C'est avec La cachette, une fiction de court métrage dans un genre comique bien amené que nous avions découvert Roger NANKAP. Il n'en était pour autant pas à son premier coup d'essai. On voyait déjà chez le réalisateur la rigueur et la démarche qui sortent de bons produits des marmites à films. De la marmite, il en est justement question dans son dernier film.
Roger NANKAP signe là son premier film documentaire. Pour ce faire, il n'est pas allé chercher loin ce qu'il avait sous la main. Roger suit le chemin de croix ou de roses (selon l'angle où on se situe) de sa femme qui, venant de mettre au monde un enfant, rentre chez sa mère au village afin d'y subir le rituel du Mvé-dzié (chez les Bétis). Il consiste à un massage à l'eau bouillante de la jeune maman afin de libérer son corps du mauvais sang, des douleurs post accouchement etc.
Mvé-dzié est un film qui a le mérite de nous plonger dans ce rite là avec des images fortes qui parlent plus que tous les mots de ce papier. Étape par étape, nous suivons la jeune Marie, ses peurs, ses craintes, ses satisfactions et joies. D'un côté il y a des conservateurs et défenseurs cette pratique ancestrale, dont en l'occurrence le célèbre anthropologue François BINGONO BINGONO. En face d'eux, on retrouve des dénonciateurs d'une pratique qui causerait plus de mal que de bien. Tant bien que mal, l'auteur réussit à trouver le juste milieu de ce regard croisé sinon opposé.
Le film nous promène dans le monde rural dans une belle ambiance sonore, musicale et visuelle. On est quelque peu loin des films aux images de qualité odieuse et au son catastrophique qui ont un temps fait la marque déposée des films africains. On regrettera cependant le manque de poésie visuelle du film dans un espace pourtant qui semble tant s'y prêter et ne demander que cela.
Mvé-Ndzié, la marmite de l'accouchée, est un de ces films qui nous replonge dans notre société traditionnelle et laisse des traces indélébiles. L'Afrique et le Cameroun en particulier regorge de tant d'histoires qui ne demandent qu'à être racontée. Le cinéma documentaire (même s'il est parfois boudé par le public) est la voie royale qui nous restituera ces histoires et nos mémoires. Le cinéaste a dit, pour "faire un bon film, il faut trois choses: une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire", et Dieu sait si nous en avons à n'en plus savoir que faire.
On espère avoir le film de Roger Nankap sur les écrans très bientôt; pourquoi pas en salles pour une première (laquelle? me demandera-t-on), dans des festivals (Ecrans Noirs, Africadoc, FICIB et pourquoi pas Mis Me Binga et FESPACO 2015). On lui souhaite déjà d'être sélectionné à Vues d'Afrique 2014 [Montréal].
Paul STEVEK
Réal.: Roger NANKAP
Caméra : Matthieu TAGNE T., Thierry ADEBODA, R. NANKAP
Son : Eric TEGLE
Montage : Rosine NDOKO / Mixage: Ralain NGAMO & Yvon NGASSAM
Musique : Janvier DAAK & Ralain NGAMO
Documentaire, 43'32''./ DV 4:3 / en français & béti / 2014.
Prod.: MFI (Master Films International)
