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I am not a Witch
Conte féminin en Zambie
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 26/12/2017
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine depuis sa création en 2004.
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine depuis sa création en 2004.
Rungano Nyoni, réalisatrice zambienne
Rungano Nyoni, réalisatrice zambienne
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
L'équipe du film I am not a Witch, lors de la présentation du film, à Cannes 2017
L'équipe du film I am not a Witch, lors de la présentation du film, à Cannes 2017
Scène du film Mwansa The Great, 2011
Scène du film Mwansa The Great, 2011
Cannes 2017
Cannes 2017
TIFF 2017
TIFF 2017
Amiens 2017
Amiens 2017

LM Fiction de Rungano Nyoni, Royaume Uni / France / Allemagne / Zambie, 2017
Sortie France : 27 décembre 2017


Les regards se tournent enfin vers la Zambie grâce au premier long-métrage de Rungano Nyoni, I am not a Witch, 2017. Cette fiction, retenue au Festival de Cannes dans la Quinzaine des Réalisateurs, met en lumière un pays encore discret en matière de cinéma. L'essor progressif des productions de films par la télévision, contribue à générer une petite industrie qui ne déborde pas encore sur une structuration du 7ème art. Mais Rungano Nyoni qui a quitté son pays à 9 ans pour être éduquée au Pays de Galles, revient y filmer depuis ses débuts avec des moyens importés de l'Europe. Après ses études à Londres, ses courts-métrages dont The List, 2009, et surtout Mwansa the Great, 2011, l'ont fait connaître à l'international tout en favorisant la production de I am not a Witch.






Le récit imaginé par Rungano Nyoni, s'articule autour des visions et des émotions de Shula, une fillette de 9 ans qui vit dans un village de Zambie. Comme on la soupçonne d'avoir des pouvoirs surnaturels, un procès sommaire scelle son sort en l'envoyant dans un camps de sorcières. Craintes et marginalisées, ces femmes sont regroupées dans des camps que les touristes peuvent visiter en les contemplant. Ainsi Shula se retrouve avec ses compagnes plus âgées, attachées par un ruban blanc à un poids qui les empêcherait de s'envoler. En coupant le ruban pour se libérer, les sorcières seraient alors transformées en chèvres. Shula a donc le choix entre une place restreinte dans la communauté humaine ou l'émancipation sous forme animale.

Rungano Nyoni aborde ainsi la question du libre arbitre en demandant : "Quel prix doit-on être prêt à payer pour être libre ?" Les péripéties que traverse Shula pour se faire accepter auprès de ses compagnes adultes, esquissent alors une fable féministe qui aborde avec légèreté mais fermeté des points critiques de la société zambienne. Certaines pratiques rituelles comme du poulet écorché, des prières pour la pluie, sont vues sous un angle qui en souligne le côté saugrenu. Et une policière qui recense les témoignages de sorcelleries les plus fantasques, le fait sur un mode nonchalant, un brin distancié. Mais la route de Shula croise aussi celle d'un représentant du gouvernement qui gère les manifestations occultes avec un sens aigu de la politique et du commerce, alors que son épouse a renoncé à des pouvoirs pour faire allégeance à celui de l'argent dont elle bénéficie.

"Mon film est une exagération de ce qui se passe réellement", précise Rungano Nyoni qui met en scène des camps de sorcières où les touristes se font prédateurs d'images, et où on propose aux vieilles femmes des perruques à la manière de Béyoncé pour être plus attractives. Ainsi la réalité des camps dont le plus ancien existe au Ghana depuis 200 ans, inspire à la réalisatrice une réflexion critique sur la condition des femmes, amplifiée par l'usage du cinéma. "C'est ça qui rend l'idée de camp de sorcières absurde : ce sont uniquement des femmes qui sont accusées", pointe Rungano Nyoni, "surtout des femmes âgées." Elle compose alors des tableaux sur les relations qui se nouent et se dénouent autour de Shula, en privilégiant des figures visuelles parfois insolites, des couleurs vives et lumineuses, un mix de jazz et de musique baroque, qui orientent le film vers le conte allégorique.

"C‘est une sorte de fable et pas un documentaire", renchérit la cinéaste en soulignant que "les absurdités sont basées sur des choses réelles". Au milieu des sorcières, redoutées et indexées par la société zambienne, se distingue la présence retenue de la petite Shula, jouée par Maggie Mulubwa, remarquée à Lusaka pendant les repérages du film. Les autres acteurs sont des non professionnels puisqu'il n'existe pas de formation en Zambie hormis une école de comédiens, fondée par des Européens pour des jeunes en difficultés. Et bravant le déficit de professionnels dans le pays, Rungano Nyoni sait mobiliser une coproduction britannique, française et allemande, pour y faire vivre le cinéma. En décollant du réel pour en relever la singularité, elle propose un conte universel, aux rayons ravivés par la lumière de Zambie.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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