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Vent du Nord
Elargir le champ d'action tunisien
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 15/05/2018
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine depuis sa création en 2004
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine depuis sa création en 2004
Walid Mattar, réalisateur tunisien.
Walid Mattar, réalisateur tunisien.
Scène du film
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Scène du film
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Cérémonie de prix aux JCC 2017, Tunis
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Tournage du film
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Scène du film
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Scène du film
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Scène du film
Scène du film
Africiné Magazine, the World Leader (Africa & Diaspora Films)
Africiné Magazine, the World Leader (Africa & Diaspora Films)

LM Fiction de Walid Mattar, Belgique / France / Tunisie, 2017
Sortie France : 28 mars 2018


Les effets de la mondialisation touchent le cinéma tunisien jusqu'alors plutôt centré sur les problématiques nationales. Ce nouveau souffle est porté par la génération de trentenaires dont fait partie Walid Mattar. Le cinéaste, membre de la Fédération Tunisienne des Cinéastes Amateurs dès son adolescence, s'est perfectionné dans son domaine en gagnant la France pour des raisons familiales. Il s'y forme à la production et à la réalisation tout en collaborant avec des compatriotes.
Il cadre Poussières d'étoiles en 2005, pour Hichem Ben Ammar, et cosigne Sbeh El Khir en 2006, avec Leyla Bouzid. Après six courts-métrages remarqués dont Baba Noël, 2011, il retrouve la réalisatrice de A peine j'ouvre les yeux, 2015, pour élaborer le scénario de son premier long-métrage, en compagnie de Claude Le Pape, connue en France pour avoir écrit les films de Thomas Cailley (Les Combattants, 2011) et Hubert Charuel (Petit paysan, 2017). Leurs regards croisés alimentent la circulation entre la France et la Tunisie, des événements de Vent du Nord que dirige Walid Mattar.






Sur la côte du nord de la France, Hervé découpe des pièces dans une usine de chaussures. Mais elle est délocalisée au Maroc où on emporte les machines. Hervé cherche alors à vivre par ses propres moyens en pêchant artisanalement avec son fils, Vincent. Il monte un commerce clandestin avec le concours de son épouse Véronique, en essayant d'esquiver les tracasseries administratives. Sur la côte du nord de la Tunisie, Foued intègre la nouvelle usine de chaussures, en travaillant sans le savoir sur la machine utilisée par Hervé. Il supporte les conditions de travail précaires pour séduire Karima, une employée qu'il courtise, et avoir les moyens de soigner sa mère.
Ces destins se déroulent en parallèle, comme en miroir, et ne se rejoignent qu'un bref moment lorsque Hervé, venu fêter son anniversaire avec Véronique, dans un club de vacances tunisien, croise d'un regard Foued sur la route de l'usine. Tandis qu'Hervé se démène pour s'affranchir des normes et de la bureaucratie qui répriment ses aspirations de pêcheur, Foued est confronté à la dureté de l'entreprise privée, renforcée par la démission de l'Etat en matière de droits sociaux. Les deux hommes, balayés par les souffles de la mondialisation, peinent à rester dignes, sur place ou en partant ailleurs.

"Rien ne permet à nos deux héros de faire face aux difficultés et de trouver leur place", renchérit Walid Mattar. "A travers l'histoire de la délocalisation d'une usine, nous découvrons le tissage de deux sociétés qui finissent presque par se confondre dans les mêmes espoirs brisés." Mais le réalisateur humanise ses observations en s'attachant à ses personnages pour les situer par rapport à leur milieu respectif : le quartier portuaire du nord de la France et la banlieue ouvrière de Tunis. Dans l'un, les hommes boivent des bières au bar du port, dans l'autre, ils se mettent à l'ombre de l'auvent d'un café pour boire du thé.
"Le film donne à voir les ressemblances entre deux populations de pays pourtant très différents politiquement", remarque Walid Mattar en passant d'un espace à l'autre, suivant les machines de l'usine embarquées par bateau jusqu'à Tunis, revenant en France où les chaussures sont expédiées, avec un aller-retour dans le club de vacances tunisien où le couple français savoure un moment la détente et l'exotisme, pour repartir avec leur fils, Vincent, qui s'engage dans la marine.

"Le film traite de l'échange et de la circulation des personnes, des choses et des valeurs", commente le cinéaste tunisien. "La structure du film est née de la volonté de raconter cette circulation qui régit le monde dans lequel nous vivons." La caméra mobile épouse l'atmosphère du bord de l'océan ou de la Méditerranée, en tissant des liens discrets, mais concrets, entre les péripéties de personnages. Les acteurs principaux dont le couple de Français, joué par Philippe Rebot et Corinne Masiero, sont des valeurs sûres, entourés de seconds rôles forts. Comme en Tunisie où Mohamed Amine Hamzaoui et Abir Bennani Zarouni, composent un couple d'amoureux moderne, miné par les exigences de réussite sociale.
Vent du Nord balaie ainsi le sort de ses protagonistes sans s‘appesantir sur la résolution des problèmes ni les causes de l'oppression sociale. Walid Mattar propose de partager des fragments de trajectoires, en regardant librement du Nord au Sud. La production est à son image, mobilisant des fonds de la Belgique et de la France avec le concours de la Tunisie. En tressant des liens entre des situations différentes, gagnées par l'absurdité d'un monde en mutation, déstabilisant, le réalisateur tunisien saisit aussi les ressorts d'émotions et de désirs qui permettent de rester debout.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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