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Avant-première : La colère dans le vent, de la réalisatrice Amina Weira
Le cinéma moderne au Niger incarné par les femmes ?
critique
rédigé par Youssoufa Halidou Harouna
publié le 02/09/2016
Youssoufa Halidou Harouna (Africiné Magazine)
Youssoufa Halidou Harouna (Africiné Magazine)
Amina Weira, réalisatrice nigérienne
Amina Weira, réalisatrice nigérienne
La colère dans le vent
La colère dans le vent
La colère dans le vent
La colère dans le vent
Scène du film C'est possible, d'Amina Weira, 2013
Scène du film C'est possible, d'Amina Weira, 2013
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film


Ce samedi 06 aout 2016, une coproduction d'Alternative Espaces Citoyens dans ses locaux à l'espace Frantz Fanon à Niamey, de l'avant première du film La colère dans le vent qui affirme la place ô combien importante de la femme nigérienne dans le cinéma actuel. Ce documentaire donne la parole aux habitants de la zone minière (uranium) d'Arlit exploitée par Areva. À travers son père, ancien minier à la retraite, la jeune réalisatrice Amina Weira va à la rencontre de cette frange de la population (jeunes, femmes, anciens miniers) qui se voit humilier dans leur dignité, leur territoire naturel confisqué et contaminé à vie. Ce sont les conséquences de cette exploitation minière, devenue un mal nécessaire qui pille les ressources naturelles.
La jeune réalisatrice fait preuve ici d'un activisme. Elle conscientise de manière passive mais vivante ses frères et sœurs nigériens, ainsi que le monde, sur les enjeux et de santé publique de cette exploitation minière. Elle montre à travers les débats des hommes et des femmes qui vivent dans la ville, le déséquilibre patent du groupe Areva face à la faiblesse des autorités d'un pays, classé dernier sur la perception de l'Indice de Développement Humain (2015).




LA COLERE DANS LE VENT - Trailer from VraiVrai Films on Vimeo.



Amina Weira livre aux cinéphiles de belles images et un son maîtrisé, avec des chansons locales et la musique traditionnelle des femmes du terroir dans leurs beaux habits (la plupart les cheveux couverts d'un voile). Elle tourne en langue haoussa. Elle se filme ; on la voit saluer respectueusement, face aux personnes âgées.
Chose rare au Niger : voir une femme dénoncer l'impérialisme par le biais cinéma. Le propos du film est clairement éducatif. De manière méthodique, la réalisatrice recueille auprès de la population des informations sur la gestion catastrophique de la société Areva. C'est une sorte de micro trottoir, un procès social public en pleine rue avec des jeunes, des femmes et des anciens miniers à la retraite. Elle aide à comprendre pourquoi ses témoins soulignent les conséquences néfastes de la présence d'Areva à Arlit. Elle a préféré donner la parole au peuple et écarter celle des autorités.
Le patriotisme de la réalisatrice l'amène à poser la question des injustices dans la gestion de l'exploitation uranifère et d'affirmer sans ambigüité sa fierté d'être Nigérienne, de la défendre partout où besoin sera et sans fusil d'assaut.
Le film La colère dans le vent est vraiment un film à regarder, une métaphore sur la difficulté de communication. En témoigne la séquence du film où Amina Weira interroge un homme à propos du silence des autorités sur la protection de la population de cette exploitation de l'uranium. Malgré l'effort de communication d'Amina Weira, cet homme - vivant seul dans une position stratégique de la ville - garde le silence dans un regard moqueur. Sa réaction en dit long sur son désarroi.
C'est un film engagé comme les films des pionniers africains à l'instar de Cabascabo (1968) d'Oumarou Ganda, Camp de Thiaroye (1988) de Sembène Ousmane, voire La Bataille d'Alger (1966) par l'Italien Gillo Pontecorvo adapté du livre de Yacef Saadi, également producteur.

Amina Weira est un produit de l'Institut de Formation aux Techniques de l'Information et de la Communication (IFTIC) où elle a décroché une licence en montage et un master 1 en réalisation documentaire de création, avant de poursuivre son master 2 en réalisation à l'Université Gaston Berger de Saint-louis au Sénégal en 2013. Elle a fait trois films d'école : La musique des films (2011), Des études aux miels (2012), C'est possible, en 2013.

On note depuis cinq ans l'émergence des réalisations des femmes dans le cinéma nigérien. Ainsi, le film Hawan Idi d'Amina Abdoulaye Mamani avait été primé à la 23ème édition du FESPACO (2013) dans la catégorie meilleur film d'école. En 2015, deux films de deux réalisatrices ont été nominés à la 24ème édition du FESPACO (2015). Il s'agissait des films : La croix d'Agadez de Paraiso Charifatou et L'Alliance de Rahmatou Keita. D'autres femmes sont aussi actives dans les réalisations filmiques au Niger dont Ramatou Doulla avec son tout dernier film De la vie à la mort (2015) et tout récemment le film L'Arbre sans fruit de Aicha Macky, primé aux AMAA au Nigeria.
Avec toutes ces réalisations féminines, on peut se poser la question à savoir : si le cinéma actuel au Niger n'est-il pas incarné par les femmes ?

Youssoufa HALIDOU HAROUNA, Critique de cinéma

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