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46è Festival International du Film de Rotterdam (25 janvier - 05 février 2017)
Retour à la vocation initiale
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 04/02/2017
Hassouna Mansouri (Africiné Magazine)
Hassouna Mansouri (Africiné Magazine)
Hala Elkoussy, réalisatrice égyptienne
Hala Elkoussy, réalisatrice égyptienne


Après des années pendant lesquelles le festival de Rotterdam avait touché le fond du creux de la vague, cette 46ème édition semble remonter la pente. Depuis deux ans, et depuis que Bero Beyer (à l'origine un producteur indépendant de Rashid Masharawi et de Hani Abou Asaad, nota bene) a permis de reconfigurer le festival, avec un nouveau concept. Le défi était dès le début double. D'une part, repositionner la manifestation parmi les grands festivals qui avaient commencé à lui faire de l'ombre, d'autre part reconfirmer la vocation initiale du festival qui est la découverte des nouveaux talents et leur propulsion sur la scène internationale.
Dans son discours inaugural, le directeur de l'édition 2017 a réaffirmé cette ouverture d'esprit qu'il nomma la "Planète IFFR". Ce n'est pas un hasard que la section principale du programme s'appelle "Bright Future" ("Futur brillant", dans la langue de Molière). Elle est dédiée aux cinéastes innovants qui s'engagent dans les sentiers non-battus de la création avec des regards frais et originaux. Les auteurs de première et deuxième œuvre peuvent concourir pour le prestigieux prix de la "Hivos Tiger Competition" doté de pas moins de 40 000€. Rappelons ici qu'il y a deux ans ce prix était de 30.000€ à partager entre trois lauréats. Ce changement vise à arracher les premières mondiales des films de qualité aux festivals les plus grands du monde. L'argent n'est-il pas le nerf de la guerre ?
A côté de cela, le festival ne perd pas de vue ceux qui en sont à leur premier pas. La section est élargie pour s'ouvrir aussi, et dans le même moule, aux premières œuvres. Le prix principal du festival est flanqué du prix de la première œuvre d'une manière particulièrement subtile. Une partie des premières œuvres peut aspirer au prix de quelques 10000€ comme elles peuvent aussi lorgner vers la consécration suprême.
Le prix de la première œuvre est en fait l'illustration de la pensée conséquente qui est la ligne médiane du programme. Il est conçu comme un premier financement pour une seconde œuvre. Ainsi, l'heureux élu part avec un peu de vent dans le dos, pour affronter l'aventure épineuse du financement de la production suivante.

L'ouverture du festival se veut aussi géographique. Il y a une volonté clairement affichée de rompre avec l'eurocentrisme qui avait sévi pendant plusieurs longues années sur le programme. Ce dernier gagne cette année énormément en couleurs d'où l'affiche de cette édition en globe en arc-en-ciel. Il semble répondre à une volonté de faire de la ville de Rotterdam, un petit village où les cultures des quatre coins du monde sont les bienvenues. Fleur de Cactus de Hala Elkoussy (Egypte), Wùlu de Daouda Coulibaly (Sénégal), Akhir wahed fina (The Last of us) de Ala Eddine Slim (Tunisie), Mimosas d'Olivier Laxe (Espagne, tourné au Maroc), The Wedding Ring de Rahmatou Keïta (Niger), Reluctantly Queer d'Akosua Adoma Owusu (Ghana / Usa), No Shooting Stars de Basim Magdy (Egypte / Suisse), Nyo vweta Nafta d'Ico Costa (Mozambique / Portugal) et Foyer d'Ismaïl Bahri (France / Tunisie), pour ne citer que les titres proches de chez nous, ont ainsi leur place parmi la crème cinématographique des nouvelles tendances du cinéma au monde. Il y a quelques années, cela était difficilement imaginable.
La vocation initiale de ce festival est aussi et surtout celle d'un festival indépendant et, qui plus est, avec des idées. Cela se voit dans le choix de certaines sections thématiques. "A Bande Apart" est une section - notons au passage le titre particulièrement cinéphilique - ouverte aux enfants terribles du cinéma mondial, des cinéastes rebelles, voire anarchistes qui développent un discours filmique en guise de réponse au système corrompu qui régit le monde.

Dans le même ordre d'idées, le festival apporte une réponse par l'art à l'aberration de la politique en ce qui concerne la cause palestinienne. Il n'y a pas longtemps, Israël relançait effrontément sa politique coloniale de construction illégale des colonies au lendemain de la prise des fonctions de Donald Trump. Cela s'inscrivait dans la logique des déclarations de ce dernier concernant le dossier palestinien. Le festival de Rotterdam voit les choses d'un autre œil et consacre un programme spécial baptisé "Picture Palestine". Il s'agit d'un voyage visuel à travers des films palestiniens qui relatent le tragique, l'absurde mais aussi l'espoir qui ont accompagné l'affaire palestinienne depuis 1917.

Cette 46ème édition du festival international du film de Rotterdam se veut donc une leçon en termes de programmation. Il ne s'agit pas d'un amas de films parce que c'est révolu et parce que les nouvelles technologies permettent à tout le monde d'accéder presque à tout ce qui se fait dans le monde. Il s'agit, et ce n'est pas donné à tout le monde, d'avoir une cohérence dans la sélection et l'organisation des sections de manière à donner à voir une construction, un discours et surtout des idées. Le programme d'un festival est un essai, en plein sens du terme.

De notre envoyé spécial à Rotterdam
Hassouna Mansouri

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