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La sénégalaise Safi FAYE
J'ai fait le cinéma pour ma mère l'analphabète
critique
rédigé par M'barek Housni
publié le 19/07/2006

1- Qu'est-ce qui vous a amené à faire du cinéma, vous en tant qu'Africaine en tant que femme ?

Je ne sais pas si on peut dire qu'on décide d'être ceci ou cela. Pour moi il y a un destin qui est tracé. Il s'est trouvé que j'ai été institutrice et du jour au lendemain j'ai décidé de quitter l'enseignement, et faire une autre formation. Et ma formation était d'aller chercher de savoir ce que c'est que l'Afrique. J'ai cherché à savoir qu'est-ce que l'Afrique, il s'est trouvé que j'étais une Africaine qui a été élevée comme une Européenne. Et pour connaître l'Afrique, j'ai eu l'opportunité d'aller en France et dans les grandes écoles où des africanistes m'apprenaient ce que c'est que l'Afrique. Et je me suis dis qu'en tant qu'ancienne institutrice je pourrais écrire d'une autre façon ce qu'est l'Afrique, sans passer par les abc, de telle manière que tout le monde comprenne ce que je dis. Et cette autre façon de dire c'est le cinéma. Ainsi je suis allé à la plus grande école de cinéma à Paris, l'école Lumière. C'était dans les années 69, 70, la génération d'après mai 68. Mais en tant que Sénégalais de France on y allait chaque année et on avait une relation continue avec la France, on ne sentait pas de coupure. Et ayant des connaissances européennes, je me suis dis il me fallait acquérir des connaissance africaines et ceux qui les maîtrisaient étaient en Europe. Et ainsi j'ai étudié l'ethnologie, l'anthropologie et ensuite le cinéma. Écrire pour mettre sur pellicule mes traditions, ce que veut la société de l'Afrique. Ce n'était pas pour aller dans des festivals.




2- Donc le cinéma que vous faites était lié à l'Afrique ?

Non c'était une écriture accessible à ma mère. Elle n'a jamais été à l'école mais elle a donné naissance aux plus grands intellectuels de l'Afrique et je voulais écrire pour qu'elle lise. Ainsi m'est venu l'idée de faire des films. Comme c'était un événement, les gens ont dit il y a une Africaine qui fait des films. C'était plus facile alors de faire des films, maintenant c'est plus difficile.
Ça ne me fait absolument rien du tout d'être la première cinéaste africaine. C'est une étiquette qui est venue comme ça par hasard.
Je me suis battu pour ouvrir toutes les portes. Non, ça me fait absolument rien. Je voulais juste avoir l'opportunité de faire parler les Africaines, avoir l'opportunité de donner la parole à la paysannerie africaine, car je suis issue du milieu rural.




3 - Vous avez commencé en 1972. Donc après plus de 30 ans passés dans le cinéma, vous avez réalisé des courts-métrages, de long-métrages et des documentaires, est-ce que vous vous sentez satisfaite de votre carrière? Avez-vous réalisé ce que vous vouliez au départ ?

Absolument. Car créer pour moi est quelque chose d'égoïste, quelque chose qu'on doit satisfaire, mais ça ne vous permet pas de vivre. Il faut avoir d'autres boulots. Moi je fais de la recherche, je donne des cours.




4-Le long de votre carrière, vous avez fait beaucoup de courts-métrages et peu de longs-métrages et ça fait des années que vous n'avez pas réalisé de films de fiction. Est-ce un problème de production ou autre chose ?

Vous devez remarquer que tous mes films sont allés à Cannes. Mon dernier long-métrage est un film à problèmes. Il a été saisi par la justice en France car il y avait des problèmes avec les producteurs français. Après s'être procurés l'argent nécessaire, ils se sont accaparés le film et l'ont considéré comme le leur. Alors les autres producteurs, sénégalais, allemands et suisses se sont fâchés. Car moi j'arrive à avoir un financement international à mes films. Les Français ont dit que c'est leur film et même pas celui de Safi. Le film je l'ai fait en 1990, il a été en justice jusqu'en 1996. Et on me l'a rendu en 1996. Et pourtant il est allé à Cannes.




5- Est-ce que vous pensez qu'il y a un cinéma africain ? Si oui, quelles sont ses caractéristiques ?

Je crois qu'il y ades cinémas. Chez nous au Sénégal, on a un cinéma d'auteur et ainsi nos films restent toujours valables, sans dates, ils deviennent des films classiques. Il faut choisir entre le cinéma d'auteur et le cinéma commercial.




6- Vous faites aussi dans la critique. Où est-ce que vous vous trouvez le mieux, en faisant des films ou en écrivant sur ces films ?

Les critiques que je faisais sont spéciales. Ce sont des critiques de survie. De 1990 à 1997 il me fallait travailler et ainsi je suis tombé sur des industriels français qui faisaient des films pas dans le but de créer, mais pour avoir des contrats pour la construction des bâtiments et les infrastructures. Il y avait de la concurrence entre eux et comme ils savaient que je faisais du cinéma ; ils m'ont demandé de faire des critiques sur les films que tel industriel ou tel autre a fait. C'était juste un fait passager dans la vie, pour pouvoir manger.

Par M'barek HOUSNI (Maroc)

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