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Le documentaire, une manière de penser
Festival International du Documentaire d'Amsterdam - IDFA 2013
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 12/12/2013
Hassouna Mansouri (Africiné)
Hassouna Mansouri (Africiné)
Rithy Panh, réalisateur cambodgien
Rithy Panh, réalisateur cambodgien
Victor Kossakovsky, réalisateur russe
Victor Kossakovsky, réalisateur russe

Le propre d'un festival de documentaire est de se proposer comme un moment d'inspiration pour la communauté des documentaristes. De ce point de vue, la 26ème édition du Festival International du Documentaire d'Amsterdam donne l'exemple. Le festival, comme beaucoup d'autres, offre des master-classes d'un haut niveau. Celle de cette année est donnée par le maitre du cinéma cambodgien, Rithy Pann. Les meilleures leçons de cinéma demeurent toutefois les films qu'un festival propose et qui sont pleins de promesse de renouveau.

Démonstration de Victor Kossakovsky est l'illustration de ce genre de films ouverts. Le documentaire exige une posture de réception envers le monde que le cinéaste adopte pour disposer de ce que le réel propose. Cette fois l'auteur de ¡Vivan las antipodas! se laisse aller à un exercice de style au sens premier du terme certes, mais en faisant cela, il nous livre un exemple de la manière dont un cinéaste peut recueillir les éléments du monde et en faire une œuvre.
C'est d'abord une leçon de cinéma parce que le film est de toute façon produit dans le cadre d'une formation cinématographique et que Kossakovsky le réalise en collaboration avec ses 32 étudiants du Master du Documentaire créatif à l'Université de Pompeu Fabra de Bacelone. C'est surtout une leçon de cinéma vu le résultat final auquel a abouti cet exercice à l'apparence très scolaire mais d'une profondeur et d'une pertinence rare et en terme de propos et en termes de construction.

Il paraît qu'une fois Orson Wells aurait dit aux élèves de l'HIDEC que celui qui veut faire du cinéma n'a qu'à prendre une caméra et sortir dans la rue. C'est précisément ce que Kossakovsky a fait faire à ces étudiants. Plus que ceci, il les a mis devant un défi extraordinaire : filmer la manifestation de Barcelone du 29 Mars 2012. Un tel événement est particulièrement riche en images et en sensations qui risque d'étouffer n'importe quel cinéaste sans une forte idée de ce qu'est le cinéma. Il est très facile de se laisser aller à la facilité et se contenter de recueillir les images fortes que la rue pourrait offrir, les accompagner de quelques interviews et un peu de musique d'ambiance et on aura un film-reportage qui pourrait avoir sa place dans la programmation de quelques festivals.
Or, l'essence du documentaire réside dans la capacité de transformer les faits et les images en une pensée c'est - à - dire une construction. C'est en cela que Kossakovsky montre qu'il est un maitre de la pensée par l'image. Tout en restant fidèle à sa modestie devant la richesse du réel, c'est là qu'il va puiser le noyau de la structure du film : L'Opéra Don Quixote de Léon Minkus, qui par hasard était à l'affiche de l'Opéra de Barcelone. Un condensé de la passion espagnole, du sens des valeurs qui se perdent et du combat pour les idées et puis surtout, un rythme profond qui donnera au film toute sa poésie. Du coup, le personnage mythique et l'icône de la culture espagnole donne au film son équilibre et son harmonie, qui plus est, sans prétention aucune de la part du cinéaste.

En regardant cet exercice de style, on ne peut s'empêcher de penser à tous ces films sur le printemps arabe. Combien de réalisateurs sont descendus à la Place Tahrir au Caire ou à l'Avenue Habib Bourguiba à Tunis munis de leurs caméras et partant à la chasse aux images sensationnelles. Pourraient-elles être autrement, ces images des sociétés en ébullition ? Très très souvent le résultat est bien mièvre, faute de vision de cinéma. Le documentaire est certes une captation du réel mais ce n'est nullement à prendre dans le sens de l'enregistrement des faits sans rendre compte de la pensée qui serait derrière. Le documentariste est nécessairement un sémiologue.

La modestie face au réel ne signifie pas se contenter de l'enregistrer et de le re/montrer. Ce serait de la tautologie et de la prétention d'avoir saisi la force du moment. Est-ce suffisant pour faire du cinéma ? La modestie signifie plutôt se mettre à l'écoute de ce que le monde impose comme sens. La facilité n'est jamais de l'intelligence ; bien au contraire. Montrer les images du printemps arabe n'est pas très différent des reportages de télé. C'est juste plus long et la plupart du temps, plus ennuyeux. C'est lorsque le premier souci est de chercher le sens qui se cache derrière les événements qu'il devient pertinent de faire du cinéma.

par Hassouna Mansouri
(ATPCC / Vanuit Het Zuiden)

Le jury a décerné un Prix Spécial à A Letter to Nelson Mandela de Khalo Matabane (South Africa / Germany), dans lequel le réalisateur dresse un regard critique sur Nelson Mandela, sa stature et son rôle dans les réforme qui ont eu lieu en Afrique du Sud dans les années 90.

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