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Journal d'un cinéphile extrémiste… au Festival d'Oran du film arabe.
Journée #1
critique
rédigé par Samir Ardjoum
publié le 14/02/2012
Samir Ardjoum
Samir Ardjoum

Rédacteur à Africiné, ainsi qu'à Africultures (en autres), Samir Ardjoum s'est déplacé le 08 décembre 2011 à Alger. Normal dès lors de le trouver là où on montre du cinéma. Il nous a autorisés à reprendre ses chroniques parues sur El Watan 2 (Le Laboratoire des médias). Samir a surtout insisté : "ce ne sont pas des critiques". Au risque d'écorcher sa modestie, nous vous proposons ces textes d'une cinéphilie vertigineuse dans notre rubrique CRITIQUES. Avec le recul, ils gardent leur actualité. Une déclaration d'amour au Cinéma.
LA RÉDACTION.

"Voir à l'intérieur d'un plan, c'est se regarder dans le miroir sans en craindre les retombées du reflet"

Je me souviens d'avoir relu récemment Robinson Crusoé, dont une phrase m'avait perturbé au point d'en questionner la sémantique : "Je compris alors la folie d'avoir entrepris un travail avant de savoir si j'en étais réellement capable". Ecrire un journal de bord se résume, sans doute, à se jeter corps perdu contre des moulins à vent sans se soucier si la matière fictionnelle sera amplement suffisante. Il faut avoir la chance de vivre un état du cinéma dynamique, être suffisamment éveillé, observer tout et son contraire, re(voir) des films avec l'œil du sismographe, et surtout convaincre le lectorat que les plus belles choses peuvent se ressentir par le biais du "je". Evincer le "nous" collectif et partager, tout comme le réalisateur (l'artiste), sa propre existence avec l'Autre.

Il faut par conséquent, se retrouver dans une position extrémiste, afin de mieux filtrer ce qui pourrait nuire à notre ressentiment. Le cinéphile que je suis, ne peut se permettre de prendre appui sur les artifices de la création pour éplucher le film. Que le film soit beau, qu'il y ait une belle interprétation, que la lumière soit gracieuse, tout cela dessert la critique de cinéma, participant à une déconstruction de l'échange avec le lecteur. Pourquoi donc un journal de bord, et qu'est-ce qu'un cinéphile, me direz-vous ? Déjà à la fin du XIXe siècle, le romancier Wilkie Collins en donnait étrangement une interprétation appropriée : "il arrive aux écrivains de métier de voir leur propre vie interférer de la sorte avec celle de leurs personnages". Se réapproprier un film et tenter d'en comprendre le processus sentimental de fabrication est devenu mon sacerdoce. Voir à l'intérieur d'un plan, c'est se regarder dans le miroir sans en craindre les retombées du reflet. Et rien de plus habile, de plus jouissif que de retranscrire ses nombreux éclats dans un carnet de bord, matière à délire où le "je" tant décrié par certains, serait mon plus fidèle compagnon. Doutes, colères, joies, mauvaise foi, tout doit être noté, jeté, et provoqué, sans que cela apparaisse comme une vérité ultime, car "la meilleure critique est celle qui est amusante et poétique ; non pas celle-ci, froide et algébrique, qui, tout prétexte de tout expliquer, n'a ni haine ni amour, et se dépouille volontairement de toute espèce de tempérament".

Première journée sous le soleil oranais et 5e édition d'un festival qui fut préparé en un temps record (1 à 2 mois selon les langues, mauvaises ou bonnes), et qui par son ouverture sur le monde arabe, est censé en donner un bel aperçu. Sept jours pour tenter de découvrir de belles, audacieuses, excitantes et sincères propositions de cinéma. Juste de l'émotion qui serait instillée par des cinéastes-passeurs, des passionnés de plans, de véritables têtes pensantes. Des gens communs, qui pour mieux cerner leur propre rapport à la société, sont dans l'urgence de fabriquer un film. Suis-je trop naïf pour croire en mes propos ? Aucune idée, juste que ce sera ma seule volonté, le reste n'étant que paillettes, strass, et futilités, autre aspect du festif qu'il faut accepter car chacun a ses raisons ! Inutile par exemple, de s'attarder sur la cérémonie d'ouverture dont le critique de cinéma, Mohamed Bensalah, remarquait justement un trop-plein de "paroles et pas assez d'images". Le cinéma, à cet instant, endossait le rôle désagréable de l'accessoire qu'on ressortait d'un vieux grenier. Entre deux discours, un ami réalisateur m'avouait avoir ressenti un certain malaise en traversant le tapis rouge qui le menait au Centre des Conventions. "Je songeais au film de John Woo, Volte-Face, et à cette séquence absolue de fusillade. En plein milieu de ce vacarme, il y avait ce jeune garçon qui se tenait là sans faire quoique ce soit, un casque de musique entre les oreilles, écoutant de la musique classique. Ce garçon, durant quelques secondes, c'était moi entouré…d'un chaos indescriptible !"

Aujourd'hui - puisqu'il est déjà plus de minuit - les choses sérieuses commencent…

Samir Ardjoum

Journée # 1 : jeudi 15 décembre 2011. parue sur El Watan 2 (Le Laboratoire des médias). [http://elwatanlafabrique.wordpress.com/2011/12/16/journal-dun-cinephile-extremiste-au-festival-doran-du-film-arabe-journee-1-jeudi-15-decembre-2011/]

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