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Le cinéma marocain et les traditions populaires
Adieu Forain (Bye bye souirty), de Daoud AOULAD-SYAD
critique
rédigé par Noureddine Mhakkak
publié le 25/09/2006

Un coup d'œil d'ensemble sur l'affiche d'un film démontre bien qu'elle fonctionne comme une annonce pour les récepteurs-spectateurs éventuels.
Les producteurs l'exploitent à bon escient pour grossir les rentrées. Il est utile donc de se pencher sur l'espace plastique-pictural d'une des affiches de notre cinéma marocain. Dans ce cadre, une lecture interprétative de l'affiche du film Adieu Forain du réalisateur Daoud Ouled-Syad est présentée.

Au premier plan, focus sur une figure féminine en pleine danse traditionnelle. Trempé, le regard ! Il s'agit en fait d'un personnage masculin habillé en danseuse, posture répondue dans les foires, espace où se mêle la foule, hommes et femmes confondus, espace de la mixité par excellence.
Cet "homme" jouant le rôle d'une femme évoque une époque où se mettre en spectacle était censuré par la Doxa. Paradoxalement, les temps ont changé...mais cet "être androgyne" demeure toujours.
Le spectateur se laisse retourner à la scène spectaculaire, enfance parcourant les foires, envoûtant face à l'inversion pratiquée dans cet espace social carnavalesque.
De par sa dimension plastique, la figure androgynique connue fonctionne, déclencheur de rêverie et d'introspection, il y a lieu de parler dès maintenant de topo d'interpellation émotionnelle.
Fascinantes, à l'affiche redouble de son attraction: deux figures masculines (apparemment, sait-on jamais?) qui entourent, écrasent même, la figure androgyne. La sévérité dans le regard, peut-être interroge-t-on sur les raisons de cette transgression, un homme se voyant contraint de se travestir pour pouvoir vivre? Eux, les hommes, les durs qui s'effritent sous le poids de la misère (par le biais de l'aspect vestimentaire) tentent de tenir le coup et demeurer des "mâles".

Survivre et sauvegarder son identité bio-sexuelle

Une autre note d'interpellation: la relation cataphorisante entre la figure androgyne et le titre du film : Adieu Forain ? Situé en haut sur la disparition, à-venir, de cette figure sociale (a-sociale, dira-t-on) et prépare l'éventuel spectateur à l'adieu ultime. Ceci accentue sûrement le désir de payer son ticket pour voir plus clair et assister à cette scène trop humaine, empreinte par la douleur de la séparation et l'errance renouvelée.
Cette intentionnalité, créant l'empathie, redouble d'insistance à travers la juxtaposition de deux mots chargés de sens, issus d'un mélange (mixité, métissage !) de langues, la version arabe du titre du moins: "Bye bye souirty", forgerie hautement significative, Adieu pari, adieu la chance, vie hasardeuse...
Le spectateur de l'affiche doit-il dans ce cas en rester à la simple dimension esthétique ou au contraire sortir du (champ d'attraction) pour s'interroger sur son propre devenir social, culturel, fondamentalement civilisationnel avec toutes ses composantes psy, avant que la mondialisation des valeurs occidentales n'estampe son identité ?
Menacé qu'il est par cette mondialisation mangeuse d'identités ?
Pour le spectateur, il n'est pas difficile d'y répondre un petit pas et le voilà dans la salle obscure pour embrasser les lumières du film, dans sa totalité cette fois-ci, en quête des secrets qui ne sont pas tous exposés dans l'affiche. Une affiche admirablement conçue et qui a réussi sa cible. C'est sûr.

Noureddine Mhakkak

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