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Festival International du Film Francophone de Tübingen (4-11 novembre 2015)
Focus Afrique : Où va l'Afrique et son cinéma ?
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 15/11/2015
Hassouna Mansouri (Africiné)
Hassouna Mansouri (Africiné)
Boubacar Sangaré, coréalisateur de Une Révolution Africaine
Boubacar Sangaré, coréalisateur de Une Révolution Africaine
Gidéon Vink, coréalisateur de Une Révolution Africaine
Gidéon Vink, coréalisateur de Une Révolution Africaine
Mourad Ben Cheikh réalisateur de Plus jamais peur
Mourad Ben Cheikh réalisateur de Plus jamais peur
Leyla Bouzid, réalisatrice tunisienne
Leyla Bouzid, réalisatrice tunisienne
La lune est tombée, de Gahité Fofana (Focus Afrique 2015)
La lune est tombée, de Gahité Fofana (Focus Afrique 2015)
Gahité Fofana, réalisateur guinéen
Gahité Fofana, réalisateur guinéen
Michel Zongo, réalisateur burkinabè
Michel Zongo, réalisateur burkinabè
La Danseuse d'Ebène : Irène Tassembédo, de Seydou Boro, 2008
La Danseuse d'Ebène : Irène Tassembédo, de Seydou Boro, 2008
Seydou Boro, réalisateur burkinabé
Seydou Boro, réalisateur burkinabé

Au 32ème Festival International du Film Francophone de Tübingen-Stuttgart, en Allemagne, et dans le cadre de sa section "Focus africain", une table ronde s'est tenue le samedi 9 novembre autour des grands changements sociaux et politiques que connaît l'Afrique. Ont participé à cette rencontre des cinéastes, producteurs et journalistes de plusieurs pays notamment du Burkina Faso qui organise ses premières élections sans Blaise Compaoré (après 27 ans de règne, il a poussé hors du pouvoir par la pression des jeunes et de la rue ; il a quitte le pays et s'est s'exiler en Côte d'Ivoire). La discussion a porté notamment sur le rôle de la société civile face aux enjeux politiques du moment. Un parallèle a été fait avec le statut des cinéastes.

L'un des sujets débattus aura été le rôle joué par les élites africaines et surtout les artistes, les cinéastes, dans la stimulation et la conscientisation des forces actives de leurs compatriotes dans la perspective de l'évolution de leurs sociétés. Ce qui est sorti des discussions c'est naturellement que le rapport entre le travail des artistes et le changement qui est advenu, et surtout dans la manière dont cela s'est passé, ne peut en aucun cas être direct. Le cinéaste, étant à l'écoute de son entourage, peut bien mettre le doigt sur l'endroit où cela fait mal. Il peut aussi mettre en lumière un dysfonctionnement de sa société formulant ainsi le besoin de changement, mais il n'est pas de son ressort d'être le leader d'un soulèvement. C'est le cas en l'occurrence de Gahité Fofana dans La Lune est tombée (Guinée) ou de Michel Zongo dans La Sirène de Faso Fani (Burkina Faso). Les deux cinéastes mettent en évidence la mauvaise gestion des richesses de leurs pays et le gâchis qui s'en suit.

Au moment de l'agitation sociale, le cinéaste n'est-il pas avant tout un citoyen conscient de son devoir et de son droit pas plus. Plus encore, souvent il est dépassé par la réalité. Autant il était en avance dans la dénonciation avant le soulèvement populaire, autant il se retrouve en retard par rapport à l'action qui se joue dans la rue. Dans cette perspective s'est posé alors la question épineuse à laquelle s'est confronté tout réalisateur mais à des degrés certes différents. Chacun a trouvé la manière de témoigner de l'effervescence qui précéda l‘explosion. Mais comment accompagner l'explosion sociale et négocier le virage dans lequel il est pris de vitesse? C'est toute la difficulté. Quelle distance tenir par rapport à une réalité qui avance à une vitesse intenable.



Les réponses sont différentes et variées. Il y en a qui ont choisi de répondre à l'urgence du témoignage. Une Révolution africaine : les dix jours qui ont fait chuter Blaise Compaoré de Boubacar Sangaré et Gideon Vink (Burkina Faso), projeté dans le cadre de ce focus africain à Tübingen, est un exemple de cette volonté de se mettre au service de l'action en en rapportant et en documentant le cours.
Ce fut le cas aussi en 2011, dans le monde arabe et berbère lorsque Mourad Ben Cheikh (Tunisie) présentait à Cannes son No more fear / Plus jamais peur (La Khaoufa baada al'yaoum) quelques mois, voire semaines, après la chute de Ben Ali. En revanche, sa compatriote Leyla Bouzid semble prendre plus de recul dans A Peine j'ouvre les yeux qui a reçu le grand prix de ce Festival de Tübingen 2015. Elle réalise son film quelques années après l'explosion sociale en Tunisie. Paradoxalement, elle campe le contexte de son histoire dans les quelques mois qui l'ont précédé. Dans les deux perspectives, il y a conscience de la difficulté de trouver la bonne distance par rapport à une réalité insaisissable.



C'est là l'une des conclusions qui se sont dégagées de cette discussion. Le cinéma africain dans sa grande majorité a certes joué un rôle de conscientisation ce qui l'a marqué pendant des décennies. Les soulèvements qui adviennent dans plusieurs pays les dernières années changent profondément la donne. Le grand défi désormais est de pouvoir prendre un nouvel élan. Les anciens doivent trouver un deuxième souffle qui les amènera à se renouveler. Les nouvelles générations doivent réinventer un cinéma capable d'accompagner le renouvellement des sociétés et voire même contribuer à lui donner une propulsion supplémentaire. Cela est d'autant plus prégnant que la conjoncture offre une marge de liberté inédite.

par Hassouna Mansouri

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