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Les Mamans de l'indépendance, de Diabou Bessane
Les zones d'ombre de l'histoire politique sénégalaise soulevées
critique
rédigé par Fatou Kiné Sène
publié le 14/03/2013
Fatou Kiné Sène (Africiné)
Fatou Kiné Sène (Africiné)
Diabou Bessane, réalisatrice
Diabou Bessane, réalisatrice

Le documentaire Les Mamans de l'indépendance de la réalisatrice Diabou Bessane est un hommage rendu aux femmes pionnières de l'indépendance du Sénégal. Ce film de 52 minutes, réalisé en 2012, est surtout une réécriture de l'histoire politique de notre pays.

Qui aurait cru que les femmes ont pris part de façon aussi active aux mouvements d'indépendance africaine et particulièrement sénégalaise. Le voile est alors levé par le documentaire de la réalisatrice Diabou Bessane. Son film Les Mamans de l'indépendance, sorti l'année dernière et projeté vendredi 15 Février 2013 à l'Ucad 2 [Université de Dakar, Amphi 2, NDLR], réhabilite la femme pionnière, celle qui a participé à l'avènement de l'indépendance, à l'aspiration de tous les peuples d'Afrique noire.
La caméra a mis en lumière ces femmes "oubliées et zappées" de l'histoire. Le film peut être divisé en trois parties : la première révèle le rôle joué par les femmes du Walo : Yacine Boubou, Bigué Ngoné… et aussi du Sud du Sénégal comme Aline Sitoë Diatta. La deuxième s'attarde sur les pionnières de l'indépendance.

La réalisatrice est allée à la rencontre des héroïnes survivantes qui ont écrit l'histoire de notre pays. Elles racontent les faits, le rôle joué. Jeanne Martin Cissé, l'ex-présidente de l'Union des femmes du Sénégal (Ufs), estime avoir le cœur amer en voyant qu'on ne cite pas les femmes comme Adja Rose Basse (décédée en 2005), Tchoumbé Samb, etc., lorsqu'on rappelle l'histoire politique de l'indépendance du Sénégal. Ces protagonistes déplorent que les Sénégalais ne célèbrent que la femme religieuse. La nation a oublié ces braves femmes qui ont aussi lutté.
L'Ufs, première association féminine du Sénégal a participé aux côtés des partis politiques à l'avènement de l'indépendance, révèle-t-on dans le film.

Déléguée par les femmes de l'UFS au congrès du Rassemblement démocratique africain (RDA) à Cotonou, au Bénin, en juillet 1958, Adja Rose Basse, au nom des femmes africaines, a été une des premières à réclamer l'indépendance immédiate et totale. Cette militante l'a voulue pour la liberté et la justice ainsi qu'un meilleur épanouissement des peuples.

Des photos sont exhumées.

Oumy Sène, ex-membre de l'Ufs se souvient de leur participation à la reconnaissance du tirailleur au camp de Thiaroye. Un meeting qui a été réprimé par la police coloniale. La lutte s'est alors poursuivie. Ses camarades reviennent sur la campagne menée pour l'arrivée du Général De Gaulle à Dakar.
Elles ont été parmi les porteurs de pancartes. Des affiches collées avec de la poudre de farine dans les rues de Dakar à 1 heure voire 2 heures du matin. "S'il avait des agresseurs à cette époque, on serait toutes mortes", dit Awa Gaye avec un brin humour.

Avec des mouchoirs jaunes pour montrer qu'elles étaient des femmes révolutionnaires, elles étaient à la place Protêt, actuelle Place de l'indépendance. Ce que confirme le politicien Mbaye Jacques Diop. "Les femmes nous ont accompagnés", dit-il.

Seul Valdiodio Ndiaye était présent pour signifier au général De Gaulle l'aspiration du peuple. Les extraits du film de Aminata Ndiaye Leclerc sur son père Valdiodio servent d'illustrations. Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia étaient absents. C'est pourquoi disent les héroïnes de l'indépendance, ils ne pouvaient pas nous soutenir.
A leur retour du rassemblement des femmes à Bamako en 1959, le Président du Conseil, Mamadou Dia, les a convoquées pour les menacer. "Aïda Sarr, Maguette Sarr, Tchoumbé Diop et moi Awa Sarr, il nous a dit, si j'entends le mot parité de votre bouche, je vous fous en prison", raconte Awa Sarr.
Elles ont été ensuite accusées de communistes. Attaquée de toutes parts, l'UFS entre dans la clandestinité, comme d'autres partis politiques de l'époque.
Selon Léna Fall Diagne, ex-vice présidente de l'Assemblée nationale, le plus dur a été après les indépendances pour consolider les acquis.
C'est la troisième partie du film qui montre les femmes qui ont poursuivi la lutte. Caroline Faye, Maïmouna Kane Ndongo, etc.

Ces risques encourus par les femmes pionnières qui ont eu beaucoup d'audace et de confiance - (ce qui manque à beaucoup de femmes, regrette Jeanne Martin Cissé) - n'ont pas été reconnus. Pour l'historien congolais, Elikia M'Bokolo, spécialiste de l'histoire politique et intellectuelle africaine, "l'histoire doit être réécrite par rapport à cette problématique". Car selon lui, dans l'histoire générale écrite par les Joseph Ki-Zerbo, Abdoulaye Ly et autres, les femmes sont occultées.
Le professeur Iba Nder Thiam le reconnaît. "Nous avons manqué à notre devoir", affirme-t-il. Des historiens, sociologues, des femmes leaders sont interrogés. Le documentaire, Les Mamans de l'indépendance, 52 minutes, réveille des émotions. Il fait pleurer, rire parfois et rend fier. [...]

Fatou Kiné SENE
Walf', Dakar

article paru dans le quotidien Walfadjri, du Lundi 18 Février 2013.

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