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Entretien avec le (nouveau) Secrétaire Général de la Fédération Panafricaine des Cinéastes (FEPACI)
Cheick Oumar Sissoko : "Le travail de critique a besoin d'être soutenu sur le continent"
critique
rédigé par Emmanuel Sama
publié le 05/09/2013
Cheick Oumar SISSOKO (Fepaci)
Cheick Oumar SISSOKO (Fepaci)
Emmanuel Sama (Africiné)
Emmanuel Sama (Africiné)

La Fédération Panafricaine des Cinéastes (FEPACI) a élu un nouveau Secrétaire Général (S.G.) : le cinéaste malien Cheick Oumar Sissoko. Il a accompli un séjour de travail au Burkina Faso à la mi- Juillet 2013, accompagné de Salif Traoré, S.G. de l'Union Nationale des Cinéastes du Mali (UNCM).
Extrait d'un entretien, dont l'intégralité sera publiée sur le site Images Francophones (OIF).

Vous venez, dans le cadre de la relance des activités de la Fepaci, de séjourner au Burkina Faso où vous avez eu des séances de travail avec l'administration et des structures du cinéma. Vos objectifs sont-ils atteints ?

Cheick Oumar Sissoko : Je suis venu au Burkina en compagnie de Salif Traoré, Secrétaire Général de l'UNCM pour une prise officielle de contact. Tout d'abord, avec Emmanuel Sanon, Secrétaire Général de l'Union Nationale des Cinéastes du Burkina (UNCB), nous avons rencontré le Ministre de la Culture, pour nous présenter et lui parler de nos ambitions et des lignes de notre programme, afin de lui demander le soutien du Burkina. À l'issue du Congrès de Johannesburg, le Burkina s'est vu confier le Secrétariat général de la sous région 2 de l'Afrique de l'Ouest avec la désignation de Emmanuel Sanon, SG de l'UNCB. Nous lui avons exprimé notre désir de voir le Burkina Faso appuyer également la dynamique que ces deux associations entendent développer en synergie et avec les autres associations de la sous région.

Ensuite, il s'agissait de réaffirmer que le siège de la Fepaci, sa racine, est bien Ouagadougou, comme l'ont établi tous les congrès de notre fédération depuis 1985. J'ai la mission d'en faire la base de la communication et de la visibilité de la Fepaci. Nous allons la rendre opérationnelle en créant une banque de données, un site web et un mailing groupe et aussi relancer un magazine de cinéma avec Clément Tapsoba qui avait, déjà dans les années 90, dirigé pour le compte de la Fepaci une revue de ce type [revue bilingue Ecrans d'Afrique / African Screen. Archives gratuites et disponibles sur Africiné, cliquez ici, ndlr].
Enfin, nous avons rendu visite à des structures de cinéma et à des cinéastes et eu une rencontre de travail avec l'UNCB pour échanger avec nos collègues, comme nous l'avons fait avec le ministre, autour des idées-forces du programme que je vais exécuter avec le secrétariat fédéral

La question du siège de la FEPACI n'est totalement éclaircie, car bon nombre de gens se demandent encore quelle est la différence entre celui de Ouaga et celui que vous avez l'intention d'établir à Nairobi au Kenya ?

La question du siège comme je l'ai soulignée est réglée de façon définitive depuis longtemps ! Il n'y a qu'un seul siège de la FEPACI, avec un accord de siège signé avec l'Etat burkinabé qui a mis à notre disposition depuis 1985 des locaux. Normalement le Secrétaire Général de la FEPACI devrait résider au Burkina Faso. Le problème qui se pose et qui a amené le bureau fédéral de la FEPACI à aller en Afrique du Sud, pour une première fois, est le manque de moyens. […]

Au 9ème congrès, en Mai dernier, le Kenya a proposé 1 million de dollars par an pour aider la FEPACI dans ses activités. Le congrès a demandé au Secrétaire Général de se rendre à Nairobi pour en discuter avec l'Etat kenyan. Je me suis acquitté de cette mission. Nous sommes en train de préparer un agrément, pour l'installation du bureau et son animation à Nairobi. L'une de mes priorités durant mon mandat de quatre ans sera de travailler à mobiliser des moyens financiers pour éviter que le bureau ne soit pas obligé de migrer continuellement d'un pays à l'autre et qu'il se fixe définitivement au Burkina Faso et qu'il ait les moyens de mettre en œuvre sa politique.

Le financement des films reste un gros problème. Certains Etats font des efforts et il faut noter qu'au plan continental on parle de plus en plus du Fonds panafricain pour le Cinéma et l'audiovisuel (FPCA), initié par la FEPACI et l'OIF. Où en êtes-vous après la conférence de Johannesburg ? [N.B. interview réalisée avant la publication de la naissance officielle du FPCA]

C'est la FEPACI qui a initié le FPCA. Et la FEPACI a demandé à l'OIF de l'aider pour une étude de faisabilité et à créer des guichets de financement de ce fonds. C'est un fonds FEPACI dont les origines remontent à ma connaissance au Sommet de l'Union Africaine (U.A.) de 2003 de Maputo, où le projet a été lancé en accord avec l'UA. […]
Nous devons inventer sur le continent des possibilités de financement.
En plus du FPCA, il faut prioritairement qu'il existe un fonds pour chaque cinématographie nationale. Des pays l'ont initié. L'on peut citer le Maroc qui dispose d'une industrie cinématographique englobant tous les secteurs. Il met à la disposition du Centre de la cinématographie (le CCM) 03 milliards 250 millions de FCFA par an [environ quatre millions neuf cent cinquante quatre millions d'euros, ndlr]. Ce financement permet de produire entre 15 et 20 longs métrages et 100 films de court métrage, bon an, mal an. Les films marocains sont en tête du box office dans les nombreuses salles du royaume.
Le Maroc consacre 5% des recettes publicitaires sur les télévisions et prend un pourcentage sur les factures d'électricité pour le financement de la production des films.
Le Tchad vient de prendre la décision de consacrer 10% des recettes de téléphonie mobile au cinéma et à l'audiovisuel. Le Sénégal a programmé un (01) milliard de FCFA [environ un million cinq cent vingt-quatre millions d'euros, ndlr] pour le cinéma à partir de 2014. Je crois qu'il y a de plus en plus des initiatives de ce genre que la FEPACI encourage et qui doivent servir d'exemples à présenter aux autorités. […]

Les cinéphiles avisés et les critiques de cinéma, de manière générale, déplorent la baisse de qualité des films africains qui passent maintenant sur nos petits et grands écrans. Nous sommes loin des lumières de grands films de l'époque de "Camp de Thiaroye", "Nyamanton, la leçon des ordures", "Tilaï", "Yeelen" et j'en passe. Ces films ont eu des succès en Afrique et dans le monde entier. Les films d'Afrique ne percent plus au plan international et les images africaines comptent très peu dans le cinéma mondial. Que pensez-vous du niveau qualitatif des films et qu'est ce que la FEPACI pourra faire pour relever ce niveau, avec le concours des critiques de cinéma ?

Il y a toujours de grands films qui sont réalisés mais ils ne sont pas vus. Tous les films ne viennent pas au FESPACO. Ce qui fait que votre jugement part de ceux seulement que vous avez vus. Il y a moins de communication et de marketing sur les films. Cannes ne prend plus nos films et de même que la plupart des grands festivals. Quand bien même, ils passent, ils ne sont pas distribués. Ils ne sont donc pas accompagnés par cette communication qui peut permettre de jauger le dialogue entre le public et les auteurs et la réception des films par les critiques.
Il faut reconnaître que le travail de critique a besoin d'être soutenu sur le continent pour que l'on sache exactement quels sont les genres de films que nous faisons, quels sont les objectifs selon les pays. Nous sommes convaincus que les civilisations africaines portent des valeurs à vocation universelle et qu'il faut justement les faire connaître et intégrer à travers nos œuvres dans la grande communication que les humains ont engagée avec les nouvelles technologies.

Que faut-il faire ? De grands moyens financiers, nous n'en disposons pas ; des moyens techniques, nous n'en avons pas non plus. Chaque pays ne peut pas se construire son industrie cinématographique. Il nous faut construire une industrie cinématographique à l'échelle régionale, avant de viser l'échelle continentale.
C'est dans ce sens, je soutiens qu'il est plus viable d'avoir une (au plus deux) école de formation par région. Il en est de même, en ce qui concerne les infrastructures de post production. Si cela ne se fait, nous regorgeons de génies cachés qui n'ont pas les moyens de travailler, ni de finir leurs films qui restent non montés, non mixés etc.

Si nous arrivons à construire une industrie dans chacune des régions du continent et que nous arrivons à dégager des moyens financiers au niveau national et à l'échelle régionale avec nos entités économiques qui peuvent prendre en charge nos écoles de cinéma et les unités de post production, il s'en suivra une compétition entre les projets. Et si les salles renaissent, les choses vont bouger.
Aujourd'hui, mon ambition première est de commencer par les salles de cinéma, parce que c'est capital. Vous avez des capitales africaines où il n'y a pas une seule salle de cinéma. Ce n'est pas normal !

Quelle sera votre prochaine étape après Ouagadougou ?

Cette étape sera certainement encore Nairobi pour signer l'agrément, s'il est convenable aux intérêts de la Fepaci et organiser tout de suite une réunion du Secrétariat fédéral pour amender le programme que je vais soumettre. J'ai profité de mon séjour à Ouaga pour le soumettre déjà au Secrétaire régional, Emmanuel Sanon, qui l'a porté à l'attention des membres pour en discuter. Un dîner-débat a par la suite été organisé par l'UNCB, pour échanger autour des grandes questions sur lesquelles nous pouvons apporter des solutions et sur les voies et moyens de dynamiser la FEPACI.A l'issue de cette rencontre un accord tripartite a été signé.

Nous organiserons un bureau du Secrétariat fédéral composé de sept membres auxquels j'écris mensuellement une lettre, et qui ont la mission de mettre en œuvre ce programme dans leur zone respective.

Après Nairobi, j'envisage de rencontrer le Président du Faso, pour apporter le tout le soutien nécessaire de la Fepaci dans sa démarche pour nous aider à avancer dans le développement de notre cinématographie. Ouagadougou est la capitale du cinéma africain et nous envisageons également de reprendre attache avec le Président de la Commission de l'Uemoa que nous n'avons pas pu rencontrer parce qu'il était en déplacement pour échanger autour de ce que cette importante institution régionale pourrait faire dans la construction de l'industrie cinématographique régionale.

Merci et bon vent à la nouvelle Fepaci !

Propos recueillis par Emmanuel Sama
à Ouagadougou, le 13 juillet 2013

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