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A coeur ouvert, de Ayékoro Kossou
Quand la question du racisme rafle le Dikalo Award du meilleur court métrage à Cannes
critique
rédigé par Ulvaeus Balogoun
publié le 09/12/2014
Ayékoro Kossou, réalisateur
Ayékoro Kossou, réalisateur
Aïssa (Stana Roumillac) et Marthe (Brigitte Belle)
Aïssa (Stana Roumillac) et Marthe (Brigitte Belle)
Stana Roumillac (Aïssa)
Stana Roumillac (Aïssa)
Jérôme Thévenet (Georges)
Jérôme Thévenet (Georges)
Bruno Henry (Albert)
Bruno Henry (Albert)
Ayékoro Kossou, avec le Dikalo d'Or
Ayékoro Kossou, avec le Dikalo d'Or
Africiné, Le Leader Mondial (Cinémas africains & Diaspora)
Africiné, Le Leader Mondial (Cinémas africains & Diaspora)

Il est lauréat du DIKALO Award du meilleur court métrage à la 10ème édition du Festival International du Film Panafricain de Cannes qui s'est tenu du 23 au 27 avril 2014, en France. C'est le court-métrage A cœur ouvert, une fiction de 15 minutes 42 secondes, réalisé en France en 2013 par Ayékoro Kossou, Béninois. Le film traite de la question du racisme.
Selon Robert Sabatier, auteur de l'ouvrage "Le livre de la déraison souriante", "le racisme est une manière de déléguer à l'autre le dégoût qu'on a de soi-même". Cette pensée résume parfaitement la trame de cette fiction qui concilie tristesse et beauté. C'est l'histoire d'un couple mixte (une femme noire et un homme blanc) qui partage la même cour que la mère de l'époux (Marthe). Les incompatibilités d'humeur entre la belle-fille et sa belle-mère ont tôt fait de rendre l'atmosphère invivable. La bru, Aïssa, se sent menacée et détestée par la mère de Georges (l'époux). Marthe accepte difficilement cette relation et ne ménage aucun effort pour tenter par tous les moyens de décourager le couple. Avec des subterfuges à la limite du supportable, la belle-mère pousse Aïssa dans ses derniers retranchements, au point même de transformer sa vie en un véritable cauchemar.

Un pas vers le soulagement - Trailer from unautreregardprod on Vimeo.



Du début jusqu'à la fin du film, la caméra, loin de toute neutralité, prend un ton agressif, avec un rythme presque lent, s'arrêtant, à travers quelques séquences, pour mettre le doigt dans la plaie de la problématique des relations interraciales dans l'espace français. Comme un témoin, elle raconte, fait s'interroger. A travers cette histoire, le réalisateur Ayékoro Kossou dit vouloir mettre le doigt sur un fait de société : en première apparence le racisme mais encore plus les préjugés que l'on nourrit vis-à-vis d'autres personnes. C'est ainsi que dans A cœur ouvert, Aïssa voit son existence s'assombrir auprès d'une belle-mère minée au tréfonds de son cœur par sa dimension éthique, où se dévoilent les traits d'une moralité étrange qui emprunte ses principes au monde naturel où le plus fort impose sa justice selon qu'il a des préjugés sur un autre.

Ce court-métrage se veut un cri d'alarme mais également la possibilité d'un chemin d'espoir souvent payé au prix fort. C'est une occasion de réflexion pour le réalisateur, lui-même ayant déjà été victime du racisme durant son séjour en France qui fait sien la philosophie de Fabrice Olivet, ancien professeur d'histoire, aujourd'hui engagé dans l'action sociale. Dans son dernier ouvrage "La Question Métisse, cette singularité française méconnue", Fabrice Olivet estime que le XXIe siècle est celui des identités en souffrance, identité de Noirs, de Juifs, de demi-Noirs, de demi-Juifs, de musulmans, d'Arabes. Pour lui, c'est le sujet à la mode, le sujet qui fâche : les races, les couleurs, ce que l'on ose à peine pudiquement évoquer sous le terme d'identité, une périphrase à des années-lumière de la crudité des propos de la rue.

"Au début du film, j'ai voulu montrer le racisme parce que c'est un sujet qui m'intéresse mais je voulais faire un film qui est orienté pour les gens qui sont bloqués par des préjugés. Pas les gens qui sont dans le racisme pur. Les gens extrémistes, ce n'est pas un film pour eux. C'est un film pour ceux qui ont peur, ceux qui sont dans des préjugés et qui à cause de ces préjugés s'enferment et quelque part vous rejette ou vous font du tord ou du mal parce qu'ils ne vous comprennent pas. C'est un racisme apparent". Ainsi se confiait Ayekoro Kossou lors d'une interview accordée à une chaine de radio locale lors de son passage à Cotonou au Bénin durant le mois de Septembre 2014.

Les raisons d'un succès

A cœur ouvert a reçu en avril dernier, le premier prix du Festival international du film panafricain à Cannes dans la section court métrage, une section ouverte aux jeunes réalisateurs. Un mérite auquel le réalisateur ne s'attendait pas. "L'annonce du prix fût une belle surprise pour moi, je crois que quelque chose s'est passée ce jour là. Je crois que c'est l'ensemble projection et débat autour du film qui a permis au festival de mieux mesurer mes intentions ainsi que l'investissement mis pour arriver à ce résultat" nous a-t-il confié, au détour d'un entretien.
En effet, le triomphe de ce court-métrage trouve son essence dans l'exergue mis sur un fait de société qui traverse les temps et les âges. Et le film non seulement relance ce débat sur le racisme, la question du métissage, les préjugés mais révèlent aussi des personnages qui souffrent au plus tréfonds de leur âme. Chacun selon les difficultés qu'ils rencontrent et la complexité de son désir. Marthe (Brigitte Belle) qui aime son fils Georges et ne veut pas le perdre à cause d'une femme. Georges (Jérôme Thévenet) qui aime sa mère ainsi que sa conjointe et qui ne veut perdre aucune des deux femmes de sa vie. Aïssa (Stana Roumillac) qui aime Georges mais qui se voit confronté à une belle-mère possessive. Un dilemme pour chaque personnage. Et l'évolution des deux femmes vers la fin du film témoigne bien de ce qu'il faut apprendre à mettre ses idées préconçues de côté d'autant qu'avec la mondialisation, il s'avère impérieux d'apprendre à se connaitre dans une société qui se veut évolutive.

Ce film nous présente une réalité crue d'un monde bipolaire en proie à un brassage inéluctable. Et la fin du film révèle une relation antipathique au départ qui change au fil du scénario pour enfin se traduire par un échange "à cœur ouvert".

par Ulvaeus BALOGOUN

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