Ouaga Saga ne serait-il pas un film de commande faisant l'apologie des jeux de hasard ? Après Kéita, l'héritage du griot (1995) où il traite de la problématique de la perpétuation de la tradition ; Sia, le rêve du python (2000) dans lequel il dépeint la réalité du pouvoir politique tel qu'il est exercé dans les palais, Dani Kouyaté a commis son troisième long métrage en 2004, Ouaga Saga, un film qui se situe entre le rêve et le divertissement.
Au travers d'un genre populaire, comique et bien rythmé, Dani Kouyaté entraîne plaisamment le spectateur dans les quartiers pauvres de Ouagadougou. Là, il leur montre comment une poignée de jeunes lutins ayant chacun son rêve, peuvent se sortir de leurs difficultés existentielles, tout en réalisant ces rêves. Pour ce faire, ils sont simplement armés de leur solidarité, de leur courage, de leur volonté, et surtout, de leur générosité dans l'effort. Et si le réalisateur ne prend pas de gants pour dénuder le quotidien de ces "enfants de la rue", il utilise cependant des traits d'un humour incisif qui provoque forcément l'hilarité. De là, le film qui se déroule autour de la recherche de la concrétisation des rêves de gosse, va glisser lentement et inexorablement vers un cinéma de divertissement (divertissement des spectateurs), si rare - et si souhaitable - dans le septième art africain.
Cependant, Ouaga Saga pèche par le manque d'originalité du traitement d'un sujet déjà abordé par d'autres réalisateurs du continent noir. Nabil Ayouch entre autres. Et ceci, non pas parce que Dani Kouyaté fait parler un âne qui nous rappelle étrangement le comportement de Johnny Jumper, le fameux cheval de Lucky Luke, mais parce que ce film, par plusieurs côtés, tient de Dolè ("Argent"), du Gabonais Ivanga Imunga. Et à propos d'argent, la compréhension de la construction scénaristique de Ouaga Saga ne va pas sans poser quelques problèmes. Les paroles serinées par la musique qui accompagne la dernière partie du film nous conseillent : "Tu veux auto, … tu veux champagne,.. patientez ! … Tu veux moto … tu veux gâteau … travaillez !…". Curieusement, ceux qui gagnent vraiment de l'argent ici ne sont pas ceux qui ferraillent dur, mais plutôt ceux qui jouent au PMU. En fin de compte, si Ouaga Saga se présente comme un film de divertissement, la promotion des jeux de hasard y apparaît comme ce qui reste quand on en a tout oublié.
Jean-Marie MOLLO OLINGA, CINE-PRESS, Cameroun.
Fiche technique
- Réalisation : Dani KOUYATE, Burkina Faso, 2004
- Scénario : Michel MIFSUD et Jean-Denis BEREMBAUM
- Image : Jean-Claude SCHIFRINE
- Son : Francis BALDOS
- Montage : Jean-Daniel FERNANDEZ
- Musique : Moktar SAMBA
- Interprètes : Bonsa Amidou, Belem Sébastien, Kaboré Jérôme, Sanou Agnibou, Ouédraogo Thomas, Sorgho José.
- Durée : 90 mn.
- Format : 35 mm.
