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Celle qui vivra
De l'Algérie en trois temps
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 13/06/2017
Michel Amarger (magazine Africiné)
Michel Amarger (magazine Africiné)
Amor Hakkar, réalisateur algérien
Amor Hakkar, réalisateur algérien
Scène du film, avec Meryem Medjkane ("Aïcha")
Scène du film, avec Meryem Medjkane ("Aïcha")
Scène du film
Scène du film
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Africiné Magazine, the World Leader (Africa & Diaspora Films)
Africiné Magazine, the World Leader (Africa & Diaspora Films)

LM Fiction de Amor Hakkar, France / Algérie, 2017
Sortie France : 14 juin 2017


Le travail des cinéastes algériens reste toujours peu visible à l'extérieur, cette saison, hormis quelques coproductions françaises comme A mon âge je me cache encore pour fumer de Rayhana, 2016, ou En attendant les hirondelles de Karim Moussaoui, 2017. Entretemps, il serait dommage de manquer la sortie plus discrète de la nouvelle fiction de Amor Hakkar, Celle qui vivra, 2017. Le réalisateur qui vit en Franche-Comté depuis son enfance, y a créé sa structure de production, Sarah Films, en 2005, tout en supervisant aussi la distribution de ses films pour leur assurer une place dans les salles.
Remarqué avec La Maison jaune, 2008, tourné dans les Aurès, sa région natale, Amor Hakkar cultive un penchant pour la Franche-Comté où il situe Quelques jours de répit, 2011, mettant en scène deux réfugiés homosexuels iraniens, sans s'éloigner de l'Algérie où il signe La Preuve, 2013, en explorant l'identité masculine du Maghreb. Il manie ainsi avec délicatesse, une vision humaniste qui arrime la fraîcheur des forêts du Jura avec les reliefs secs des Aurès dans Celle qui vivra.






L'action débute en 1980, en Algérie, lorsque Aïcha, institutrice, est approchée par Maguit, une Française venue éclaircir les circonstances du décès de son fils, soldat pendant la guerre de libération. Leur rencontre est l'occasion de raviver les mémoires puisque Aïcha a été sauvée par l'intervention du jeune homme, pendant l'encerclement de son douar par l'armée française, avant d'assister à sa mort. Ces scènes font revivre les années 1960, dominées par le meurtre du père de Aïcha et l'attrait du capitaine français pour éprouver les habitants du douar encerclé, missionné pour y trouver des fellaghas.
Le récit de Aïcha suscite en retour, les confidences de Maguit pour expliquer l'enfance de son fils, vers 1940, dans le Jura français. Isolé par ses camarades, il est indexé comme un bâtard malgré le mariage plus tardif et arrangé de Maguit avec le fils d'un riche propriétaire. Le garçon est le fruit de sa liaison avec un Algérien, placé dans la ferme de ses parents pendant l'occupation allemande. Elle le visite au Fronstalag [camp nazi, situé hors d'Allemagne, ndrl] où il est retenu en compagnie d'autres tirailleurs et soldats français. En retraçant cette époque, les histoires des deux femmes révèlent des liens insoupçonnés entre elles, tissés par les relations serrées et conflictuelles entre la France et l'Algérie.

Le dialogue des deux héroïnes, réunies dans le lieu clos d'une chambre d'hôtel, valorise l'intimité de l'échange et la force des émotions. Les flashbacks des années 1960, soulignent la brutalité de l'occupation française, entraînée par quelques militaires vindicatifs comme le capitaine qui dirige le blocus du douar. Obéi et craint, il se révèle un chef troublé, cachant son drame conjugal et la jalousie ancienne qui l'anime. C'est ainsi que les scènes de l'occupation allemande de 1940, mettent en relief l'ostracisme, le racisme des forces françaises entre elles, comme les compromissions des paysans pour préserver leurs terres.
Celle qui vivra s'affirme alors comme une histoire qui touche surtout la France et sa relation à la guerre : celle subie sur son territoire en 1940, et celle avancée dans ses colonies en 1960. Amor Hakkar privilégie une approche humaine de la question, en cultivant la proximité avec ses acteurs, délicatement dirigés, dont les deux héroïnes, Meryem Medjkane (Aïcha) et Muriel Racine (Maguit), mais aussi Hichem Berdouk (Ammi Belkacem) ou Nicolas Dufour (le capitaine). Les mouvements de caméra glissent avec douceur sur les paysages algériens ou les forêts du Doubs, assurés par le chef opérateur David Moerman, et l'équipe de renfort de Jimmy Boutry. L'attention aux personnages, aux décors, à la nature, est soutenue par des musiques discrètes, enveloppantes.

Amor Hakkar développe sa fiction sensible sur un scénario écrit avec Florence Bouteloup. Il finalise son double tournage qui compose trois époques, en s'assurant la collaboration de deux monteurs : Jean Dubreuil et Naïri Sarkis. Le film est coproduit par la société Ha Films et l'Agence Algérienne pour le Rayonnement Culturel (AARC), avec la participation de Sarah Films, la structure du cinéaste. De Fort Chaudanne, proche de Besançon, pour figurer le camp allemand de prisonniers en France, au douar de Fringuel et la commune de El Hamma, dans la wilaya de Kenchela, Celle qui vivra est comme une composition en trois temps. Elle épouse la mesure de destins franco-algériens pour faire entendre le souffle profond d'une histoire délicate.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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