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Retour sur la Berlinale 2015 : Point final
Deux oeuvres réussies (sélection Forum) par Michel K. Zongo (Burkina Faso) et Rabah Ameur-Zaimèche (Algérie).
critique
rédigé par Azzedine Mabrouki
publié le 30/04/2015
Azzedine Mabrouki (Oran), Rédacteur Africiné
Azzedine Mabrouki (Oran), Rédacteur Africiné
La réalisatrice africaine-américaine Ava DuVernay
La réalisatrice africaine-américaine Ava DuVernay
Michel K. Zongo, à la Berlinale 2015
Michel K. Zongo, à la Berlinale 2015
Scène de Histoire de Judas
Scène de Histoire de Judas
Scène de Histoire de Judas
Scène de Histoire de Judas
Rabah Ameur-Zaïmeche, réalisateur franco-algérien
Rabah Ameur-Zaïmeche, réalisateur franco-algérien
Magazine en ligne Africiné, Le Leader Mondial (Cinémas africains & Diaspora)
Magazine en ligne Africiné, Le Leader Mondial (Cinémas africains & Diaspora)

Il y a eu des erreurs, des injustices quand le jury du 65° festival de Berlin a misé sur Taxi de Jafar Panahi pour l'Ours d'Or. C'est un fort mauvais film. Panahi a tenté de faire comme Ten, le chef d'oeuvre d'Abbas Kiarostami, une voiture dans les rues de Téhéran, lui au volant comme chauffeur de taxi, et des clients qui racontent leur vie... La très mauvaise fortune de Panahi c'est qu'il n'est pas Kiarostami. Son film est d'une mièvrerie insupportable. A Berlin cette année, comme l'an passé à Cannes, on essaye chaque fois de sortir Panahi de l'ombre pour la seule raison qu'il se déclare opposant au gouvernement iranien haï par l'Occident.



Pendant ce temps, le même jury de la Berlinale a méprisé un très grand chef d'oeuvre. Il s'agit de Queen Of The Desert, de Werner Herzog, avec Nicole Kidman dans le rôle de Gertrude Bell, romancière, aventurière et espionne pour le compte de la Grande Bretagne au Proche-Orient au moment du démantèlement dans les années 1920 de l'Empire Ottoman remplacé par des États Arabes. Les exemples sont nombreux dans les festivals où on préfère couronner des productions futiles, sans rigueur, pour des motifs politiques.
Panahi est désigné à Berlin d'emblée comme le champion anti-mollahs et donc Ours d'or ! Au grand dam et à la tristesse de tous ceux qui ont vibré à l'indéniable beauté du film de Werner Herzog et à la remarquable, géniale, unique Nicole Kidman plongée dans les enjeux diplomatiques et les tentatives impérialistes de son pays pour s'assurer une présence dans la vaste région d'Orient.

La stupéfiante beauté de Queen Of The Desert, le regard extraordinairement admiratif de Werner Herzog de la vie nomade dans les déserts de Syrie, d'Egypte, d'Irak, de Jordanie (Herzog a tourné son film au Maroc, Ouarzazate et Marrakech, ainsi qu'en Jordanie et à Istanbul) où l'on voit Kidman-Gertrude se couler dedans avec plaisir et liberté. Tout ça est passé inaperçu aux regards aveuglés du jury de Berlin.

Fort heureusement, le très riche travail de la cinéaste afro-américaine Ava DuVernay, auteure de Selma, avec David Oyelowo dans le rôle de Martin Luther King, était montré hors-compétition. Cette grande oeuvre au climat explosif aurait été sûrement et largement mal comprise et vue de travers par le même jury berlinois qui n'a décidément pas su jouir des films les plus passionnants (l'ensemble du palmarès cette année n'est pas d'une rigueur scrupuleuse).



Subtils et uniques, bien que très différents, au Forum : deux oeuvres parfaitement réussies, le reste du Forum était d'une grande faiblesse. Il s'agit d'abord du travail remarquable de Michel K. Zongo (Burkina Faso) auteur du film documentaire long métrage : La sirène de Faso Fani. La fermeture en 2001 de la moderne fabrique textile Faso Fani à Koutougou, décision tragique, insensée imposée par la Banque mondiale et le FMI (il fallait fermer les usines étatiques!) avait plongé des centaines de travailleurs dans l'incertitude et l'angoisse. Ils perdaient leurs moyens d'existence, à Koutougou, tous les emplois indirects,les petits commerces ont souffert de la disparition de la grande usine célèbre pour ses très beaux tissus,exportés en Côte d'Ivoire et au Ghana.
Certains parmi les travailleurs de Faso Fani ont tenté de surmonter avec courage la tragédie, en revenant à des formes artisanales,chez eux, des tissages des pagnes traditionnels. Michel K. Zongo fait parler ces anciens de Faso Fani qui restent très dignes et nous touchent dans leur clairvoyance et leur courage.

HISTOIRE DE JUDAS - Bande-annonce officielle from POTEMKINE FILMS on Vimeo.



L'autre réussite exceptionnelle du programme du Forum : Histoire de Judas de Rabah Ameur Zaimèche, montré dans des salles pleines à trois reprises, très applaudi par un public berlinois étonné tout de même qu'un cinéaste algérien tourne en Algérie un film sur Judas et Jésus Christ de Nazareth dans les circonstances politiques actuelles ! Zaimèche a rappelé cependant, pendant les débats, que Jésus Christ (Sidna Aissa, en arabe) est aussi un prophète de l'Islam et qu'il a bénéficié au cours du tournage de l'appui enthousiaste de tout le monde, population et autorités algériennes.
Zaimèche, qui joue le rôle de Judas, raconte dans son film l'histoire des relations entre Jésus et Judas, relations faites d'amour, de respect, d'admiration, de protection envers les menaces de la puissance romaine occupante. Le gouverneur romain Ponce Pilate tente de réprimer la contestation grandissante et pour faire un exemple fait un procès à Jésus et le condamne à la crucification.
C'est l'antique histoire biblique que Zaimèche revisite avec une simplicité, une clarté et une limpidité magnifiques. Dans cette oeuvre de bout en bout envoûtante, un très grand moment de cinéma, Judas n'est pas un traître. Il est lui-même une victime, puisqu'il meurt assassiné.

Dans les décors naturels somptueux des oasis et des montagnes des Aurés, à Roufi, Mchounèche et El Kantara, Zaimèche réussit, avec un talent fantastique, à faire revivre une histoire millénaire dans une mise en scène continuellement surprenante par son originalité, avec des images translucides et des dialogues vifs, très intelligents.
Judas, héros négatif dans l'imaginaire collectif, devient ici le personnage principal de l'histoire. C'était aussi un Juste. [Le film a été aussi sélectionné aux 3èmes Rencontres Internationales des Cinémas Arabes, Marseille, ndlr].

Azzedine Mabrouki

Histoire de Judas (sortie Avril 2015)
réalisation : Rabah Ameur-Zaimèche
Photographie : Irina Lubchansky
Acteurs : Nabil Djedouani (Jésus)
Rabah Ameur-Zaiméche (Judas)
Mohammed Aroussi (le fou)
Production : Sarrazink Productions (R. Ameur-Zaimèche)
Arte (Olivier Père)
Soutien : Ministère de la Culture (Algérie)
Wilayas de Batna et Biskra (Algérie)
Enfants, habitants de Mchounèche (Aurés) comme extras

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