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Entretien avec François E. Kandonou, réalisateur
"Le Secret, c'est le fils du pape qui est devenu un imam"
critique
rédigé par Charles Ayetan
publié le 14/03/2015
Scène du film
Scène du film
François E. Kandonou, réalisateur togolais
François E. Kandonou, réalisateur togolais
Charles Ayetan (Africiné)
Charles Ayetan (Africiné)

Scénariste et réalisateur togolais, François E. Kandonou est l'auteur du court métrage Le Secret, un film produit par la société KEF Productions S.A. Il nous confie ici, les secrets de son inspiration et de son film qui traite d'un sujet sensible à caractère politico-religieux.

Monsieur François E. Kandonou, vous êtes auteur et réalisateur du film "Le Secret", comment avez-vous eu l'inspiration de cette œuvre ?
Je crois qu'on ne peut pas parler d'inspiration sans parler de l'actualité qui rime et rythme le monde entier. Et justement, l'inspiration du court métrage Le Secret s'inscrit sur ce registre. En effet, l'actualité mondiale fait état de violations des libertés individuelles et des droits humains : cas du conflit en Centrafrique ou de l'attentat contre Charlie Hebdo...

Vous avez pourtant tourné votre film avant l'attentat du 7 janvier 2015 contre le journal satirique Charlie Hebdo en France qui suscite une forte controverse. Quelle est votre opinion ?
Je peux dire que la création, c'est l'anticipation. Le cinéaste en tant que créateur doit aller au-delà des faits et anticiper sur les événements futurs. C'est ce que j'ai essayé de faire dans le cadre de ce film.
Sur mon opinion, je peux dire que rien ne justifie la mort d'un être humain. A plus forte raison, la mort donnée à 12 hommes et femmes en majorité des journalistes en pleine réunion de rédaction, et en un clin d'œil. Sans oublier les décès qui ont été enregistrés des suites de cet attentat.
Le cinéaste, tout comme le journaliste, fait usage de la liberté d'expression dans sa profession. Quoique l'expression de la liberté puisse blesser l'autre, on ne devrait pas en arriver à un attentat.

Justement, dans Le Secret, vous traitez d'un sujet relatif à la liberté d'expression qui débouche sur des tueries et d'autres formes de violences. Pourquoi ?
Le Secret, c'est brièvement, le fils du pape qui est devenu un imam. Qu'est-ce qui peut bien pousser un pareil personnage à ce point ? Voilà une question qui peut donner court à une diversité d'opinions par rapport aux religions, aux droits de l'homme, aux libertés individuelles. Et c'est cette diversité qui nous pousse à traiter ce sujet.

Comment définissez-vous la liberté d'expression ?

Pour moi, la liberté d'expression est ce qu'il y a de plus noble. La liberté d'expression est sacrée. C'est ce qui caractérise l'homme dans son essence. Il y a un courant de pensée selon laquelle l'homme naît libre. Mais je pourrais dire que l'homme ne naît pas seulement libre, il naît avec ses pensées, son opinion.

Le Secret porte un regard inquisiteur sur la religion et la politique.
Les religions aujourd'hui ont instrumentalisé les politiques et vice-versa. Pour moi, il est alors question de trouver le juste milieu : c'est mon objectif pour le traitement de ce sujet. Il n'est pas ici question de donner raison aux chrétiens ou aux musulmans, mais de trouver le juste milieu pour une coexistence pacifique.

Et quand vous évoquez dans le film le mariage, un mariage à célébrer entre la communauté chrétienne et la communauté musulmane, qu'entendez-vous ?
Il s'agit d'une image pour illustrer le nécessaire rapprochement entre chrétiens et musulmans. Sur ce champ, le dialogue interreligieux pourrait être salvateur, quoique le résultat ne soit pas dénué de complexité. Tout le monde peut faire le possible. Mais quand vous tentez l'impossible et que vous réussissez, vous rentrez dans l'histoire.

Votre regard sur les relations entre chrétiens et musulmans au Togo, en Afrique et dans le monde ?
C'est une question de conviction. Mais pour comprendre l'autre, il faut être l'autre. Il y a donc des œufs à casser pour réussir l'omelette. Bien que ne faisant pas encore l'expérience de conflits avérés, du moins de relations tendues, entre chrétiens et musulmans, le Togo n'est pas à l'abri d'attentats islamistes, terroristes. Aussi faut-il aider le Nigéria, le Cameroun, la France… à combattre le terrorisme, le djihadisme, les attentats.

Le film parle également de l'homosexualité. Quelle est votre opinion sur ce sujet ?
L'homme est né libre dit-on. Il y a aussi une philosophie qui dit : Dieu, c'est la conscience. La Bible et le Coran déclarent que tout ce que l'on fait sans conviction est un péché. Alors, si pour vous l'homosexualité est une conviction, vous avez affaire à l'Absolu, en philosophie, ou à Dieu pour ceux qui professent une foi religieuse. On peut tromper les autres, mais on ne peut jamais se tromper. Si votre cœur ne vous condamne pas, c'est que vous être libre.

Avez-vous rencontré des difficultés pendant les préparatifs et le tournage de ce film ?
Une des difficultés majeures se situe au niveau du casting. Au cours de la distribution des rôles, certains comédiens, voire techniciens, ont exprimé leur refus d'un rôle ou d'un autre par rapport à leurs convictions. C'est le cas des rôles de l'imam, du prêtre catholique ou encore de vendeur de journaux. Et certains ont même renoncé à leur rôle à la veille du tournage. D'un autre côté, on peut signaler quelques difficultés techniques liées au tournage, notamment les difficultés liées au traitement des techniciens.

Mais fort curieusement, certains ont accepté des rôles au-delà de leur conviction religieuse, à l'instar de l'imam…
Oui, certains ont manifesté leur détermination au-delà des rôles. Et c'est là que commence le métier du comédien. C'est, entre autres, le cas de Serge Auge dans le rôle de l'imam.

Que pensez-vous du cinéma togolais ?
Des efforts se font et sont constatés sur le champ du cinéma togolais. Les professionnels des arts, dont le cinéma, veulent évoluer mais ils restent toujours confrontés à certains problèmes : la formation, la professionnalisation, le financement. Et le nœud du problème, c'est de pouvoir convaincre l'investisseur.

Un message à l'endroit des cinéphiles, des acteurs de l'industrie du film ?
Il faut toujours cibler la lune ; et si Dieu te donne les étoiles, il faut lui dire merci. Alors, j'apprécie et salue les initiatives en matière de cinéma au Togo ; et je me dis que c'est une question de temps. C'est la patience.

Propos recueillis par Charles Ayetan
(Togo)

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