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"Le garage du peuple" est une satire sociale"
entretien avec le réalisateur ZONGO Kouka Aimé
critique
rédigé par Emmanuel Sama
publié le 18/04/2012
Kouka Aimé ZONGO (1er janvier 1976 - 17 avril 2012)
Kouka Aimé ZONGO (1er janvier 1976 - 17 avril 2012)
Emmanuel Sama
Emmanuel Sama
Scène de tournage
Scène de tournage
Scène de tournage
Scène de tournage
Olivier Barlet
Olivier Barlet
Guy Désiré Yaméogo
Guy Désiré Yaméogo

Retour sur le tournage de la série télévisuelle "Le garage du peuple" avec le réalisateur Kouka Aimé ZONGO, décédé à Ouagadougou, Burkina Faso, hier mardi 17 avril 2012. Les critiques africains lui rendent hommage.

A travers les thématiques que vous abordez, quelle serait, selon vous, l'originalité de votre série ?

Je dirais tout d'abord que la série télé "Le garage du peuple" est bâtie autour de cinq acteurs principaux.. Il y a le chef de garage, Mouni ; le taximan, Jean-Paul ainsi que Nicolas, Bouki et Molette des employés.
Elle a la forme d'une satire sociale. Le garage est en fait le point de convergence de tous les différents protagonistes qui tournent autour de ces cinq personnages principaux.
Et comment nous abordons les thèmes à travers ce garage ? C'est le quotidien de tout un chacun ; c'est par exemple le quotidien taximan : problèmes techniques, angoisses avec la police, mais aussi sa façon d'être solidaire face aux différentes préoccupations des gens qui viennent vers lui. Nous montrons également comment dans un garage se tissent et se démêlent les intrigues entre personnes ; en somme, c'est la dynamique sociale dans un secteur non structuré de la vie de façon générale qui est mise en scène à travers cette satire sociale dont le titre est en lui-même évocateur : "Le garage du peuple".
Les grands thèmes sont les thèmes d'actualité inhérents à la société africaine et notamment à nos sociétés actuelles. Aussi sont traités dans cette série des thèmes sur le trafic de drogue, le trafic de véhicules. Nous développons également des thèmes sur le travail des enfants, le VIH/SIDA. Donc il y a énormément de thèmes qui seront développés dans la 1ère saison de 26 épisodes de cette série.

Certains maux de la société sont sûrement brosser dans cette série. Brièvement, citez-nous en quelques-uns ?

Vous êtes sur le plateau, au moment où nous tournons une scène qui dépeint la corruption ; ici, il s'agit de la collision entre un Directeur des Affaires administratives et Financières (DAF) d'une société et le garagiste par l'intermédiaire d'un chauffeur. Il y a donc un "deal" qui se met en place entre l'administration publique et le privé. C'est une autre façon de dire que le secteur privé, plus précisément le secteur informel, fonctionne aussi dans la corruption. Ce qui revient à dire que l'administration dite structurée qui veut réorganiser ce secteur informel y a de gros intérêts non avoués. A travers "Le garage du peuple", il y a une autre morale qui se dégage. Nous formulons également des messages à valeur sociale : l'amour du prochain, la volonté de partager, l'esprit de justice… tous ces thèmes sont développés à travers des personnages bien définis. La question du genre est aussi approchée, parce qu'il y a un nouveau personnage en la personne de Djami, la nièce du patron, qui est une fille attirée par la mécanique.

Vous avez opté pour la satire sociale. Devons-nous nous attendre essentiellement à de l'humour ou avec certaines doses d'autres genres ?

Oui, en fait, nous avons opté pour l'humour, afin de faire passer plus facilement nos messages. Mais on ne peut pas passer tout notre temps à rire, nous avons des séquences où le drame se mêle. Mais c'est ça aussi qui fait le charme de la société ; parce qu'on rit et on pleure. Il arrive des fois que nous rions de nos tares, mais il est également normal que nous coulions des larmes quand nous sommes dans la tristesse, quand un évènement malheureux survient ou bien quand il y a des frictions que nous montrions qu'il y a de l'électricité dans l'air. Mais ce n'est pas purement l'humour jusqu'à la fin, il y a aussi le drame qui se mêle.

Il n'y a pas mal de séries qui existe déjà sur la place et ailleurs en Afrique, est ce qu'il y a une certaine originalité que vous avez voulu apportée à la série "Le garage du peuple" ?

Dans la série "Le garage du peuple", l'originalité réside dans le décor. C'est la première fois qu'une série télévisée burkinabèe a comme décor principal un garage. A cette première originalité, nous avons aussi voulu marquer notre manière de faire évoluer les personnages. Cependant, toute l'histoire ne se déroule pas uniquement à l'intérieur du garage. Il reste le rond-point, le point de convergence où tous les problèmes se rencontrent mais aussi trouvent leurs solutions. Donc c'est cette dynamique qui fait que la série est quand même originale, parce que le décor en lui-même donne une autre vision des choses et donne une approche qui est tout à fait originale par rapport aux autres séries.

Parlez de difficultés de financement d'une production est aujourd'hui un pléonasme. Comment vous vous êtes pris pour enfanter cette série ?

Je porte ma croix, sans chemin de croix. En chemin de croix, il faut y aller jusqu'au bout ; présentement, nous sommes en train de gravir le mont. Pour nous résumer, disons que nous avons lancé les épisodes pilotes il y a de cela deux ans. Donc vous voyez déjà le temps qu'on a pris pour les trois épisodes pilotes ! Ces trois épisodes ont été bouclés grâce au bénévolat de l'équipe technique. Tous les techniciens et comédiens qui sont sur ce plateau vous le diront qu'au départ de cette aventure ils n'ont perçu aucun rond. Parce qu'à l'époque, l'idée les a tous emballé et ils m'ont dit "nous allons relever le challenger avec toi parce qu'on estime que tu es un jeune qu'on connaît très bien ; on a vu ton parcours et on sait que tu as du caractère. Là-dessus nous sommes prêts à parier ce challenge nous allons évoluer ensemble." A partir de cet instant, la balle était dans mon camp. Mon problème se posait en termes de comment mettre en place une régie et faire fonctionner cette équipe en sachant qu'ils sont bénévoles et qu'il fallait un minimum pour pourvoir aux besoins techniques, à la restauration et aux déplacements.
L'adage nous dit qu'il y a des hommes qui aident, qui donnent, non pas parce qu'ils sont riches, qu'ils ont des milliards, mais parce qu'ils ont du cœur, parce qu'ils ont la conviction en se sacrifiant que cela servira à l'autre, parce qu'ils donnent un sens à l'amitié et là ce n'est pas faire du griotisme.

C'est Olivier BARLET d'Africultures qui m'a donné un mois de son salaire, son apport personnel, ses économies, pour que je puisse tenir deux semaines de tournage pour les trois pilotes. Et ce sont ces trois épisodes-pilotes qui m'ont permis, en plus de la compréhension de comédiens et techniciens d'asseoir la structure "Focus" qui aujourd'hui porte toute cette série télé. Elle a bénéficié d'un pré-achat de CFI et nous sommes en train de tourner les 26 épisodes.
Je loue la patience de mes collaborateurs, parce que le chemin a été long. En effet, maintenant, la formule d'achat de CFI n'est plus l'achat direct. Il faut passer par une commission de présélection et des sélections pour le financement. Donc on est passé par la commission de présélection, la session de Mai 2009, ‘'haut les mains'' parce que qu'il n'y avait que CRTV du Cameroun qui ne l'avait pas voté et ensuite en novembre de la même année on est passé haut la main devant la commission de financement. C'est là qu'à partir de décembre 2009, j'ai pu avoir la lettre d'engagement de CFI et avec maintenait l'avance. Nous avons pu démarrer et nous espérons boucler la première saison avec ces petits fonds. J'ai également bénéficié de deux millions cinq cent mille francs CFA (2 500 000 FCFA) du Ministère de la Culture du Burkina Faso et je remercie les responsables en charge du cinéma.

Avez-vous bénéficié d'autres apports financiers, notamment ceux banques de la place ?

Avant tout ce que je viens d'évoquer, j'avais entrepris des démarches auprès de ma banque pour un crédit de cinq millions de francs CFA (5 000 000 FCFA) pour parer au plus urgent et boucler la série. J'ai rencontré de sérieuses difficultés, parce que pour les banquiers je suis un novice ; je n'ai pas de notoriété donc il n'est pas question qu'on m'accorde un prêt sans garantie. C'est encore le même Olivier BARLET qui s'est encore porté garant pour la caution avec CORIS Bank pour qu'on puisse bénéficier d'un appoint pour poursuivre, c'est dire que le combat que nous menons aujourd'hui est une plus une question de conviction que d'intérêt pécuniaire. Tout un chacun est ici sur ce plateau parce qu'il porte ce travail à cœur. Nous sommes là, parce que nous aimons ce que nous faisons, parce que nous voulons relever un challenge, parce que nous croyons en nous-mêmes pour avancer.

Pour l'écriture de ce scénario vous avez, semble-t-il, fait appel à Guy Désiré Yaméogo ?

Ils sont rares les scénaristes professionnels au Burkina. Mes relations personnelles avec Guy Désiré Yaméogo m'ont permis de lui demander de me venir en aide. Nous nous sommes entendus sur un contrat, mais il ne m'a pas fixé un échéancier de paiement au préalable. Il m'a laissé toute la latitude de le désintéresser lorsque les moyens de la production le permettent. C'est sur cette base qu'il a écrit les trois épisodes pilotes et les dix épisodes que nous sommes en train de tourner en attendant de recevoir les dix autres, éventuellement au cours des semaines à venir.

Emmanuel SAMA

Ouagadougou le, 12 août 2010

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