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La critique en Afrique, quel rôle?
critique
rédigé par Mehrez Karoui
publié le 07/04/2015
Mahrez Karoui (Africiné)
Mahrez Karoui (Africiné)

"Faire la critique de la critique c'est toujours un peu tirer sur son propre régiment" disait Jérôme Dittmar et nous ajouterons que parler de critique cinématographique dans le contexte africain d'aujourd'hui pourrait paraître un peu surréaliste. Comment faire de la critique sur un cinéma "invisible" ? Faire de la critique cinématographique pour quel public ? Et nous voilà de nouveau face l'éternelle question : A quoi sert la critique de cinéma en Afrique ? Une critique de cinéma dans les pays africains d'aujourd'hui, est - elle possible? Est - elle nécessaire ?

Le cinéma "invisible"
Timbuktu, le dernier film du Mauritanien Abderrahmane Sissako a été vu, jusqu'à aujourd'hui, par plus de 850 000 spectateurs en France [1 150 470, début avril, ndlr]. Or ce film, jugé plus au moins moyen par la plupart des critiques africains, n'a pas atteint en Afrique les 8 000 spectateurs [Depuis la rédaction de cet article, le film a été projeté plusieurs fois sur le continent en particulier à Dakar, fin mars, ndlr]. Ce n'est qu'un cas de figure qui illustre formidablement une situation absurde qui dure depuis des années. Les films africains sont de moins en moins accessibles, ou pas accessibles du tout, pour le public africain. Dès lors écrire sur Timbuktu relève plus de la gymnastique intellectuelle que de la critique proprement dite. De toute façon, même les quelques lecteurs qui s'intéressent de près au cinéma, trouveront du mal à apprécier la critique d'un film qu'ils n'ont pas encore vu.

Les "analphabètes" de l'image
C'est qu'il ne faut nullement envisager la critique du cinéma dans un pays africain telle qu'elle s'exerce en Europe ou encore en Amérique du Nord ou même telle qu'elle a été jusque là exercée dans certains pays africains.
La différence du contexte impose une approche différente voir un ou des rôles différents. Peut-on imaginer l'existence d'une critique du cinéma malgré l'absence parfois de toute production cinématographique ? Oui c'est possible. La critique de cinéma chez nous a souvent précéder la naissance même des cinématographies nationales. L'exemple tunisien est très instructif à bien des égards mais pas uniquement la Tunisie. Bien des années avant la production du premier film national, il s'est développé ça et là dans certains pays de l'Afrique grâce notamment au mouvement des ciné-clubs, une certaine presse cinématographique qui accompagnait et commentait les sorties des films étrangers dans les salles africaines.
Quel rôle aujourd'hui peut - on accorder à la critique africaine ? Un quelconque rôle pour la critique de cinéma en Afrique ne pourrait à mon sens se concevoir en dehors d'une perspective de militantisme culturelle. Un militantisme qui a comme cause l'avenir du cinéma en Afrique, la diffusion de la culture cinématographique mais également et simultanément la construction de la critique de cinéma elle même. Les critiques africains sont appelés aujourd'hui à mener une dure et longue bataille pour la reconnaissance du cinéma et du droit des peuples africains à l'éducation à l'image. Leur droit à produire et à confectionner leur propre image. C'est aussi l'enjeu dont dépend l'édification d'une Afrique qui vit actuellement une nouvelle forme d'analphabétisme : celle de l'image.

Mahrez Karoui

Publié dans le quotidien ivoirien Fraternité Matin (Abidjan), du Mardi 10 /03/ 2015.

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