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Des images et des cultures d'Afrique à Lausanne
Festival Cinémas d'Afrique de Lausanne (août 2016)
critique
rédigé par Djia Mambu
publié le 28/09/2016
Djia Mambu (Africiné Magazine)
Djia Mambu (Africiné Magazine)
Aïcha Macky, réalisatrice nigérienne
Aïcha Macky, réalisatrice nigérienne
Scène de L'Arbre sans fruit, 2016
Scène de L'Arbre sans fruit, 2016
Scène de L'Arbre sans fruit, 2016
Scène de L'Arbre sans fruit, 2016
Scène de L'Arbre sans fruit, 2016
Scène de L'Arbre sans fruit, 2016
Alassane, dans le film Farafin Ko, une cour entre deux mondes
Alassane, dans le film Farafin Ko, une cour entre deux mondes
Scène de L'Arbre sans fruit, 2016
Scène de L'Arbre sans fruit, 2016
Chloé-Aicha Boro, réalisatrice burkinabée
Chloé-Aicha Boro, réalisatrice burkinabée
Vincent Schmitt, réalisateur français
Vincent Schmitt, réalisateur français
Claude Letterier, réalisateur français
Claude Letterier, réalisateur français
Scène du film La Rue des soeurs noires, d'Aïcha Thiam
Scène du film La Rue des soeurs noires, d'Aïcha Thiam
Aïcha Thiam, réalisatrice sénégalaise et belge
Aïcha Thiam, réalisatrice sénégalaise et belge
Scène du film La Rue des soeurs noires
Scène du film La Rue des soeurs noires
Clin d'oeil films
Clin d'oeil films
Vanuit het Zuiden (Depuis le Sud), association des critiques africains expatriés
Vanuit het Zuiden (Depuis le Sud), association des critiques africains expatriés


Le cap des dix premières années désormais passé, le festival se singularise dans une programmation plus poussée avec cette année un focus sur le cinéma saharien, une sélection de films Nollywood et une rétrospective humour et satire en salle quasi pleine avec des spectateurs dont la fidélité ne cesse de surprendre. Cinquante films ont été projetés à la Cinémathèque suisse près du casino Montbenon pour cette 11e édition qui s'est déroulée du 18 au 21 août 2016. Escale lausannoise.


Parmi les invités, Aïcha Macky venait présenter le documentaire L'Arbre sans fruit (Niger, France) dans lequel la jeune réalisatrice révèle son désarroi à ne pas avoir d'enfants, bien qu'elle soit mariée depuis quelques années. L'Arbre sans fruit, c'est elle vierge de toute progéniture contrairement à sa maman qui, elle, a donné vie a six enfants, même celle-ci est décédée bien trop tôt en couches. Ce qui explique qu'alors juste âgée de six ans, Aicha soit devenue orpheline et pleine d'interrogations qu'elle lui adresse tout au long du film se résumant ainsi : Comment être une Femme mariée sans enfants au Niger ?

Tentatives de réponses sur l'infertilité auprès de marabouts, de médecins ou du cercle familial, en vain. Elle trouvera quelque réconfort chez d'autres femmes vivant (ou survivant) la même situation. Le phénomène est assez courant, comme en témoignent les appels désespérés de l'émission de radio populaire. Elles sont nombreuses en effet à subir insultes, humiliations et répudiation dans cette société patriarcale.




The Fruitless Tree - Trailer from Les films du balibari on Vimeo.




Seul souvenir restant de la mère défunte, une photo qui va amener Aicha au bastion familial pour aller filmer la tombe de sa maman. Problème - les femmes ne sont pas autorisées à mettre les pieds dans un cimetière - "On n'a jamais vu ça !, que vont penser les gens ?" s'écrie son père.

"Plus on reste, plus c'est difficile de rentrer"

Née à Anvers dans une Belgique qu'elle quittera à l'âge de 3 ans, Aïcha Thiam revient dans sa ville natale pour tourner Rue des Sœurs noires (Mali, Sénégal). Elle va à la rencontre de résidents immigrés dont les témoignages vont ruiner les croyances acquises durant son absence sur cette ville qu'elle avait continué à chérir. "C'est ici qu'on se rend compte que les tâches des femmes sont trop lourdes" lui lance un résident gambien alors qu'il découpe du gombo dans sa cuisine. Vivant depuis des années en Belgique, il est toujours détenteur d'une carte de séjour temporaire. Diplômé, il n'obtiendra pas d'emploi malgré ses qualifications car "Afrique égale tiers-monde, tout ce qui vient de là est dévalorisé", dit-il. Mais le plus dur pour lui reste d'être loin de sa famille.
Plus loin, une maman sénégalaise confiera à Aïcha qu'elle veut rentrer au pays mais il y a la honte de l'échec qui la retient. Cette honte de rentrer les mains vides : "Plus on reste, plus c'est difficile de rentrer", avoue-t-elle. Lorsqu'Aïcha interpelle l'épouse de Moussa, une anversoise blanche, qui rêve d'aller vivre au Sénégal, de puits jaillissant dans le jardin, de bananes et de baobabs, elle s'étonne de la vision qu'à cette femme sur son pays. Ainsi les Sénégalais ne sont pas les seuls à fantasmer sur l'Europe, les Européens désireux de s'envoler vers le continent ne tarderont pas eux aussi à voir que la réalité est tout autre.

Un changement est possible

Dans Farafin Ko, une cour entre deux mondes de Chloé Aïcha Boro, Claude Letterier et Vincent Schmitt (Burkina Faso), Alassane Sissako est le maître d'une cour à Bobo Dioulasso qui abrite ses coépouses, leurs enfants et petits-enfants. Djenaba est la première épouse ; Fatoumata, 23 ans, est la seconde épouse d'Alassane. Elle est moins âgée que l'aînée de celui-ci.
Dans la cour, le plus âgé parle, le plus jeune se tait. L'espace prend assez rapidement des allures de prison dont seul Alassane détiendrait les clés. En effet, il est conscient de cette nécessité de changer les choses mais ça ne se fera en aucun cas à partir de sa cour. Ce changement viendra d'ailleurs. Il est déjà visible dans cette scène où le fils d'Alassane tient son bébé dans les bras, face camera. Postée derrière lui, son épouse ose un "on ne sait jamais" . Aussitôt le père repasse le bébé à la femme qui fixe la caméra à l'abri du regard de son époux. C'est le signe d'une ouverture, tout est donc possible.






Aïcha Boro a elle-même grandi dans une cour polygame comme la famille Sissako. Deux ans d'immersion furent nécessaires pour tisser les liens et permettre aux résidents de la cour d'Alassane de se dévoiler enfin. Suite à ce documentaire, la jeune réalisatrice s'est souvent faite interpellée par ses aînés qui lui ont reproché de révéler une telle face de la société. Elle leur répondait simplement : "Parce que c'est la vérité" . Ce changement est possible, les cours se dissolvent de plus en plus, explique-t-elle : "maintenant, les gens quittent la cour grâce au téléphone, à la télévision…" .

Djia Mambu,
Lausanne, août 2016


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