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Tsofa, de Rufin Mbou Mikima
De Kinshasa à la terre promise ?
critique
rédigé par Abraham N. Bayili
publié le 09/03/2013
Tsofa
Tsofa
Rufin Mbou Mikima, réalisateur
Rufin Mbou Mikima, réalisateur
Florent Coulon, producteur
Florent Coulon, producteur
Depuis le Sud
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Tunisie
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Fespaco
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Tsofa, est un moyen métrage documentaire de 52 minutes qui pose avec acuité la problématique de la fuite des cerveaux de l'Afrique vers l'Europe. D'un œil avisé, le jeune réalisateur congolais (Brazzaville) Rufin Mbou Mikima suit le parcours de trente-quatre (34) Congolais de la République démocratique du Congo (RDC) à Bucarest (Roumanie). Recrutés à Kinshasa pour être employés en Roumanie comme chauffeur de taxi à 600 euros le mois. Ce qui s'apparentait à la terre promise pour Christian, Yves, Victor et leurs compagnons s'est vite transformé à Golgotha.
Rufin Mbou Mikina inscrit la condition des trente-quatre Congolais en Roumanie dans la grande problématique actuelle de l'immigration des africains vers l'Europe.

Ce film rappelle Ceuta, douce prison de Jonathan Millet, un documentaire qui raconte l'histoire d'exilés somaliens et camerounais qui ont quitté leur patrie pour aller "se chercher" en Europe. Après plusieurs années de voyages, ces migrants se trouvent coincés aux portes de l'Eldorado, dans l'enclave espagnole de Ceuta, au nord du Maroc.

Avec adresse, Rufin dépeint les déboires de l'immigration. Presque tous diplômés de l'université, ils ont été recrutés à Kinshasa par la société roumaine Fly pour être engagés comme chauffeurs de taxi dans la capitale roumaine. "Cette société nous a fait des promesses alléchantes qui ont poussé certains à abandonner travail, femme et enfants pour tenter leur chance dans ce pays qui venait d'entrer dans l'Union européenne" raconte Frédy, devant la caméra de Rufin.
Le quotidien de ces expatriés est d'abord filmé par eux-mêmes, à l'aide de caméras amateurs, d'appareils photo et de téléphones portables. Par ce regard interne, les exilés portent eux-mêmes un jugement sur leurs conditions de vie : difficiles et inacceptables. Le regard du réalisateur se superpose ainsi à celui des expatriés congolais.

Dans l'imaginaire du Congolais, partir en Europe est signe de réussite, on ne peut en revenir plus appauvri. La peur du "qu'en dira t-on" conduit Yves à aller dans un autre pays. Le film s'ouvre sur lui dans un chantier de construction à Brazzaville et se referme sur lui. Ce qui forme une narration en structure Oméga.
Dans cette tournure cyclique, le cinéaste fait revivre à Yves les moments en Roumanie, à travers l'album-photo aux mains des apprentis maçons et à l'aide d'une vidéo qu'il visualise sur l'ordinateur portable du réalisateur. En filmant le quotidien des Congolais partis en Roumanie, le cinéaste ne les filme pas en victimes. Bien au contraire, il montre qu'ils sont aussi porteurs de richesse.

Le réalisateur a découvert ces exilés congolais en 2008, alors qu'il travaillait en Roumanie comme fonctionnaire international. Il pose le problème de l'immigration, mais il renseigne surtout le spectateur sur certaines valeurs et comportements répandus : le sens du partage et de solidarité mais aussi du développement de la corruption en Roumanie comme au Congo. Ce film casse le mythe de l'Eldorado européen.

Abraham N. Bayili

Article écrit dans le cadre de l'atelier du Bulletin Africiné - Ouagadougou (Burkina Faso), FESPACO 2013. Publié dans Africiné n°19 (Ouaga), Jeudi 28 février 2013, pp. 2 & 3.
Ce bulletin est publié par la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC, Dakar) avec le soutien de l'Organisation internationale de la Francophonie, Africultures, Ambassade de France au Sénégal et en Algérie, le Goethe Institut d'Afrique du Sud et du Nigeria, le ministère de la Culture de Tunisie, l'Institut Gabonais de l'Image et du Son (IGIS), l'association Vanuit het Zuiden (Depuis le Sud) et le Fespaco. Il est rédigé par des journalistes membres de la FACC présents au Fespaco 2013, venant de 15 pays d'Afrique.

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