AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 354 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Adaptation cinématographique des œuvres littéraires
critique
rédigé par Jean-Claude Awono
publié le 16/07/2005

L'atelier a créé des scénaristes



Bulletin n°6, Festival Écrans Noirs du cinéma d'Afrique francophone (FENCAF, Yaoundé, Cameroun), 2005.

Regrouper une dizaine d'écrivains et scénaristes, leur permettre de choisir un corpus d'œuvres littéraires (romans, nouvelles), se fixer l'objectif de produire des scénarii au terme de l'expérience : tel est le projet de l'atelier d'adaptation cinématographique des œuvres littéraires inscrit dans les neuvièmes Écrans noirs de Yaoundé. Parce que le cinéma camerounais et sa littérature fictionnelle n'avaient pas pris une nette et claire conscience des territoires qui leur sont communs, il a bien fallu que Bassek Ba Kobhio et son équipe s'ouvrent aux écrivains qui lui en ont fait l'expresse suggestion depuis quelques éditions du rendez-vous des cinéphiles de Yaoundé. Une fois le principe acquis et l'expérience lancée, le flux des questions a surgi : pourquoi décide-t-on d'adapter une oeuvre littéraire au cinéma ? Comment l'adapte-t-on ? Quelle place occupe le scénario dans la complexe articulation de l'activité cinématographique, etc. ?



Entre littérature et cinéma, il y a eu beaucoup de querelles. Luidgi Pirandello et André Malraux n'y sont pas allés de main morte. Le premier affirme que "l'erreur commise par le cinéma a été, au début, de suivre la mauvaise route, celle de la littérature", et le second assombrit davantage le tableau du roman : "Si le roman s'affaiblit d'année en année, si la peinture a renoncé à la fiction, c'est peut-être parce qu'aucune fiction n'est rivale de celle du cinéma". Pourtant, l'histoire du cinéma, c'est un peu celle de la littérature aussi : qui ignore le destin des œuvres littéraires telles Racine, Le Parrain, Roméo et Juliette, Madame Bovary, etc. dans leur rencontre majestueuse avec le septième art ? Les trois petits cireurs, Sango malo, Le silence de la forêt pour nous en tenir à l'Afrique, ne sont-ils pas inspirés de fictions littéraires ? Il n'y a de vrai cinéma que littéraire et de vraie littérature que cinématographique, pourrait-on risquer de dire, au vu du long compagnonnage que l'histoire a établi depuis le siècle dernier entre l'acte d'écrire et l'acte de montrer. L'on sait par ailleurs que la lecture est une activité qui n'arrive pas vraiment à décoller en Afrique pour toutes sortes de raisons. Or, en portant sur des écrans dont le succès sur les masses n'est plus à démontrer davantage d'œuvres littéraires, leur audience grandirait et la condition des écrivains s'en trouverait améliorée. Il faut donc s'inscrire dans une tradition qui a fait fortune, instaurer un dialogue pertinent et continu entre les fictions littéraire et cinématographique pour un renouvellement de la culture dans son ensemble. Et puis il y a des écrivains qui sont devenus cinéastes, et les exemples de Sembène Ousmane et Marguerite Yourcenar font presque école désormais. Et pourquoi ne pas rêver d'écrivains africains qui produiraient un jour des romans à partir des succès cinématographiques ?



Mais l'atelier qui vient de se tenir du 7 au 10 juin au siège des Films Terre africaine sous la co-direction de Bernard Nagmo (scénariste professionnel) et Stella Engama Virginie (écrivaine) a centré son objet, au-delà de toute spéculation théorique, sur l'écriture du scénario. En quatre jours, l'atelier s'est penché sur les différentes étapes qui conduisent à la production d'un scénario, de la phase d'inventaire des éléments de base au choix de quelques œuvres qui ont été adaptées en passant par les phases de reconstruction et d'enrichissement.



Gageons donc qu'au terme de cet exercice d'apprentissage de production d'un plan de film, les participants aux travaux de la rue Ceper aient des réponses aussi complètes que possible aux questions du pourquoi et du comment créer un scénario. Car un scénario c'est un auteur, une création, ou mieux une recréation, qui ne raconte pas, mais qui montre. C'est aussi un réseau de relations avec tous ceux qui comme le producteur, le réalisateur, l'auteur d'une oeuvre littéraire rentrent dans le complexe et vaste circuit de production de films. Les écrivains Florent Ndjiki, Joseph Fumtim, Clavin Ekena Onana, Jean-Claude Awono et Samuel Nkamnya en ont pris bonne note, et ont produit leur premiers scénarii, à côté de et avec les scénaristes Agnès Lydienne Yougang, Simon Pierre Bell… et le jeune producteur Romuald Itaba. Selon l'écrivain Joseph Fumtim, l'expérience a servi de "bons prolégomènes pour quelqu'un qui veut entrer au cinéma." Et d'ajouter, confiant : "l'atelier a reformaté mes outils de création romanesque. La compétence des formateurs m'a, évidemment, comblé."



De quoi citer André Diligent qui réconcilie tous les arts dans cette merveilleuse phrase qui peut bien s'inscrire au fronton de la neuvième édition des Écrans noirs : "La culture visuelle n'a de sens que dans la mesure où elle accompagne les autres formes de culture".



Jean-Claude Awono