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L'Oranais (El Wahrani), de Lyes Salem
Plus dure sera la chute
critique
rédigé par Azzedine Mabrouki
publié le 17/11/2014
Lyès Salem et Khaled Benaïssa (arrière plan), dans une scène du film L'Oranais
Lyès Salem et Khaled Benaïssa (arrière plan), dans une scène du film L'Oranais
Scène du film
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Africiné, Le Leader Mondial (Cinémas africains & Diaspora)
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Bien reçu et primé au 8° Festival d'Abu Dhabi (ADFF), El Wahrani (L'Homme d'Oran) de Lyes Salem apporte la preuve que le cinéma algérien n'a pas mis un point final à l'Histoire de la Révolution algérienne.
Avec un talent déjà consacré dans ses précédents films et une assurance extrême dans le travail de mise en scène, Lyès Salem nous emporte, sans ralentir un seul instant. Le rythme du récit s'inscrit dans le vertige de l'actualité qui a marqué les premières années de l'Indépendance. Avec, en plus, un travail considérable sur l'image, les dialogues, le jeu des acteurs, les décors, la musique,les chants. Amazigh Kateb, chanteur populaire et fils du poète Kateb Yacine, apporte dans le film sa voix, sa thématique personnelle très originale. Voilà une oeuvre à inscrire au registre des meilleures productions algériennes.

La guerre de libération vient de se terminer, les nouvelles vont vite, la joie éclate partout,les drapeaux s'agitent. il y a une sorte d'incandescence, de passion dans l'air. L'Algérie désormais ne connaît ni tabou,ni limite. The sky is the limit ! [" Le ciel est la seule limite, ndlr]. Mais aussitôt,les discours tout faits du parti unique,la propagande, la langue de bois risquent de compromettre l'espoir. Les maquisards se ménagent de bonnes places : ministre, chef d'entreprise, patron de bar... Pourquoi se gêner, pourquoi ne pas se payer l'existence riche et raffinée (avec des yatchs éblouissants et du champagne à gogo) de ceux qu'on a chassé du pays ?
C'est une histoire interminable,celle des masques qui tombent. Le double jeu des héros de la Révolution est au coeur du récit. Et Lyés Salem, dans le rôle de Djaffar, marque superbement sa contribution dans cette histoire. C'est Citizen Djaffar, un personnage qui prend une dimension mythique à l'image de Citizen Kane d'Orson Welles.



Djaffar fait l'expérience-limite de la richesse,autorité et décorum,puissance et gloire du héros de la lutte de libération. C'est trop beau pour être vrai. Et puis c'est la chute brutale et cette incroyable scène où il est assis seul dans une déprime totale devant une bouteille de whisky et réclame une autre. C'est son bar mais tout est fini. Le héros n'est pas tombé au maquis mais dans sa propre illusion. Le miroir est vide. C'est comme le personnage d'Orson Welles, sa vie se transforme en île déserte. Désormais tout est indifférence. Il y a eu ce choc terrible devant le sort de Farid, jeune héros contestataire (à l'instigation des "services"). Il y a eu aussi la trahison de Hamid, ministre et membre du Conseil de la Révolution,lui qui a connu la lutte, le sacrifice, la répression coloniale mais qui s'est gardé de sauver son ami.

Nombreux sont les films sur l'Algérie indépendante qui ont fait long feu. El Wahrani apporte une vison différente, un véritable regard critique. Lyes Salem scie en quelque sorte la branche sur laquelle des oeuvres sans envergure étaient assises.
Avec les images magnifiques de Pierre Cottereau, des acteurs brillants comme Khaled Benaissa (qui montre une exceptionnelle ferveur dans le rôle de Hamid), El Wahrani est produit par Yacine Laloui (Laith Média),le ministère de la culture, l'AARC et Dharamsala (Isabelle Madelaine). Il sort ce mois-ci sur les écrans (le 19 novembre en France).

Azzedine Mabrouki

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