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Territoire perdu
Faire gagner l'esprit des Sahraouis
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 28/11/2011
Michel Amarger
Michel Amarger
Pierre-Yves Vandeweerd, réalisateur belge
Pierre-Yves Vandeweerd, réalisateur belge
Territoire perdu
Territoire perdu
Territoire perdu
Territoire perdu
Territoire perdu
Territoire perdu
Territoire perdu
Territoire perdu
Med Hondo, réalisateur mauritanien
Med Hondo, réalisateur mauritanien
Némadis, des années sans nouvelles (2000, co-réalisé avec Benoît Mariage)
Némadis, des années sans nouvelles (2000, co-réalisé avec Benoît Mariage)
Closed District (2004)
Closed District (2004)
Les Dormants (2009)
Les Dormants (2009)

LM Documentaire de Pierre-Yves Vandeweerd, Belgique / France, 2010
Sortie France : 30 novembre 2011

Le sort des Sahraouis est rarement sur les écrans. Le Mauritanien Med Hondo les a puissamment défendus avec Nous avons toute la mort pour dormir (1976), éclairant leur condition au moment où le gouvernement espagnol décidait de décoloniser le Sahara et signait avec le Maroc et la Mauritanie. Après un long silence, un collectif engagé, sous la coordination de Inger Servolin, productrice pour Iskra en France, réalise Goulili, dis-moi ma sœur (1991), examinant la place des femmes sahraouis dans le Front Polisario en lutte contre le Maroc. Cette coproduction, soutenue par la télévision algérienne, est suivie de quelques reportages mais il faut attendre de dix ans pour que le Belge Pierre-Yves Vandeweerd emprunte les voies du cinéma en filmant les Sahraouis dans Territoire perdu (2010).


BANDE ANNONCE TERRITOIRE PERDU par ZeugmaFilms



"En tant que cinéaste, j'ai voulu témoigner de cette situation méconnue pour la plupart, mal connue pour ceux qui se souviennent de ce conflit dont il fut surtout question avant la fin de la guerre froide", déclare le réalisateur. Formé à la communication, à l'Anthropologie et Civilisations Africaines, il investit le continent dès ses premiers films. Il tourne en Mauritanie, Némadis (2000, co-réalisé avec Benoît Mariage), Racines lointaines (2002), Le cercle des noyés (2007). Ces documentaires soulignent son attention au réel en évoquant les liens qu'il tisse en Afrique. Après avoir enseigné, Pierre-Yves Vanderweerd co-dirige un festival documentaire en Belgique puis développe des résidences d'écriture documentaire pour des cinéastes sénégalais. Il aborde le Soudan avec Closed district (2004), et pénètre le Sahara occidental pour Les dormants (2009), un long-métrage tourné en Super 8 qui l'incite à approcher les Sahraouis.

Après l'occupation espagnole qui prend fin en 1976, les Sahraouis se retrouvent en exil dans un espace réduit du désert algérien. La guerre entre le Front de Libération du Sahara occidental, le Polisario, et la Mauritanie jusqu'en 1979, se prolonge avec le Royaume du Maroc malgré le droit à l'autodétermination, énoncé par la Cour internationale de Justice. 160 000 personnes vivent dans les camps de réfugiés, butant sur un mur de 2 400 kms qui traverse le territoire, achevé par le Maroc en 1989. D'un côté l'armée occupe les terrains qu'elle exploite, de l'autre les réfugiés attendent une reconnaissance de leurs droits. Depuis le cessez-le-feu, instauré en 1991, la guerre d'usure continue sans solution politique à l'horizon. Cette situation figée interpelle Pierre-Yves Vandeweerd qui fait des repérages des deux côtés du mur pendant trois ans. Puis il décide de se concentrer sur les camps de réfugiés, la partie sous contrôle du Polisario.

"En devenant le témoin des récits de leur exil, de leur lien à la terre et au territoire en tant que nomades, j'ai pris conscience de l'ampleur de leur enfermement. Un enfermement physique mais aussi un enfermement de la pensée et de l'imaginaire", explique le réalisateur. Territoire perdu tente alors une évocation cinématographique de la condition des Sahraouis. Les images filmées de près montrent des visages voilés, presque ensevelis sous la poussière du désert. Des plans larges des campements alternent avec les plans rapprochés comme pour mieux inscrire les individus dans le territoire qui les fixe. Le grain des images en Super 8, les contrastes de la pellicule noir et blanc, le rythme induit par la durée des chargeurs de trois minutes, permettent de dépasser le réalisme pour exprimer la solitude.

Des récits enregistrés sur le vif, racontent les rafles, les disparus, les tortures. Les douleurs du quotidien suscitent des paroles sombres qui ont engendré les images. Les souffles, les hésitations sont amplifiés par les sons du désert, des vents, récoltés dans le Sahara. Ils ont été mis en écho dans des cavités, des globes, des grottes et réenregistrés pour servir de base à la création sonore d'Alain Cabaux qui baigne Territoire perdu. Cette coproduction franco-belge, avec Arte, prend véritablement sens sur grand écran où la pellicule Super 8, les sons en résonance portent littéralement la parole des Sahraouis. Leur isolement éclate entre le regard proche du réalisateur et la mise à distance de son dispositif. Pierre-Yves Vandeweerd témoigne en réveillant l'imaginaire. Mixant Territoire perdu comme une investigation poétique, il communique le désarroi des nomades résistants, en proie au vent violent de l'Histoire.

Vu par Michel AMARGER (Afrimages / RFI / Médias France)

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