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Emmanuel Gras : "J'ai eu l'impression de travailler avec Kabwita et pas simplement de faire un film sur lui"
Entretien avec le réalisateur du film Makala, Grand Prix 2017 de la Semaine de la Critique
critique
rédigé par Falila Gbadamassi
publié le 26/05/2017
Le réalisateur français Emmanuel Gras, à la fin de la projection de son film le 24/05/17
Le réalisateur français Emmanuel Gras, à la fin de la projection de son film le 24/05/17
Falila Gbadamassi (Africiné Magazine)
Falila Gbadamassi (Africiné Magazine)
Scène du film
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Emmanuel Gras, réalisateur français
Emmanuel Gras, réalisateur français


Le cinéaste français Emmanuel Gras a filmé la laborieuse vie de charbonnier d'un jeune congolais, Kabwita Kasongo. Le résultat : Makala, un documentaire qui a remporté jeudi 25 mai 2017 le Grand prix de la Semaine de la critique. Entretien.


Comment vous est venue l'idée de faire ce film ?

Je connaissais relativement bien cette région (du Katanga, au sud de la République démocratique du Congo, NDLR) où j'ai travaillé en tant que chef opérateur sur deux documentaires, notamment sur la construction d'une route entre Kolwezi et Lubumbashi. Je voyais tous les jours des gens qui transportaient toutes sortes de marchandises à pied, et notamment des transporteurs de charbon qui poussent des vélos surchargés d'immenses sacs. Cette vision m'a beaucoup impressionné et j'ai eu envie de creuser cette image et de répondre à des questions simples. Quelle distance parcourait ces personnes ? Quelle était leur vie ? Leur travail ? J'ai donc écrit un projet et je suis retourné là-bas pour rencontrer des gens qui faisaient ce métier.






Vous avez eu du mal à convaincre le héros de ce documentaire, Kabwita Kasongo ?

Je voulais filmer quelqu'un qui fait ce travail du début à la fin, de l'abattage de l'arbre donc jusqu'à la vente du charbon. Un an avant, le tournage, j'ai rencontré plusieurs personnes pour trouver le héros de mon film. A partir du moment où j'ai rencontré Kabwita, j'ai su que c'était la personne qu'il me fallait. Ce qu'il dégageait me plaisait. Il y a des gens vers qui on est porté. Par ailleurs, il était grand et moi aussi. Je préférais avoir quelqu'un qui ait ma taille pour des raisons pratiques. Après j'ai découvert qu'il avait une famille, des enfants… Tout cela était très intéressant pour moi car l'histoire d'un homme seul n'est pas la même que celle d'un chef de famille.

Comment avez-vous communiqué ?

Nous étions accompagnés d'un journaliste, Gaston Mushid qui est directeur d'une radio-télé locale. Nous dialoguions à trois parce Kabwita parle un peu français, mais il est évidemment plus à l'aise dans sa langue maternelle, le swahili. D'ailleurs, j'ai découvert vraiment ce que les gens se disaient au moment où on a fait la traduction, au moment du dérushage. Sur place, je savais globalement de quoi il était question mais je n'avais pas les détails.






Vous dites que ce documentaire est pour votre héros une autre manière d'être lui-même, que ce n'est pas le réalisme qui vous intéresse mais l'expressivité. Que faut-il comprendre? Estimez-vous avoir fait une reconstitution ou un documentaire?

J'ai fait un documentaire. Cependant, dans le documentaire, on ne doit pas être toujours esclave de ce qui va se passer. Par exemple, je savais qu'il voulait construire une maison et je lui ai demandé s'il pouvait en discuter avec sa femme. Kabwita devient ainsi acteur et c'est cela que je trouve intéressant dans la mesure où il peut exprimer des idées qu'il a envie d'exprimer. Encore une fois, j'ai eu l'impression de travailler avec Kabwita et pas simplement de faire un film sur lui. Nous avons fait le film ensemble, nous avions des idées de choses à faire ensemble… J'aime dire que c'est un acteur, même si c'est un documentaire et pas une reconstitution.

On a eu mal en regardant le film pour Kabwita, parce qu'on se dit tant de labeur et de souffrance pour un si maigre bénéfice. Avez-vous eu mal en le filmant, notamment sur ces scènes d'effort quand il transporte ses sacs de charbon pour les vendre ?

Oui, j'ai eu mal. Néanmoins, sur le coup, je suis dans l'action avec lui. Kabwita est pris dans son effort, moi dans le fait de filmer cet effort. Cela n'a rien à voir avec un effort physique mais je suis pris mentalement. J'ai mal mais je suis avec lui.






L'une des dernières scènes du film se déroule dans une église. On peut comprendre qu'en ayant une vie aussi laborieuse, c'est un lieu où il peut trouver du réconfort. C'était le souhait de Kabwita ?

Nous en avions discuté avant. Je voulais montrer cette scène d'église parce que les veillées de prières que j'ai vues m'ont beaucoup touché. Pour moi, la foi, ce n'est pas ce qui fait tenir Kabwita parce qu'il est très conscient qu'il n'y a que sa volonté et son travail qui lui permettront d'y arriver. Par contre, il vit dans un univers religieux et la foi participe de son énergie, de sa vie.

propos recueillis par Falila Gbadamassi,
correspondance spéciale

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