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Lorsque Sophiatown défiait l'apartheid.
Drum de Zola MASEKO (South Africa)
critique
rédigé par Sid-Lamine Salouka
publié le 25/11/2005

En ce début d'année 2005, l'Afrique du Sud vient d'effectuer un devoir de mémoire en rebaptisant la cité Victory de son ancien nom, Sophiatown.

Jusqu'en en 1905 en effet, Sophiatown était un îlot où cohabitaient en bonne intelligence les populations noires, indiennes et blanches alors que tout autour l'Apartheid, sans être codifié, était déjà en marche. Dans ce quartier habité par une classe moyenne à tendance artistique, les cabarets de blues, de jazz et de twist, comme dans le Harlem des années vingt, accompagnaient un peuple de noctambules jusqu'au petit matin.

Le magazine Drum ("Tambour", en anglais), de tendance people, couvrait les virées des petites célébrités de cette vie de bohême, jusqu'au jour où une matrone noire venue des bas-quartiers demande au journaliste Henry Nxumalo (Taye Diggs) d'enquêter sur le sort de son fils que la police a arrêté. Premier dossier brûlant qui change carrément la ligne éditoriale du journal et qui transforme son équipe de joyeux fêtards en journalistes d'investigation.

Très vite en effet, c'est l'ensemble des injustices sociales en œuvre dans la colonie britannique d'Afrique de Sud qui s'engouffre par la porte ainsi entrebâillée : conditions d'esclaves des ouvriers agricoles, arrestations arbitraires et humiliations innommables des Noirs en prison, impossibilité pour un Noir de pénétrer dans une église blanche ou d'entretenir une relation amoureuse interraciale.

Avec la complicité d'un photographe blanc, Henry pratique l'infiltration des milieux délictueux avec un succès retentissant. Mais bientôt, réagissant aux humiliations subies, l'administration décide la destruction de Sophiatown ainsi que le transfert de sa population noire dans le futur bidonville de Soweto.

Drum, premier long métrage de Zola Maseko, est une reconstitution de la vie d'Henry Nxumalo convaincante même si le jeu de Taye Diggs est quelque peu stéréotypé. Les décors, les coutumes et surtout la tonalité sépia des images, caractéristique du film policier classique, restituent l'atmosphère de ce début du vingtième siècle. L'intensité dramatique, qui va crescendo, est notamment entretenue par les inquiétudes de la femme du héros qui l'enjoint constamment à changer de métier. D'autre part la brutalité des gangsters qui écument Sophiatown, celle de la police et les marches de protestation de l'ANC naissante annoncent le drame à venir.

Le jeu de la caméra crée une complicité entre Henry et son ami photographe, par opposition avec la réalité ambiante qui est déjà à la séparation des races.

Le film est également remarquable par la qualité de sa musique, signée par Bheki Khosa. On peut relever notamment la puissance des chœurs de la fin qui, en submergeant le son direct constitué par les ordres des policiers et le bruit des bulldozers, impriment un espoir tenace que couve la chute de Sophiatown, cette ville qui défia l'apartheid.

Sid-Lamine SALOUKA

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