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La réconciliation ou la vérité
Lettre d'amour zoulou - Zulu Love letter, de Ramadan SULEMAN
critique
rédigé par Yvette Mbogo
publié le 22/04/2005

par Yvette MBOGO (Cameroun) à Carthage

Tanit d'argent aux 20è journées cinématographiques de Carthage (Jcc) à Tunis, le film de Ramadan Suleman, Lettre d'amour zoulou est un hommage rendu à la femme noire sud-africaine pour la libération de son peuple.

Après les élections de 1994 qui conduisent Nelson Mandela au pouvoir, on croit que le peuple noir sud-africain est enfin libre. Erreur ! Deux ans après, c'est-à-dire en 1996, un assassinat perpétré dix ans auparavant crée une actualité grinçante et vient balayer tout ce qu'on brandit publiquement (la fin de l'apartheid) et prouver que le spectre de l'apartheid demeure et continue de hanter les consciences. Dans certaines familles, beaucoup de Sud-africains n'arrivent toujours pas à évacuer de leur conscience les maux qu'ils ont vécus pendant ces années noires. La tenue de la Commission Vérité et Réconciliation, où chacun est sensé reconnaître ses fautes et panser ses plaies, n'arrive pas à purifier les esprits des uns et des autres. Comment peut-on prôner la vérité et la réconciliation alors que cette commission a empêché beaucoup de victimes de parler des traumatismes qu'ils ont vécu pendant l'apartheid ?

C'est le biais de ce fossé entre la Commission Vérité et Réconciliation et le deuil de la fille de Me'Tau que le réalisateur sud-africain Ramadan Suleman va utiliser pour son film Lettre d'amour Zoulou. Motivé par son premier long métrage, Fools, réalisé en 1997 qui portait sur des violences dans les townships sud-africains pendant la période de l'apartheid, le réalisateur va choisir des rôles forts pour les femmes en guise de vibrant hommage à la libération du peuple sud-africain.

Rongée par les violences qu'elle a subi en prison démons du passé, Thandeka, journaliste noire résidant à Johannesburg ne peut accepter l'amnistie proposée par la Commission Vérité et Réconciliation. Elle a été témoin de l'assassinat de la fille de Me'Tau, une vieille habitante de Soweto. La journaliste prend à bras le corps le problème et en fait une hantise. Plus rien n'existe plus autour d'elle, pas même sa fille Mangi qui est sourde-muette. Abandonnée à elle-même, cette dernière va essayer de se rapprocher d'elle en réalisant des broderies de perles de différentes couleurs comme le veulent les traditions zouloues afin de pouvoir communiquer avec elle en vain. Et, un jour, Me'Tau finit enfin par rencontrer Thandeka pour l'aider à retrouver les meurtriers de sa fille et à retrouver les restes de sa fille afin de l'enterrer dignement selon la tradition.

Le film de Ramadan Suleman pose un regard sur la politique de la nouvelle Afrique du Sud aux "couleurs arc-en ciel". Les gens se méfient et se culpabilisent les uns les autres, de temps en temps, ces démons du passé ressurgissent toujours et viennent saper toute tentative d'ouverture et de communication. Et on peut le comprendre dans la relation de Thandeka avec Essop, le père de sa fille, et même avec son propre père. Le réalisateur magnifie les coutumes ici avec cet autel de souvenir de fruits, de photos et de bougies qui permet à Thandeka de reprendre goût à la vie et de transcender le passé. Preuve que les traditions concourent à l'avancement de la démocratie.

Les mouvements nerveux de la caméra, la musique et même le rythme servis dès le début du film laissent entrevoir la colère qui habite les gens. La qualité des images, des éclairages tantôt clairs, parfois obscurs, mais surtout la prestation bien menée de Thandeka le personnage principal (Pamela Nomveté Marimbe) qui porte entièrement la film sont autant d'éléments qui font la réussite de ce film.

Yvette MBOGO
à Carthage

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