirer un film de son premier roman… Un jour, brusquement, Moktar disparaît.
Dans "La noce", l'action se passe à minuit après le dîner qui clôture, selon la coutume tunisoise, le septième jour du mariage. Après le départ des derniers invités, les deux conjoints vont, dans un jeu cruel de provocations et d'agressions, s'affronter et découvrir les mensonges, malentendus, haines réciproques…

g) le cinéma du réel

Tous les réalisateurs tunisiens, sauf rares exceptions, ont tourné des films documentaires. Déroge à la règle Hihem Ben Ammar qui n'a pas opté jusqu'à nos jours pour la fiction et à un degré moindre son aîné Abdelhafidh Bouassida. Ce dernier était très prolifique. L'affiche de son documentaire "Rapsodie Berbère"(1964) sera analysée lors de ce travail. Quelque part dans le grand sud tunisien, dans le flanc de la montagne et à plusieurs pieds sous terre, vivent encore de nos jours comme il y a de cela des centaines d'années, ceux qui furent les premiers habitants de la Tunisie : les berbères. Défiant le modernisme, ils essayent de sauvegarder leur civilisation et son originalité. De l'œuvre de Hichem Ben Ammar nous analyserons l'affiche de "J'en ai vu des étoiles" (2006). Ce documentaire retrace l'histoire de la boxe dans la Tunisie plurielle où les tunisiens quelle que soit leur confession boxaient ensemble.

h) Le cinéma d'inspiration soufie (mystique)

Ce type de cinéma est représenté par un seul réalisateur : Nacer Khémir. Il est l'auteur du film "Les baliseurs du désert" (1984), un film qui revalorise le passé et le patrimoine arabo-musulman. C'est une méditation sur la grandeur perdue de la civilisation arabe qui rayonnait sur le monde de Grenade à Damas. Dans "Bab'Aziz" (Le prince qui contemplait son âme), 2006, le réalisateur revendique sa filiation civilisationnelle. Il valorise la sagesse des maîtres soufis.

Mahmoud JEMNI

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