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Lettre ouverte à M. Abdoul Aziz Mbaye, Ministre de la Culture, Sénégal
Notre cinéma national est dans une situation fort peu reluisante
critique
rédigé par Clarence Thomas Delgado
publié le 14/02/2013
Clarence Thomas DELGADO
Clarence Thomas DELGADO
Abdoul Aziz Mbaye, Ministre sénégalais de la Culture
Abdoul Aziz Mbaye, Ministre sénégalais de la Culture

La participation sénégalaise annoncée au prochain FESPACO (Festival Panafricain du Cinéma de Ouagadougou du 23 février au 2 mars 2013 - avec la participation de deux films sénégalais à la sélection officielle Long Métrages avec le film "TEY" d'Alain Gomis et "la Pirogue" de Moussa Touré ainsi que deux autres à la sélection officielle documentaires pour le film "Président Dia" de Ousmane William Mbaye et "Yoole" de Moussa Sène Absa, au-delà de la fierté légitime de compter des compatriotes présents à ce niveau - ne doit pas nous pousser cependant à occulter la situation, somme toute fort peu reluisante, de notre cinéma national.

Cette morosité qui commence réellement à s'éterniser, se retrouve tant au niveau de la production où les films se font de plus en plus épisodiquement et ce, grâce surtout, à la pugnacité des créateurs et aux apports des partenaires qu'au niveau de l'exploitation cinématographique où ne subsiste qu'un réseau de salles, se défendant, avec grand peine, pour maintenir les derniers cinéphiles.
Le secteur n'a bénéficié dans les deux décennies passées que des sempiternelles professions de foi des pouvoirs publics sur la place à donner au cinéma et à l'audiovisuel dans notre politique culturelle. Cette litanie de bons sentiments servie à chaque fois devant micro et caméras, était rangée aux oubliettes systématiquement, attendant la prochaine manifestation. Et les mesures hardies et décisives qui auraient pu concourir à maintenir le niveau atteint jadis par notre cinéma, attendaient toujours alors que les acteurs culturels abandonnés à eux-mêmes s'engageaient dans des stratégies de survie qui ont éclaté le secteur et accentué la paupérisation de ses acteurs.

C'est ainsi que nous aurions aimé connaître, Monsieur le Ministre, la destination prise par divers outils mis en place par l'Etat et qui n'ont pas ou peu bénéficié aux acteurs du secteur. Ils sont principalement au nombre de trois :
- Depuis le budget 2007, trois cent millions ont été dégagés annuellement pour aider à l'équipement du Centre technique, à travers un mécanisme intitulé PAICA ; les professionnels jusqu'à présent n'ont pas utilisé ni même vu le matériel en question ;
- Depuis 2002, une subvention de 50 millions est affectée annuellement pour l'organisation des RECIDAK alors qu'elles ne se tiennent plus depuis,
- Une subvention au cinéma de 40 millions, votée régulièrement pour soutenir les projets de films, est gérée sans aucune transparence pour la communauté des professionnels.

Le constat amer est que ces fonds ne servent pas les activités cinématographiques, ne servent pas aux activités de production, de distribution et d'exploitation comme cela se devrait. C'est l'occasion de vous prier de bien vouloir apporter plus de transparence, en associant de manière participative les professionnels dans la gestion de ces fonds.
Nous souhaitons vivement que les années 2012 et 2013, déjà riches de la reconnaissance internationale du talent des cinéastes sénégalais dans les divers festivals du monde, servent de pivot pour amorcer la mise en place d'un environnement propice à l'éclosion d'un embryon d'industrie cinématographique et audiovisuel dynamique, créateur de richesses et capable d'assurer une rémunération décente à ses acteurs.
Les mesures en ce sens ont été repérées par les professionnels et partenaires au développement et, elles sont à notre portée. Elles regroupent un ensemble de recommandations fortes recensées durant l'atelier de Saly organisé par la Direction de la cinématographie en juillet 2012 et approfondies par les travaux des Rencontres professionnelles tenues en Septembre à Dakar.
C'est ainsi que pour insuffler une dynamique nouvelle pour le rayonnement du 7ème Art et pour que notre pays le Sénégal, retrouve sa place dans l'échiquier cinématographique Africain, nous souhaitons voir la mise en place effective, dans les meilleurs délais, du Centre National de la Cinématographie déjà tant annoncé, ainsi que l'inscription d'une dotation annuelle de trois milliards qui évoluerait selon les activités.

Nous vous invitons à accorder une attention toute particulière à cette invite pour nous donner les moyens de sortir de l'informel qui a étouffé les énergies, détourné les investisseurs potentiels et nous permettre d'assumer la relance de notre secteur afin que les acteurs puissent enfin vivre de leur art.
Les associations du secteur devraient, pour leur part, participer à installer une atmosphère propice d'échanges avec l'administration pour jouer pleinement leur partition dans l'accompagnement des autorités publiques sur ce chantier essentiel. Elles devront, conformément au crédo de bonne gouvernance, promouvoir et magnifier actuellement dans notre pays, à s'évertuer et à se plier aux exigences de bonnes pratiques en matière de démocratie.

L'Association des Cinéastes Sénégalais (CINESEAS) traverse une crise due au refus du bureau sortant de tenir une assemblée générale de renouvellement des instances depuis décembre 2010, date du terme de son mandat. Ses membres vont régler cette crise par la tenue d'une assemblée générale pour barrer la route aux prédateurs.

Clarence Thomas Delgado
Réalisateur - Producteur

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