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ETRE CRITIQUE DE CINEMA !
critique
rédigé par Mohamed Nasser Sardi
publié le 22/10/2005

Le débat bat son plein autour du thème "être critique de cinéma africain" et c'est tant mieux ; mais en quoi un critique africain peut-il différer d'un critique non africain ? Et d'abord : qu'est ce qu'un critique de cinéma ?

Est-ce celui qui écrit ses impressions concernant un film ? Peut-être le journaliste spécialisé ? Ou bien l'analyste – académicien ?


Mais commençons par le début et allons voir un film.


C'est un choix libre, conscient et délibéré que chacun peut faire de sa propre initiative (même si la disponibilité des films, la promotion et la… critique peuvent influencer ce choix).

Il faut avouer que le premier contact qu'a un spectateur avec une œuvre cinématographique est un contact purement émotionnel. Le spectateur sent le film ; ça lui plait ou ça ne lui plait pas (on exclue l'indifférence).


Cette première approche purement sensitive concerne tous les spectateurs ; elle ne constitue en aucun cas une approche critique du film! Cette attitude émotionnelle se désagrège, pour la majorité, dans un laps de temps, plus au moins long, après la fin du film (ça dépend de l'impact de l'œuvre sur le récepteur et la relation intime qui se tisse entre les deux). Reste qu'une partie des spectateurs va essayer d'intellectualiser ce sentiment, de chercher à savoir pourquoi ils ont aimé le film ou l'inverse. Là, on commence à voir apparaître l'ébauche d'une critique cinématographique, même si elle reste essentiellement impressionniste.


Ainsi, tout essai d'intellectualiser une approche émotionnelle d'une œuvre cinématographique, est une critique. Ce qui ne fait pas systématiquement de celui qui l'émet un critique de cinéma !



Un critique de cinéma est d'abord un cinéphile ; c'est-à-dire, en plus d'être passionné par le cinéma comme art et comme moyen d'expression, il doit avoir un vécu "filmique". On ne peut devenir du jour au lendemain, un critique ; il faut avoir vu beaucoup de films, surtout les œuvres majeurs de l'histoire du cinéma, pour se constituer des repères esthétiques, techniques et thématiques, de comparaison et d'analyse. Une critique cinématographique présuppose un tri (donc un classement) ; ce tri, qui répond à des critères objectifs, repose sur un choix essentiellement subjectif (heureusement !) qui varie d'un critique à un autre suivant des données individuelles, sociales, idéologiques et culturelles. C'est ainsi que s'expriment les fondements de la personnalité du critique ; et c'est à partir de ceci qu'on peut parler d'un critique tunisien, d'un critique camerounais, voire même d'un critique africain ou asiatique.


On remarque que ceci n'a aucun rapport avec un cinéma autochtone ou continental.



Quant aux repères objectifs, ils ne varient que dans un espace limité, régi par des normes établies (qui peuvent être transgressées dans certains cas, ou même transformées suivant l'apparition de technologies nouvelles ou selon la créativité d'un artiste ou d'un chercheur).


Ces repères objectifs se situent à deux niveaux :


- un niveau mécanique : comprend toute la panoplie des moyens de filmage qui permettent au récepteur de recevoir le film dans les meilleures conditions de réception. Ceci inclut les qualités de l'image, du son, de la lumière, ainsi que toutes les technologies qui permettent de faire un film.


- Le niveau narratif : comprend toutes les techniques en rapport avec la création et la créativité humaines et qui permettent au récepteur de comprendre un film. Ceci inclut l'utilisation consciente de la mécanique, l'écriture du scénario, le découpage, le filmage, le montage, le mixage, le jeu des acteurs, les dialogues, la musique…


Partant de ce constat, on comprend alors, qu'être cinéphile (et même cinéphile averti) est une condition nécessaire mais pas suffisante, pour être critique de cinéma. Il faut avoir, en plus, un savoir minimum de ce qu'est le cinéma d'un point de vue purement technique (mécanique et narrative) ; il faut pouvoir reconnaître un contre-plongée, un zoom, une ellipse, un plan de coupe, un hors champ ou un flash-back ; et il faut savoir aussi le pourquoi de l'utilisation de tel ou tel procédé et ce qu'il peut exprimer (utilisation consciente de la technique). Ceci est fondamental pour lire un film et l'analyser. Là, on est en pleine critique cinématographique consciente et professionnelle (dans le sens "valeur" et "pertinence").



Malgré tout ce que vient de précéder, un critique de cinéma a besoin d'un surplus d'apports qui dépasse le cinéma lui-même ; Il lui faut une culture générale variée et quasi-complète.


Sinon, et si en passe sur l'historique du cinéma (évolutions, genres, écoles…), peut-on bien assimilé Un Chien Andalou (Luis Buñuel, 1928) sans rien savoir du surréalisme, se laisser imprégner par Lettre d'amour Zoulou (Ramadan Suleman, 2004) sans connaître l'après apartheid en Afrique du Sud ; peut-on approcher sérieusement Sabots en or (Nouri Bouzid, 1989) si on ignore tout des "perspectivistes" en Tunisie, ou apprécier à sa juste valeur La momie (de l'Égyptien Chadi Abdessalem, 1969) si on n'a aucune idée du rapport photo/lumière !


La critique et l'analyse des films ne peuvent qu'être incomplètes sans ces apports hors cinéma. Ceci tient de l'essence même du cinéma comme art ; car, à regarder de plus prés, on remarque que le septième Art n'est pas un art comme les autres : il les inclut tous ; il en est le mélange et la synthèse. Dans un film, on trouve la photo, la musique, l'écriture romanesque, le théâtre, la peinture, la sculpture et à plusieurs occasions, la poésie. Le tout baigne dans diverses dimensions (longitude, latitude, profondeur et son) et divers degrés de compréhension (1er, 2éme,…).


Et si le cinéma englobe tant de diversité, il devient logique, et même nécessaire, que le critique de cinéma ait une connaissance minimale de cette diversité.



Alors, qu'appelle t-on critique cinématographique ?


Et bien, ajouter un zeste de philo à tout ce qui est écrit plus haut, plus un peu de connaissance des techniques de communication, plus une once de sciences sociales, de géopolitique et de quelques autres domaines de ce qui fait la vie des humains, et vous aurez la réponse !

Mohamed Naceur SARDI





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