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En attendant les hirondelles
Vers l'envol des consciences en Algérie
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 08/11/2017
Michel Amarger est critique de cinéma à Africiné Magazine depuis sa création en 2004.
Michel Amarger est critique de cinéma à Africiné Magazine depuis sa création en 2004.
Karim Moussaoui, réalisateur algérien
Karim Moussaoui, réalisateur algérien

LM Fiction de Karim Moussaoui, France / Allemagne / Algérie / Qatar, 2017
Sortie France : 8 novembre 2017



La vie algérienne balance, entre l'attente et l'espoir, le désenchantement ou la création. A l'image du cinéma qui palpite dans le pays. Entre ces impulsions, Karim Moussaoui brosse dans ses films l'état d'une société en doute, en douleur feutrée, en vigueur sous-jacente. Après trois courts-métrages remarqués, et un moyen métrage plébiscité, Les Jours d'avant, 2013, le réalisateur sort de sa réserve pour son premier long-métrage, plus explicite, En attendant les hirondelles, 2017. Une manière d'affirmer son désir de mesurer les changements et d'y participer, déjà manifeste dans la création de l'association Chrysalide, qu'il a cofondée avec quelques collègues à Alger, en 2001, pour assurer la promotion du cinéma algérien.







En attendant les hirondelles s'articule autour de trois histoires qui se frôlent dans l'Algérie contemporaine. A Alger, Mourad, promoteur immobilier cossu, se heurte aux échappées de son fils. Et le couple mixte qu'il a refondé avec Rasha, d'origine française, se lézarde au fil du temps. Dans les Aurès, le jeune Djalil est chargé par le père de Aïcha, de les convoyer vers le lieu de son mariage. Un incident de voyage laisse les deux jeunes gens, de classe moyenne, réveiller leur liaison ébauchée dans le passé, et éprouver ce qui réprime leur désir réciproque. Plus loin, Dahman, un neurologue prêt à se marier, est sollicité par une femme, violée jadis alors qu'il venait soigner des terroristes, pour reconnaître l'existence de son fils bâtard et lui donner une légitimité.

"A travers les récits que j'ai choisi de mettre en image, je voulais traverser le pays dans toute sa diversité", avance Karim Moussaoui. Du couple bourgeois qui règle ses comptes, en passant par la jeune femme de condition modeste qui rêve de s'émanciper, jusqu'à l'homme aisé qui gravit les échelons sans pouvoir s'affranchir de son passé, le film brasse les milieux et les générations dans trois situations significatives. "En trio, ils dessinent un regard global effaçant ainsi une éventuelle idée d'exception", commente le réalisateur. Les couples qu'il observe sont en crise, confrontés à des moments clés où les décisions sont impératives, comme le souligne Moussaoui : "Je mets en scène des choix de vie en faisant se côtoyer l'aspiration à une vie meilleure - à travers le désir, la volonté, la stratégie - et l'accomplissement ou non de cette aspiration".

Dès lors, ces destins semblent balayer avec légèreté mais profondeur, certains blocages de la société algérienne que ce soit dans les intérieurs feutrés d'Alger, les terres arides des Aurès, les routes interminables, les hôtels de luxe ou les bidonvilles précaires. Une circulation favorisée par le soin porté au cadre de la fiction. "Mes personnages évoluent dans des paysages toujours en mouvement", relève Karim Moussaoui. Des acteurs solides, de générations différentes, contribuent à la délicatesse de sa pénétration des consciences algériennes, parmi lesquels figurent Mohamed Djouhri (Mourad), Mehdi Ramdani (Djalil), Hania Amar (Aïcha), Nadia Kaci ou Aure Atika.

Grâce à une coproduction solide entre la France, l'Allemagne, l'Algérie et le Qatar, En attendant les hirondelles fonde un regard dynamique, poétique et ouvert sur l'Algérie actuelle. "Nous vivons, en quelques sorte, sans nous soucier de l'avenir, sans perspectives, dans un état d'amnésie heureuse", estime Karim Moussaoui. "Mais ce système atteint vite ses limites. Une certaine détresse qui persistait en nous, figée dans le temps, ressurgit." Et c'est ce sentiment qui prend son envol avec puissance dans En attendant les hirondelles.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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