AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 364 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Le choix d'Ali
S'assumer et se frotter à la honte
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 09/12/2019
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Amor Hakkar, réalisateur franco-algérien
Amor Hakkar, réalisateur franco-algérien
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film

LM Fiction de Amor Hakkar, France / Belgique, 2019
Sortie France : 11 décembre 2019.
Distribution : Sarah Films


Il y a des sentiments lourds de sens. Comme la "hashma", la honte. Elle pèse sur la communauté arabe, la famille, lorsque l'un de ses membres n'est pas dans la norme. Une position instable qui pousse l'individu au rejet, à la soumission, ou à la fuite. C'est entre ces aspirations que balance Le choix d'Ali, 2019, la nouvelle fiction écrite par Amor Hakkar. On sait l'aptitude du cinéaste, né dans les Aurès en Algérie, installé à Besançon en France, pour pointer avec tact, les tabous qui circulent dans les sociétés arabes.
Depuis La Maison jaune, 2008, qui l'a fait connaître en racontant le deuil d'un père dans les Aurès, il a évoqué l'exil d'Iraniens réprimés pour leur différence, avec Quelques jours de répit, 2011, la stérilité masculine par La Preuve, 2013, le choc du passé colonial et des guerres pour Celle qui vivra, 2016. Aujourd'hui, Le choix d'Ali aborde, sans jamais la nommer, l'homosexualité d'un jeune d'origine algérienne, grandi en France.






Ali vit à Paris avec son ami Eric. Ils sont en couple depuis deux ans et aiment se désirer dans les boites de nuits gays. Un soir, Meryem, la sœur d'Ali, le prévient que samère qu'il n'a plus vue depuis cinq ans, est victime d'un AVC. Le jeune homme part avec Eric, à l'hôpital de Besançon où réside la famille. Son père lui crie son hostilité et se renferme. Le choc passé, la mère se remet et Ali décide de rester quelques jours. Vexé d'être tenu à l'écart de la famille, des lieux où Ali a passé son enfance, dans le quartier des 408, Eric repart à Paris.
Ali s'installe chez les siens en attendant la sortie de la mère. Le poids du passé alourdit l'atmosphère mais personne ne veut considérer l'homosexualité d'Ali, qui a indexé sa famille, l'a poussée à déménager. Meryem, la sœur bienveillante, évite la discussion. Le père hostile, se laisse peu à peu gagner par les efforts d'intégration d'Ali qui l'accompagne à l'hôpital puis à la mosquée de la cité. Amin, le petit frère, finit par accepter qu'Ali l'aide à faire ses devoirs et lui offre sa moto qui dormait au garage. Et le voisin intégriste qui l'aide à réparer son ancien scooter, est marié avec Houria qui rappelle à Ali leurs sentiments passés.

Le choix d'Ali reste son attirance pour les hommes qu'il réactive en rencontrant par hasard, l'infirmier qui soignait sa mère. Celui-ci, séducteur discret, l'incite à profiter des bars gays et de la vie. Mais Ali vacille, avide de l'amour de sa famille. Il est capable de renier son ami Eric qui le recherche, mais décide de rentrer à Paris. Puis il est tenté de revenir à Besançon au sein de sa communauté où sa différence plane comme une malédiction souterraine et puissante.
C'est ce sentiment de honte que travaille Le choix d'Ali, en posant la question de l'homosexualité d'un jeune Maghrébin dans une cité de province où ses parents algériens doivent affronter le regard des autres. Mais Amor Hakkar évite de stigmatiser ses personnages et le mot tabou n'est jamais prononcé dans le film. On parle seulement de… avec un regard entendu dans la famille, ou alors de bars gays à l'extérieur quand Eric ou l'infirmer paraissent assumer leur homosexualité.

Le choix d'Ali dénonce en filigrane, le conservatisme des mœurs liées aux valeurs maghrébines. Son héros, joué par Yassine Benkhadda, est presque de tous les plans. La caméra le cadre en Scope, souvent de près comme pour mieux guetter les battements de cils ou les sourires gênés. Le réalisateur signe ainsi un film intimiste, linéaire, cadré par David Moerman, dans la cité de Montrapon, à Besançon. Le centre ville sert seulement de cadre à la rencontre d'Ali avec l'infirmier, dans un café où on peut dire les choses. Mais au delà des paroles, ce sont le regards et les gestes esquissés que saisit finement Amor Hakkar.
Les acteurs qu'il dirige avec sobriété, sont des professionnels ou des proches. Car Le choix d'Ali est une production indépendante, financée par la Région Bourgogne - Franche-Comté en partenariat avec le CNC. Ainsi le réalisateur originaire d'Algérie, fait entendre sa partition singulière dans le cinéma français. Il monte lui-même ses films et les distribue modestement via sa société, Sarah Films. Une démarche engagée, persistante, qui repose sur un style délicat et tranchant, coupant et déchirant. Déchirure que Le choix d'Ali avive en suspension.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

Films liés
Artistes liés
Structures liées