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Sans regret, de Jacques Trabi
Un polar à la sauce ivoirienne
critique
rédigé par Yacouba Sangaré
publié le 17/04/2016
Yacouba Sangaré (Africiné magazine)
Yacouba Sangaré (Africiné magazine)
Jacques Trabi, réalisateur
Jacques Trabi, réalisateur
Michel Bohiri, dans Sans regret
Michel Bohiri, dans Sans regret
Sans regret
Sans regret
Jacques Trabi (en rouge) sur le tournage de Sans regret, avec une partie de son équipe
Jacques Trabi (en rouge) sur le tournage de Sans regret, avec une partie de son équipe
Jacques Trabi (en rouge) sur le tournage de Sans regret
Jacques Trabi (en rouge) sur le tournage de Sans regret
Naky Sy Savané, actrice de Sans regret
Naky Sy Savané, actrice de Sans regret
Scène du 1er long métrage de J. Trabi, L'amour en bonus
Scène du 1er long métrage de J. Trabi, L'amour en bonus
L'Ambassadeur de Côte d'Ivoire en Egypte, Jacques Trabi (au milieu) et Mr Fadika directeur de l'ONACCI
L'Ambassadeur de Côte d'Ivoire en Egypte, Jacques Trabi (au milieu) et Mr Fadika directeur de l'ONACCI

Sous la forme d'un polar teinté de mélodrame, Sans regret met en scène la vie tumultueuse d'un docker qui se reconvertit dans le grand banditisme avec le secret espoir d'offrir une vie meilleure à sa famille.

La fin justifie-t-elle les moyens ? C'est à une réflexion autour de cette question, pourtant pas inédite, que mène implicitement Sans regret, le nouveau long métrage de Jacques Trabi. Même si le réalisateur ivoirien ne le clame pas haut et fort, son film en donne l'impression tout au long de sa trame.
Pour son deuxième long métrage, après la pétillante comédie L'amour en bonus, Jacques Trabi a choisi d'opter pour un polar, à l'image de Heat de Michael Mann (1995) ou encore The Anderson Tapes de Sydney Lumet (1971), ces films de gangsters qui pullulent à Hollywood.
Mais, là, l'action ne se passe pas à Hollywood, ou encore dans une autre ville des Etats-Unis, mais bien à Abidjan, la grande métropole ivoirienne. Docker au Port d'Abidjan, Gaston peine à joindre les deux bouts. Entre les charges familiales, et les sollicitations de sa maîtresse, une jeune tenancière de maquis - ces gargotes à ciel ouvert qui foisonnent à Abidjan et sont le symbole de l'identité de l'ambiance à l'ivoirienne - il ne sait où donner de la tête. Ses maigres revenus ne suffisent pas à assurer la pitance quotidienne…

À travers ce personnage, le réalisateur fait une peinture assez réaliste d'une société ivoirienne écrasée par le poids de la misère, la paupérisation grandissante et exténuée par le coût sans cesse élevé de la vie. Les beaux plans en plongée d'une ville en pleine expansion avec ses immeubles du Plateau, quartier des affaires, ses ponts modernes, ses routes re-profilées contrastent avec la souffrance du petit peuple, incarné par Gaston.
Pour ce père de famille tranquille, chaque levée du jour est donc un combat pour la survie. Et entre son dur quotidien, et ses rêves d'une vie meilleure, parfois le raccourci pour atteindre ses objectifs n'est pas loin. Et Gaston cède, peut-être malgré lui, à la tentation du gain facile (!?). Encore faut-il que cela soit vraiment le cas. Il intègre, suite à un concours de circonstances, un gang de braqueurs dirigé par Cercueil (interprété par Bruno Henry), qui écument la ville dès la tombée de la nuit et dépouillent les honnêtes citoyens de leurs biens. Parfois en les brutalisant. Très vite, la vie de Gaston change : nouvelle maison, nouveaux vêtements… Bref, pour lui, tout va bien dans le meilleur des mondes.

Sans regret emprunte les codes standards du polar : courses poursuites, flics ripoux, échanges de coups de feu… Et n'invente visiblement rien. Mais, là où il surprend, c'est le dénouement de l'intrigue, qui alterne moments d'émotion et suspense haletant, et déroute parfois le spectateur.
A première vue, le film pourrait paraître "amoral", accusé de faire triompher le vice au détriment de la vertu, tout comme il peut être taxé de faire l'apologie de la violence et du grand banditisme, qu'il présente comme une voie de réussite sociale, avec une scène d'une grande intensité dramatique : le face-à-face émouvant entre un père gangster et un fils policier, qui découvre avec une effroyable surprise que son géniteur est l'un des redoutables bandits que la police traque…

A l'analyse, la démarche du réalisateur est plus profonde que cela. En ne tuant pas Gaston ou encore en le faisant pas arrêter, il appelle à une réflexion sur une question pertinente : face à la misère, a-t-on vraiment le choix ? Habile ou peu courageux, Jacques Trabi n'apporte pas de réponse concrète à cette interrogation, préférant laisser le spectateur se faire sa propre idée sur le sujet. Quoiqu'en qu'il soit, la fin ouverte de Sans regret, où l'on voit dans le dernier plan, la petite silhouette de Gaston (Bohiri Michel) s'évanouir à la lisière d'une autoroute, laisse penser que cette histoire est loin d'être finie…

Porté par une assez bonne direction d'acteurs, Sans regret est un pur moment de divertissement, entre rires aux éclats et larmes. Prix spécial du Jury (long métrage de fiction) à la 5ème édition du festival du film africain de Louxor en mars 2016, après un succès d'estime au festival international du film de Marrakech en décembre 2015, le film est peut-être promis à une belle carrière.

Yacouba Sangaré*

(*) Journaliste et critique de cinéma, Yacouba Sangaré est rédacteur en chef adjoint et chef service culture du quotidien ivoirien Le Patriote. En décembre 2015, il est élu 2ème Vice - président de la Fédération africaine de la critique cinématographique (FACC).

Article dans le cadre de la participation au Jury de la Critique Africaine, au Festival du Cinéma africain de Louxor 2016 (LAFF 2016).

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