AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 337 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
ultravoKal
Eclats d'un triangle instable
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 06/05/2019
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Christophe Karabache, réalisateur franco-libanais
Christophe Karabache, réalisateur franco-libanais
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Angelo Aybar, acteur (Institoris)
Angelo Aybar, acteur (Institoris)
L'acteur Stevens Fay (Erwan)
L'acteur Stevens Fay (Erwan)
L'actrice Claudia Fortunato (Celia)
L'actrice Claudia Fortunato (Celia)
Africiné Magazine, the World Leader (Africa & Diaspora Films)
Africiné Magazine, the World Leader (Africa & Diaspora Films)

LM Fiction de Christophe Karabache, Belgique / Liban, 2018
Sortie France : 8 mai 2019


Le dernier film de Christophe Karabache marque un tournant dans son mode de production. Jusque dans les années 2000, le réalisateur libanais livre des films courts, produits comme des brûlots formels, de manière indépendante. Puis il s'oriente vers le long-métrage sans cesser d'évoquer le Liban, à partir de 2010. Un producteur complice, installé en France, Elias Sfeir, lui permet de fourbir efficacement une œuvre avec régularité. Le rythme s'accélère en 2015, avec Sadoum puis Lamia. L'année d'après, Karabache revisite Paris avec Zeitgeist Protest avant de regagner la campagne pour Venus Obscura, 2017.
ultravoKal, 2018, se distingue de cet élan car il est soutenu par un producteur belge, Vincent Fournier, qui élargit le champ d'action du cinéaste sans l'écarter de ses obsessions. Le fracas du Liban qui a marqué la jeunesse de Christophe Karabache, et son histoire personnelle écorchée, alimentent encore un récit heurté, bardé de mystères, où des personnages en crise, en trauma, en ruptures, se cherchent, se désirent, se repoussent, se blessent. A mort.






C'est donc un trio infernal et violent que met en scène ultravoKal. Un homme qui paraît s'appeler Erwan, refuse de partir faire la guerre. Une fille retrouvée dans un café, l'héberge et le cache alors qu'un homme étrange semble lancé à ses trousses. Tueur fatigué, au corps massif et meurtri, il cerne sur une carte le refuge de Erwan. Au volant de sa voiture, le tueur se rapproche, contacte la fille en se faisant appeler Institoris. Il veut qu'elle lui livre Erwan pour remettre l'ordre dans le monde ambiant. La traque se conclut dans la forêt où le trio se recompose comme une fracture déchirante.
Chez Christophe Karabache, l'action reste allusive, le hors-champ constant et menaçant. La fatalité d'un drame où les pulsions se déchaînent, plane sur les protagonistes à fleur de peu. Cette fois, le récit se concentre sur trois figures, jouées par Angelo Aybar, Stevens Fay et Claudia Fortunato. La femme y est séductrice, prédatrice, objet de litige et d'affront entre les hommes qui mènent le monde. Les coups de poing, les coups de baise, les coups de feu résonnent comme des fulgurances ou des plans étirés, saisis à vif dans la province du Hainaut, en Belgique.

L'image, assurée par Aurélian Pechméja, valorise la beauté parfois vénéneuse de la nature comme la peau orgasmique, hérissée, meurtrie des personnages. Le rythme lent, avec ses accélérations et ses temps morts, épouse les convulsions du trio de ultravoKal. Mais cette fois, leurs relations traumatiques paraissent presque simples tant le background de la guerre du Liban qui imprégnait tous les films de Karabache, en leur donnant une profondeur et une virulence singulières, semble estompé, voire occulté. Ici, l'enjeu semble être d'échapper à un rôle plus que de connecter les personnages aux traumas des conflits politiques libanais.
ultravoKal paraît ainsi marquer une rupture dans l'approche de Christophe Karabache. Et si les dialogues sont rares, comme d'habitude, on peut retenir les paroles du tueur fatigué, à la femme qui ne voudrait plus cacher le fugitif. "Nous allons changer le monde. Ça va prendre du temps mais croyez moi, le monde sera différent. Il y aura à nouveau, un pays, comme avant, grand et fort, une nouvelle vie pour tous les hommes", martèle Insitoris. "Il y a toujours une part de sacrifice, c'est dans l'ordre du monde." C'est peut-être pour ça que l'espoir de changer pousse ce justicier ambigu à dégainer pour lutter. Sans naïveté comme il le recommande, mais avec une tristesse radicale, impérieuse. Sauvage.

par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

Films liés
Artistes liés
Structures liées