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Pension, de James NYINCHO TUM
Le monde de la corruption au Cameroun
critique
rédigé par Paul Steve "Stevek" Kouonang Kouomo
publié le 13/05/2012
Paul Stevek (Africiné)
Paul Stevek (Africiné)

PENSION c'est l'histoire de Charles (Vitalis OTIA), un retraité de la fonction publique, décoré pour ses vingt cinq ans de bons et loyaux services rendus à la nation. L'harmonie familiale autant que la sérénité de Charles qui croit rentrer dans le paradis du repos auprès de sa famille vont vite virer à 180°. Il croise sur son chemin un duo infernal : un fonctionnaire en charge de son dossier de paiement de pension et la secrétaire de celui-ci. Cette dernière incarne à suffisance les agents de l'Etat inconscients du pourquoi, voire du comment, de leur présence derrière les bureaux des services publics. Charles se voit demander sans autre forme de procès 10% de sa pension s'il veut être payé. Chose qu'il refuse de faire, au nom de ses valeurs.
James NIYNCHO TUM nous mène là bien dans le monde de la corruption au Cameroun. Un mal tellement ancré dans les mœurs que tout le monde à l'instar de la secrétaire (Grace) considère son poste comme un guichet. La simple introduction auprès du patron nécessite "quelque chose".

S'il y a un élément dont on se délecte bien dans ce film, ce sont les cadrages. Ces derniers, agrémentés de quelques mouvements de cameras (rares pourtant), font plaisir. Bon éclairage dans l'ensemble. La restitution du ton voulu par les bougies aurait fini de nous convaincre mais… bof ; on pourra y trouver une autre signification, une autre esthétique dans ce rendu pourtant pas très esthétique.

Le casting ne nous réservera pas de révélations mais pousser à se demander quand est-ce qu'on aura l'occasion de revoir Vitalis OTIA à l'écran. Laborantin à la Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales de l'université de Yaoundé I, il nous fait penser au monsieur éclectique, si ce n'est à celui qui a raté sa vocation. On notera aussi la prestation de la fille de Charles (Valorine LANGWA), un espoir à suivre de près. Si le son restitue bien l'ambiance, la gestion de la musique parfois laisse un peu à désirer et semble de trop à certains endroits - une véritable gangrène dans le cinéma du Cameroun.

On regrettera cependant que le scénario à la fin nous laisse une impression de "pouvait faire mieux". Certaines situations se vivent plus dans les dialogues que dans l'action et celles qu'on aurait pu corser se résolvent un peu trop vite et toutes seules. Le réalisateur nous aura servi la version light de son script (environ soixante dix pages à l'origine). Ceci enlève un peu du drame qu'aurait pu vivre la famille de Charles. Ce drame se vit donc plus dans le personnage du retraité avec quelques intrusions sporadiques de sa famille (notamment la mère et la fille).

On aurait aimé que le réalisateur nous mène un plus dans les cuisines de la cellule anticorruption qui semble légère, pourtant au cœur de l'intrigue. Charles a pour principal adversaire le fonctionnaire corrompu qui se voit piégé. Belle fin tout de même. Happy end qui satisfaira tout le monde on espère.

James NYINCHO TUM ne tombe pas comme un cheveu dans la soupe avec ce premier long métrage. Quand on sait qu'ils sont nombreux dans la jeune garde du cinéma et de l'audiovisuel camerounais qui réfléchissent depuis longtemps pour savoir par quel bout prendre leur premier long métrage.
Assistant plateau sur le film Schlafenkrankenheit d'Ulrich KOEHLER (Ours d'argent à la Berlinale 2011), James y a eu le temps nécessaire de se frotter à une grosse et une vraie production. Certainement loin de ses expériences sur les courts métrages qu'il signe avant pendant son passage au Centre de Formation des Métiers de l'Audiovisuel de la CRTV (CFPA). On citera Amazones d'aujourd'hui (documentaire, 26', diffusé sur TV5), Erica's hell (fiction, 10', Prix de la meilleure interprétation féminine aux Rencontres Internationales Film Court de Yaoundé encore appelées Yaoundé Tout Court, 2009) et Bitter Pills (fiction de 26').

PENSION est un film qui n'ennuie pas, loin de là, il a le mérite d'exister, d'être contemporain et de parler à la société camerounaise d'aujourd'hui, plongée dans le ventre creux de la corruption. En attendant le prochain film de James, on recommande déjà une consommation exagérée de PENSION.

Paul Stevek

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