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Camille
Une photographe en Centrafrique
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 14/10/2019
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
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Boris Lojkine, réalisateur français
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Scène du film
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Boris Lojkine, réalisateur et scéariste
Boris Lojkine, réalisateur et scéariste

LM Fiction de Boris Lojkine, France / République centrafricaine, 2019
Sortie France : 16 octobre 2019


Les clichés de Camille Lepage prennent une nouvelle dimension dans une fiction française, tournée en République centrafricaine. Camille de Boris Lojkine retrace les séjours de la photographe en pleine guerre civile, avant sa mort dans une embuscade, le 12 mai 2014. Fauchée à 26 ans, la baroudeuse a eu le temps de participer au Printemps arabe du Caire, avant de gagner le Sud Soudan où elle travaille pour l'AFP [Agence Française de Presse, ndlr], puis de s'immerger en indépendante,huit mois dans les conflits centrafricains.
C'est cette période que retrace Camille, épousant le choc de la Française au cœur des réalités africaines. Comme elle, Boris Lojkine s'est investi en Centrafrique en travaillant sur des formations cinéma pour les Ateliers Varan après avoir réalisé sur le continent, Hope, 2014, qui l'a fait connaître. Normalien passé à l‘aventure en vivant au Vietnam où il a signé deux documentaires, le réalisateur français reste à l'affut du réel pour Camille.

Après un prologue signalant l'assassinat de Camille Lepage, on suit ses premiers contacts en Centrafrique, en octobre 2013. La Séléka, coalition de groupes rebelles musulmans, a pris le pouvoir à Bangui en s'imposant par les armes. Camille fait des photos en assistant à la montée des Anti-balakas, les miliciens d'auto-défense, bardés de gris-gris, qui défient la Séléka. La photographe approche des étudiants de Bangui. Parmi eux, Cyril, rappeur qui devient militant Anti-balaka, Leila, fille d'un musulman et d'une chrétienne, sacrifiée sur l'autel des violences, et Abdou, musulman contraint à l'exil.
Camille assiste à l'embrasement de Bangui puis intègre un groupe de journalistes français qui s'avancent en région. Ses photos intéressent le quotidien parisien Libération et inaugurent sa renommée. Une pause familiale à Angers pour se ressourcer, motive Camille à repartir en Centrafrique pour mieux témoigner des enjeux des conflits. Elle se rapproche des Anti-balakas, sur les traces de Cyril, devenu un chef offensif. En suivant leurs exactions revanchardes, Camille saisit des photos à vif jusqu'au bout.






"Camille n'est pas un biopic au sens ordinaire", relève Boris Lojkine. "Camille est un récit d'initiation. C'est l'histoire d'une jeune femme idéaliste qui rêve de devenir photojournaliste pour venir en aide à des populations oubliées." Un profil qui attire le cinéaste, sensible à l'Afrique. "C'est une fille qui a dû partir au bout du monde pour se trouver. Une fille qui s'intéresse à des populations lointaines, comme moi", confie-t-il. "Plongée au milieu de la crise centrafricaine, Camille s'efforce de continuer à faire son travail sans céder au cynisme."
De fait, Boris Lojkine braque sa caméra sur une héroïne grave, parfois rieuse, qui découvre le chaos et les débordements des forces défensives. "Retrouver l'humanité des Anti-balakas va devenir sa mission", observe le réalisateur. "C'est sa réponse à la violence de la vie centrafricaine. Sa manière de retrouver le sens." En scandant le récit par ses clichés, Boris Lojkine privilégie ses personnages tout en valorisant les décors luxuriants de la Centrafrique.

"Le film repose sur un tricotage complexe d'images de statuts différents : images de fiction, images d'archives filmées par les télés au moments des événements, photos de Camille Lepage", énumère le cinéaste. "Photos et images d'archives viennent nous rappeler que ce qu'on est en train de regarder n'est pas que du cinéma." Il n'hésite pas à inventer les figures des trois étudiants qui entourent Camille pour faire saillir la fiction. Nina Meurisse profite d'une certaine ressemblance avec Camille Lepage pour l'incarner mais les acteurs principaux sont des Centrafricains à l'exception des journalistes français.
Boris Lojkine est secondé par des assistants qui ont participé aux films issus des ateliers à Bangui. Les autorités l'ont laissé filmer en ville, à l'université, la morgue de l'hôpital, les carrefours où il reconstitue les manifestations. Des images mobiles dues à sa chef opératrice, Elin Kirschfink, vibrantes d'ondes africaines comme l'indique le réalisateur : "L'énergie, c'est ce que je ressens très fort chaque fois que je suis en Afrique. Energie de la foule, énergie de la jeunesse, énergie de la foi dans les églises, énergie de la colère lorsque les choses s'enveniment."

Camille valorise autant l'humanité des Centrafricains que le portrait de la photographe française. Ses photos, incluses dans le film, attestent de son oeil perçant. "Dans les photos, l'événement prend un sens et même une étrange beauté", estime Boris Lojkine qui livre une production française où les clichés de terrain font sens. "Elles lestent le film du poids de la réalité. Des gens sont morts pour de vrai. J'aimerais qu'elles forcent le spectateur à s'interroger sur ce qu'il regarde, sur le statut des images, sur la manière dont on regarde les images de la guerre. Parce que c'est le sujet du film."

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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