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La Nuit et l'Enfant
Sortir de l'obscurité algérienne
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 04/09/2016
Michel Amarger (magazine Africiné)
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David Yon, réalisateur français
David Yon, réalisateur français
Scène du film
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Africiné Magazine, the World Leader (African & Diaspora Films)
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LM Fiction de David Yon, France, 2015
Sortie France : 7 septembre 2016


L'attachement des Français à l'Algérie demeure. Et prend des formes diverses. C'est en ce sens que David Yon plonge dans l'ambiance algérienne avec La Nuit et l'Enfant, 2015, une fiction nocturne, travaillée par la terre et la lumière locale. Il s'agit d'une approche de l'ordre du sensible, pénétrée en filigrane par l'Histoire autant que par l'exploration formelle de ses ondes de choc. David Yon qui réside dans le sud de la France, à Marseille, revient sur le motif après un essai documentaire, Les Oiseaux d'Arabie, 2009, basé sur une correspondance des années 40, en cultivant le gout de l'immersion dans les réalités avec des complices algériens. Animateur d'ateliers cinéma et créateur d'une revue, Dérives, alliant site internet, publication et dvd, le réalisateur allie le rapport à la matière filmique et l'esprit des lieux.






La Nuit et l'Enfant tourne autour d'un homme (Lamine Bacchar), d'un enfant (Aness Baitich), de leur parcours nocturne, de leur marche incertaine. Ils semblent inquiets, croisent un groupe en armes. Leur échappée paraît une fuite, un nouveau chemin en devenir. Les traces du passé ressurgissent par bribes, phrases esquissées, photo exhumée, balises à brûler comme les indices d'une identité à reconquérir. Soudain l'homme accède à la ville, l'embrasement, la rue, la lumière, bientôt happé par la blancheur laiteuse d'un ciel englobant. En quelques scènes intuitivement agencées, le film emporte ses personnages flottants vers une clarté inattendue après une période sombre.
Le voyage semble quasi symbolique, comme une évolution, une suspension. La Nuit et l'Enfant transpire l'Histoire algérienne qu'ont connue les protagonistes, unis autour de la caméra de David Yon et de son complice, le cinéaste algérien Zoheir Mefti qui a participé au projet en ravivant ses souvenirs de la "décennie noire" par l'écriture. "Lamine improvisait à partir de ces textes et de son histoire propre", explique le réalisateur à propos du rôle de son acteur principal. "Zoheir et Lamine sont nés à la fin des années 70, au début des années 80, ils ont pratiquement le même âge et ont vécu des choses proches. Leur jeunesse s'est déroulée pendant les années de terrorisme."

Aux côtés de ce héros marqué, la présence d'un garçon aux yeux grands ouverts, questionne les échappées sur l'avenir de l'Algérie. "L'enfant est arrivé dès qu'on a commencé à écrire la fiction. Aness était avec nous pendant les repérages", révèle David Yon. "On est parti en balade avec lui et Lamine, je les ai filmés et c'est en voyant leur relation que je me suis dit que c'est dans cette direction que le film devait aller." Ainsi le héros, protecteur progressif pour la génération qui représente l'avenir, semble traverser des espaces qui paraissent aussi déterminants.
La Nuit et l'Enfant est mis en scène à 300 kilomètres, au sud d'Alger. "Beaucoup d'habitants de Djelfa font partie de la tribu Ouled Naïl qui étaient nomades", précise David Yon. "Mais pendant la guerre civile, ils se sont regroupés dans la ville, dans des habitats en dur. Le désir avec mes amis était de reprendre la marche et de se réapproprier certains lieux qui avaient été désertés, comme un geste d'émancipation." Le film se situe donc à l'oasis de La Mare blanche, au moulin militaire mais aussi au rocher de sel et au terrain vague où les jeunes se réunissent régulièrement la nuit, pour échanger leurs histoires.






"J'avais envie de travailler dans l'obscurité, dans les clair obscurs pour qu'il y ait une image plus mystérieuse", avoue David Yon, opérationnel avec un preneur de son français et la complicité d'une fratrie algérienne, de leurs cousins, rencontrés sept ans auparavant lors du tournage de son premier sujet. "C'est une relation qui passe peu par le langage parlé", précise le réalisateur. "C'est-à-dire que je suis d'autant plus attentif aux gestes, aux mouvements, à la lumière, aux rapports contenus dans l'image." Ce regard se double alors d'un défi collectif, en mobilisant les connaissances algériennes du cinéaste : "La réussite du film dépendait de la possibilité de pouvoir associer une histoire intime à cette quête de lumière, de la figuration de l'homme."
A partir des impressions de Lamine Bacchir, son interprète, du concours du réalisateur algérien Zoheir Mefti, La Nuit et l'Enfant conjugue les sensations de son auteur en terre algérienne. Aidé de quelques fonds français, de techniciens amis tels le monteur Jeremy Gravayat, servi par les musiques ambiantes de Jean DL et Sandrine Verstraete, David Yon esquisse une relation entre forme et sensation, homme et enfant, terre et lumière, jouant sur l'image et la perception d'un monde algérien instable, en ajoutant : "Le film documente cela, je l'espère : l'histoire qui sourd du territoire et une jeunesse qui l'invoque, par le cinéma, pour mieux s'en libérer." Ainsi La Nuit et l'Enfant invite à se réveiller en accédant à la clarté, toujours clignotante, parfois envoutante, des images projetées sur grand écran.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France),
pour Africiné Magazine

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