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entretien avec Joel Zito Araùjo, à propos de Filhas do Vento
On ne peut se séparer de son origine
critique
rédigé par Olivier Barlet
publié le 10/07/2005
Martial E. Nguéa
Martial E. Nguéa
Olivier Barlet
Olivier Barlet
Joel Zito Araújo
Joel Zito Araújo
Les Filles du vent (Filhas do Vento)
Les Filles du vent (Filhas do Vento)

Dans Filhas do Vento, le réalisateur brésilien Joel Zito Araùjo aborde à travers des histoires d'amour la condition des femmes noires dans le géant d'Amérique latine.

Pourquoi vous intéressez-vous ainsi aux femmes noires brésiliennes ?



Mon dernier film portait sur les acteurs noirs dans les telenovelas au Brésil. Cela m'a permis de parler avec nombre d'acteurs et actrices qui m'ont raconté leur histoire. C'est ainsi que le film s'est imposé à moi. J'ai d'abord pensé faire la biographie d'une des femmes du film, la vieille Cida (qui est interprétée par l'actrice noire la plus connue de l'histoire du cinéma brésilien, Ruth de Souza). En approfondissant le sujet, j'ai décidé d'en faire une fiction et imaginé cette histoire de deux sœurs, l'une qui rêve de devenir actrice et donc de quitter ce morceau de terre à laquelle l'autre reste attachée, qui ressemble beaucoup à ma mère et représente un archétype de ce qu'est une femme "normale" au Brésil.



Entre vie, mort et filiations, votre sujet n'est-il pas l'histoire du peuple noir au Brésil ?



L'idée principale était de traiter du racisme au Brésil, et comment il détruit l'estime que l'on a de soi. Il s'agissait aussi d'offrir une perspective différente des femmes noires qui, au cinéma, sont toujours des bonnes, des marginales ou quelque chose de "mal", ce qui supposait de leur offrir des personnages qui soient comme n'importe quelle femme au Brésil. Mon dernier film qui traitait de ces stéréotypes dans les telenovelas a suscité un grand débat au Brésil et obtenu de nombreux prix car il parlait de ce dont on ne parle pas. Les Brésiliens aiment croire qu'ils sont une démocratie raciale sans racisme. L'intention de mes films est justement de relativiser cela en parlant des Noirs qui souffrent du racisme. Le Brésil doit se rendre compte qu'il est une société multiraciale et multiculturelle : une mosaïque. Mais c'est un tabou et on en parle pas. Ma stratégie était de toucher les gens par le cœur pour qu'après le film, ils en parlent entre eux.



Pourquoi est-ce un tabou ?



Les Blancs se plaisent à dire qu'il n'y a pas de problème de racisme. Ils refusent de se confronter à cette question. Les Noirs ont à lutter contre ce refus autant que contre le racisme. Alors que les Noirs représentent près de la moitié de la population, ce sont les Blancs qui tiennent les bonnes positions de la société. Les Noirs au sommet sont une minorité, mais il y a dorénavant cinq ministres noirs dans le gouvernement Lula.



Votre film adopte les techniques des telenovelas pour émouvoir le public.



Oui, car au Brésil c'est le produit dramaturgique dominant ! Alors que 90 millions de personnes suivent les télénovelas, seulement de 3,5 millions vont au cinéma. Il s'agissait donc d'intégrer ce mode narratif pour toucher un large public. C'est à ce public que je m'adresse et je n'ai pas cherché à faire un film pour le marché international.



Vous utilisez beaucoup les paysages comme élément dramatique. Comment les avez-vous choisis ?



J'ai dû tourner le film près de Rio pour des raisons pratiques mais il se déroule en fait là où je suis né, près de Quilombo. On y trouve une communauté noire très éloignée des grandes villes qui vivent dans la pauvreté mais de façon très soudée. Les deux sœurs du film vivent dans des mondes séparés, l'une quittant son village, mais je crois beaucoup à l'idée exprimée dans le concept sankofa : on ne peut se séparer de son origine.


propos recueillis par Martial E. NGUÉA et Olivier BARLET

Festival Ecrans Noirs du cinéma d'Afrique francophone (FENCAF, Yaoundé, Cameroun), 2005. Bulletin n°3.

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