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Un fils
Questionner la paternité en Tunisie
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 09/03/2020
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Mehdi Barsaoui, réalisateur et scénariste tunisien
Mehdi Barsaoui, réalisateur et scénariste tunisien
Scène du film
Scène du film

LM Fiction de Mehdi M. Barsaoui, Tunisie / France / Liban / Qatar, 2019.
Sortie France : 11 mars 2020;


Le cinéma tunisien se régénère sans cesser d'interpeller des sujets de société. Tandis que Hinde Boujemaa questionne l'adultère avec Noura rêve, 2019, Mehdi M. Barsaoui s'intéresse à la paternité avec Un fils, 2019. Il a déjà réalisé trois courts-métrages attachés à la famille dont On est bien comme ça, 2016, dirigeant le réalisateur Nouri Bouzid dans le rôle d'un grand-père matois aux côtés d'un petit-fils malin. Une sorte de parrainage pour un auteur sensible à l'intime sur fond de changements de la société tunisienne. Un fils, son premier long-métrage, s'inscrit dans cette veine.




Fares et Meriem forment un couple uni, soudé par l'amour de leur fils, Aziz. Ils évoluent dans un milieu aisé, ouvert à la modernité. Mais nous sommes en 2011 et des groupes extrémistes défient la police par des embuscades en campagne. Lors d'un déplacement en voiture, la famille tombe sur une attaque armée contre des militaires. Ils essuient des coups de feu et le fils est gravement blessé.
A l'hôpital, une transplantation d'organe est nécessaire mais elle ne peut venir que du père. Or le médecin découvre que Fares n'est pas compatible et donc n'est pas le géniteur de Aziz. Le choc de cette révélation divise le couple, réuni autour du fils en souffrance. Meriem doit révéler une liaison passée, retrouver le véritable père de l'enfant pour tenter une greffe. De son côté, Fares essaie d'acheter un organe à des médecins privés qui trafiquent avec des enfants en Lybie.




Le drame se déroule après la révolution de 2011 qui a précipité le départ du président Ben Ali. "Ce qui m'intéressait, c'étaient les répercussions que la vie politique pouvait avoir sur une famille d'allure classique", explique Mehdi M. Barsaoui, en resserrant son récit sur la crise du couple. "Les événements influencent le développement de l'histoire, mais l'intrigue se concentre toujours sur le drame qui saisit la famille", admet le réalisateur. Et le couple protégé est forcé de sortir de son cocon bourgeois, matérialisé par leur voiture de luxe, pour affronter la désintégration de leur univers via l'accident de Aziz.
"Face à ce drame, la modernité, particulièrement celle de l'homme, a ses limites", observe le cinéaste. L'accident remet en cause violemment la paternité de Fares qui élève avec amour son fils présumé. "En quoi consiste la paternité ? Est-ce que la reproduction génétique fait de nous un parent ?", se demande Mehdi M. Barsaoui en cadrant Fares. "C'est quelqu'un de bien à tous égards. Mais dès que le drame se profile, ses faiblesses se révèlent." Et Meriem se retrouve confrontée à son passé, en proposant même de se livrer à la justice. "Le film ne traite pas seulement de la paternité, mais aussi de la maternité et de l'adultère", ajoute le cinéaste, utilisant des ellipses pour dévoiler progressivement ses enjeux.




"L'idée n'était pas de retenir l'émotion, mais en dissimulant certains éléments, j'avais la possibilité de dévoiler le passé du couple", commente Mehdi M. Barsaoui, utilisant le format Scope pour traiter ses protagonistes en indiquant : "Il me permettait de montrer la solitude des personnages grâce au cadre, sans avoir recours à des artifices de mise en scène." L'objectif reste ainsi attaché aux héros en cultivant une certaine sobriété de traitement. "Je voulais une caméra à l'épaule qui soit au plus près des personnages", ajoute le réalisateur, avide de "rester focalisé et centré sur ces personnages". L'implication des acteurs principaux est alors primordiale.
Sami Bouajila, réputé et reconnu dans le cinéma français, campe un père et un mari, ravagé par la douleur, tandis que Najla Ben Abdallah, révélée par des séries télés tunisiennes récentes, compose une épouse saisie par la peine. Leur jeu intérieur s'appuie sur un scénario solide, peaufiné pendant quatre ans dans des ateliers d'écritures successifs. Mehdi M. Barsaoui élargit ainsi l'audience du cinéma tunisien par une coproduction avec la France, le Liban et le Qatar. Il se pose comme un auteur intimiste, valorisant la prise de conscience, les options de vie, dans une société tunisienne en évolution. "L'idée était précisément de permettre aux deux protagonistes de décider de leur avenir", glisse le cinéaste, en ouvrant Un fils sur des perspectives à redéfinir.




Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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