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Une saison en France
Un homme qui pleure
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 27/01/2018
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine depuis sa création en 2004.
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine depuis sa création en 2004.
Mahamat-Saleh Haroun, réalisateur tchadien
Mahamat-Saleh Haroun, réalisateur tchadien
Scène du film
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L'actrice Sandrine Bonnaire et le réalisateur M.-S. Haroun, sur le tournage
L'actrice Sandrine Bonnaire et le réalisateur M.-S. Haroun, sur le tournage
Scène du film
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Léonie Simaga (Martine, la petite amie d'Etienne)
Léonie Simaga (Martine, la petite amie d'Etienne)

LM Fiction de Mahamat-Saleh Haroun, France / Tchad, 2017
Sortie France : 31 janvier 2018


On attend forcement beaucoup d'un réalisateur tchadien, devenu depuis les années 2000, l'un des auteurs les plus en vue du continent africain. Remarqué avec Bye-Bye Africa, 1999, (Prix du Meilleur Premier Film à la Mostra de Venise), Mahamat-Saleh Haroun a visé haut avec Abouna, 2002, (Quinzaine des Réalisateurs à Cannes), Daratt, saison sèche, 2006, (Prix Spécial du Jury à la Mostra de Venise), Un homme qui crie, 2010, (Prix du Jury au Festival de Cannes). Ces fictions tournées au Tchad, marquent par leur dramaturgie, leur épure, parallèlement aux documentaires de Haroun tel Hissen Habré, une tragédie tchadienne, 2016.
Depuis Grisgris, 2013, le réalisateur semble s'orienter vers des productions européennes confortables, plus convenues. La dernière, Une saison en France, 2017, réalisée juste avant qu'il ne devienne Ministre de la Culture du Tchad, est ancrée dans la société française. "Je vis en France depuis longtemps", se justifie le réalisateur. "Au lieu de continuer à rapporter des nouvelles d'Afrique, il fallait que je questionne la mémoire de l'exil qui se fabrique ici et que je montre des visages qu'on ne voit pas souvent dans le cinéma dominant."

Il suit les relations de Abbas et Carole à Paris. Lui est un Centrafricain qui a fui les violences avec ses deux enfants, laissant sa femme morte dans la course. Ayant demandé le statut de réfugié, il essuie un refus et forme un recours auprès de la Cour Nationale du Droit d'Asile. Et c'est pendant les trois mois d'hiver où il attend une réponse qu'il se rapproche de Carole, connue en travaillant au marché-gare. Fille de parents polonais, plus insérée, elle sait bercer les enfants de Abbas, fêter son anniversaire avec eux, en l'accompagnant dans ses démarches.
L'ami de jeunesse de Abbas, Etienne, fréquente aussi une femme sans pouvoir s'affirmer dans la société parisienne. Vigile dans une pharmacie, il loge dans une cabane précaire, et semble aussi fragile que Abbas. L'un voit son baraquement démoli, l'autre se retrouve sans pouvoir payer son loyer après avoir quitté son emploi brusquement. Et même si Carole recueille Abbas et les enfants, leur liaison est minée par l'incertitude.






"Je voulais capter ce processus d'effacement d'un individu de l'espace public, sa désintégration en cours", résume Haroun. Il fait de Abbas un Centrafricain, victime de la guerre civile toujours en cours. En soulignant qu'il est musulman et Etienne chrétien, le réalisateur évoque la force d'une amitié qui dépasse les clivages. Mais son regard reste concentré sur l'histoire d'amour entre celui qui devient clandestin et une Française intégrée. Le film s'appuie alors sur ses acteurs en bénéficiant de la présence de Sandrine Bonnaire. "Elle porte en elle une partie de l'histoire tchadienne, puisqu'elle a joué dans La Captive du désert de Raymond Depardon", rappelle le cinéaste cinéphile.
A ses côtés Eriq Ebouaney, à l'affiche de Un orage africain de Sylvestre Amoussou, 2017, se glisse dans un nouveau costume sans élargir son registre d'acteur. Le musicien Bibi Tanga, vedette à Bangui, joue Etienne, la chanteuse de jazz, Sandra Nkaké, camerounaise, incarne fugitivement l'épouse disparue qui hante les nuits de Abbas, tandis que Léonie Simaga, d'origine malienne, joue l'amie d'Etienne. La prestation des enfants de Abbas est assurée par deux jeunes, Aalayna Lys et Ibrahim Burama Darboe, aux tempéraments complémentaires.

Mahamat-Saleh Haroun filme sans surprise les relations familiales et sentimentales autour de Abbas. Hormis quelques plans de Paris, ce sont les paysages de banlieue et les zones de transit qui soulignent la précarité des exclus. Le cinéaste investit le nord, situe l'appartement de Carole dans une cité des années 70, à Bobigny, les chambres successives de Abbas loin du confort, la friche d'Etienne le long du Canal de l'Ourcq. "Il y a une volonté de ne pas se montrer, de se cacher dans un no man's land géographique correspondant à leur no man's land juridique", estime Haroun en désignant ses héros exilés. Il reconstruit la Cour Nationale du Droit d'Asile avec le décorateur, Eric Barboza, et ponctue le sort incertain de ses personnages par des sons de Wasis Diop.
Bénéficiant d'une production française de bon aloi, et le concours de la chaîne Arte qui le seconde souvent, Mahamat-Saleh Haroun aborde une société française où l'administration est impersonnelle, où la loi punit ceux qui aident les sans-papiers et où la "jungle" de Calais, démantelée, s'offre en point d'orgue à la fiction. Si son héros, "victime d'une sorte de fatigue de soi et du système", s'essouffle comme l'admet le cinéaste, il affirme : "Tant que nous continuerons à marcher, une étoile brillera pour nous". Mais à force d'éviter les ruptures de rythme, le suspens, la dramatisation, Haroun livre la chronique d'une histoire amoureuse sans éclat, qui aplanit son environnement.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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