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Les Bienheureux
Les traumatismes d'Alger
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 16/12/2017
Michel Amarger est critique de cinéma à Africiné Magazine depuis sa création en 2004.
Michel Amarger est critique de cinéma à Africiné Magazine depuis sa création en 2004.
La réalisatrice algérienne Sofia Djama
La réalisatrice algérienne Sofia Djama
Scène du film Mollement, un samedi matin, avec Laëtitia Eïdo et Medhi Ramdani
Scène du film Mollement, un samedi matin, avec Laëtitia Eïdo et Medhi Ramdani
Scène du film
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Scène du film, avec Sami Bouajila
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Scène du film
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Scène du film, avec Lyna Khoudri
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Scène du film
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Scène du film
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Scène du film, avec Nadia Kaci
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Scène du film
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Lyna Khoudri, actrice française (ORIZZONTI AWARD FOR BEST ACTRESS, Venise 2017)
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L'équipe du film, au festival de Venise 2017
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Affiche internationale
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Namur 2017
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Mostra de Venise 2017 (Venezia 74)
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Artémis Productions
Artémis Productions
Liaison cinématographique
Liaison cinématographique
Les Films de la Source
Les Films de la Source
Neffa Films
Neffa Films
Bac Films Sales
Bac Films Sales
Bac Films Distribution
Bac Films Distribution
Africiné Magazine, the World Leader (Africa & Diaspora Films)
Africiné Magazine, the World Leader (Africa & Diaspora Films)

LM Fiction de Sofia Djama, Algérie / France / Belgique, 2017
Sortie France : 13 décembre 2017


Les cinéastes qui évoluent en Algérie aiment regarder Alger, les aînés (Merzak Allouache, Les Terrasses, 2013) comme les plus jeunes (Karim Moussaoui, En attendant les hirondelles, 2017). Pour certains, la capitale est un point de départ (Lidia Terki, Paris la blanche, 2016), pour d'autres un point d'attache. C'est le cas de Sofia Djama avec son premier long-métrage, Les Bienheureux, 2017. La réalisatrice a déjà balisé le terrain avec son court-métrage, multi primé, Mollement, un samedi matin, 2012, montrant une ville sous tension et un jeune violeur impuissant à passer à l'acte. La capacité d'occuper sa place dans l'espace d'Alger interpelle Sofia Djama, née à Oran, élevée à Bejaia, avant d'entreprendre ses études dans la capitale, Alger. C'est là qu'elle plante aujourd'hui sa caméra pour évoquer les contrastes et les failles de la ville.






L'action se déroule en 2008, à l'époque où les blessures de la "décennie noire" qui a meurtri l'Algérie paraissent moins vives. Un couple aisé s'apprête à fêter ses 20 ans de mariage. Samir est un gynécologue qui pratique des avortements clandestins par militantisme et pour arrondir ses revenus. Amal enseigne à l'université d'Alger. Leur fils, Fahim, développe son scepticisme sur l'avenir en séchant les cours et en traînant dans les rues avec ses amis. Feriel, enjouée et espiègle, cache une blessure sous son foulard. Reda est un adepte de la musique Punk Halal, et cultive sa rébellion en se faisant tatouer une sourate du Coran.
Entre le couple qui voit le quotidien se déliter et les jeunes désenchantés, le courant ne passe pas. Chacun hante ses espaces. Appartements cossus pour Samir et Amal, rues délabrées et squats pour les jeunes. Le militantisme idéalisé de Samir se heurte à l'amertume qui gagne Amal et la pousse à vouloir faire partir leur fils en France pour assurer son avenir. Les regards porteurs de conflits se brisent sur le port ouvert d'Alger et ses immeubles aux volets clos.

La fermeture des horizons tourmente les personnages jusqu'à l'égarement. Et Sofia Djama regarde avec acuité et humanisme ses personnages se débattre dans les filets des contradictions algériennes. Les parents ont l'alcool facile et dansent pour s'étourdir d'avoir traversé la "décennie noire". Les jeunes fument des joints et esquivent toute idéologie pour brûler l'avenir qui ne se dessine pas. Seuls les versets du Coran se dessinent sur le corps nerveux de Reda. Et ces émotions contrastées, écorchées, poussent les protagonistes à s'aventurer dans les rues mal éclairées ou les appartements cossus, trop chargés de mémoire.
Sofia Djama filme avec attention aussi bien l'hôtel El Aurassi que les quartiers usés du centre ville. Les Bienheureux capte les mouvements impulsifs, les coups d'œil furtifs et les échanges verbeux aigus qui claquent entre les héros. Les comédiens laissent filmer leur fatigue comme Sami Bouajila (Samir) et Nadia Kaci (Amal). Les plus jeunes dont Lyna Khoudir (Feriel), Amine Lansari (Fahim) ou Brahim Derris (le tatoueur), laissent filmer leurs transports et leurs élans presque brisés d'avance. Alger n'épargne pas Les Bienheureux.

En immergeant ses acteurs dans la capitale, devenue "personnage à part entière", selon la réalisatrice, le film éclaire une société qui a du mal à se projeter dans le futur et à exorciser les démons des années 90. "Vivre aujourd'hui en Algérie signifie vivre constamment dans la contradiction, le conservatisme religieux, l'ignorance sacralisée, et maintenant institutionnalisée, et simultanément un fort désir de liberté", estime Sofia Djama. Elle s'appuie sur une coproduction française et belge pour ébranler les résistances des autorités en matière d'image. "Nos productions ne sont pas forcement contre eux", relève la cinéaste. "Au contraire, on veut aider notre pays à avancer." Une aspiration qui motive les questions et les vertiges vécus par Les Bienheureux.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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