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Le Miracle du Saint Inconnu
Croire pour exister au Maroc
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 06/01/2020
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
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Alaa Eddine ALJEM, réalisateur marocain
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Scène du film
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Cannes 2019
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58è Semaine de la Critique, Festival de Cannes 2019
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Le Moindre Geste Production
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The Match Factory, Cologne
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ESAV Marrakech
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INSAS Bruxelles
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LM Fiction de Alaa Eddine Aljem, Maroc / France / Qatar, 2019
Sortie France : 1er janvier 2020


Il y a beaucoup d'histoires qui témoignent, sensibilisent et même qui font rêver au Maroc. Le Miracle du Saint Inconnu est de celles là. Avec son premier long-métrage, sélectionné au Festival de Cannes par la Semaine de la critique, le Marocain Alaa Eddine Aljem poursuit la veine satirique engagée dans ses courts-métrages dont Les poissons du désert, 2015.
"J'aime partir d'une situation absurde et je cherche à exploiter son potentiel dramatique aussi bien que comique", déclare le réalisateur, formé à l'ESAV de Marrakech puis à l'INSAS de Bruxelles. Fort de sa technique qui lui permet de travailler comme assistant en créant sa société de production à Casablanca, il réunit une production entre le Maroc, la France et le Qatar pour créer Le Miracle du Saint Inconnu.





Dans le prologue, Amine court dans le désert pour échapper à la police. Il cache son butin dans une tombe rapidement confectionnée, en pleine nature. Quelques années après, lorsqu'il sort de prison, Amine revient chercher son magot enfoui. Mais l'endroit s'est transformé. La colline désertique est devenue un lieu de culte fréquenté qui attire les pèlerins sur la tombe du Saint Inconnu. Comprenant qu'il a suscité une croyance à son insu, Amine s'installe dans le village à côté du mausolée, et fait appel à un complice pour tenter de récupérer son butin alors que les villageois et un gardien avec chien, protègent la tombe.
L'histoire réunit une galerie de personnages pittoresques dont Amine, le voleur, un médecin déplacé en zone rurale que les femmes consultent pour se distraire, un père qui préfère l'amour de sa terre à son fils… On y voit l'accouplement d'escargots qu'observe le docteur à la télévision, le jeu d'un barbier avec des mousses à raser de couleurs différentes, un chien avec des dents en or, des explosions… "Le film a un potentiel comique parce que les personnages sont assez excentriques," admet Alaa Eddine Aljem qui les aligne comme des archétypes. "Et il y a aussi des choses plus dramatiques."





Le Miracle du Saint Inconnu balance ainsi entre les genres. "C'est une fable moderne teintée d'absurde, qui emprunte au conte", explique le cinéaste. " C'est un des défis de ce film, arriver à un juste équilibre entre le premier et le deuxième degré". Au-delà de son ton qui fraye avec le burlesque, la fiction aborde l'état d'esprit de la société marocaine qui a épuisé certains espoirs d'évolution après l'accession de Mohamed VI au pouvoir. "Le Miracle du Saint Inconnu est aussi un film sur le changement. "Quelque chose de moderne surgit et bouscule une société aux croyances populaires", souligne le réalisateur en cultivant des petits détails qui contribuent au ton comique des situations.
Mais son propos consiste aussi à questionner l'importance des croyances. "On a besoin de croire en quelque chose, que ce soit spirituel, idéologique ou matériel", estime Alaa Eddine Aljem en observant des villageois fermement convaincus de la véracité du Saint Inconnu qui les protège alors qu'il est la créature d'un voleur. Il renforce leurs agitations par une mise en scène posée, avec un cadre statique, constituant des sortes de tableaux, égrenés sur un rythme lent d'où surgit l'incongruité des comportements.

Avec son style poussé avec méthode et une minutie appliquée, Le Miracle du Saint Inconnu se démarque de la production marocaine actuelle comme le revendique Alaa Eddine Aljem : "Les réalisateurs de ma génération en ont assez d'entendre qu'un film venant de cette région du monde doit nécessairement parler de la condition de la femme ou du terrorisme ou de la religion ou de l'immigration."
Alors en s'appuyant sur un scénario solide et charpenté qui a motivé des aides à Locarno, à Sundance ou à la Fabrique des Cinémas à Cannes, le réalisateur porte à l'écran les contrastes de sa société. "Au Maroc, aujourd'hui, la modernité est en marche. Se pose la question du devenir d'un mode de vie ancestral", réfléchit Alaa Eddine Aljem. En relevant l'importance du changement, de la croyance pour avancer, il propose un regard caustique et décapant sur la vie contemporaine, en s'exclamant : "Le monde est absurde, et le Maroc l'est encore plus !"

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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